Le Blâme

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Difkoum

Anti sioniste et khawa khawa.
( Titre : Le Blâme. - Mohammed Talbi -)

Les rafales de vent glacial, qui toute la nuit, furieux, ravageur, terrifiant, avait terrorisé les habitants de Boulemane, modeste village du Moyen-Atlas enserré entre quatre hautes montagnes, couvert de neige en cet hiver précoce de l'an 1984, continuaient, depuis tôt ce matin-là, de charroyer ce qui restait de l'automne, des brindilles sèches, des tiges déjà rongées aux extrémités par l'oubli monotone, des feuilles dorées, rousses, ou jaunes, et avec elles, pêle-mêle, des bouts de papier, des sacs et des bouteilles en plastique, des débris et des déchets anonymes, des morceaux de tissus qui dans les airs voltigeaient comme au-dessus de l'océan les lambeaux d'un naufrage au gré d'un cyclone.
Sur les bords de la route qui traversait le patelin, serpentant du petit pont près de la source vers le centre, quand on venait de Sefrou, s'entassaient les blocs que le chasse-neige venait d'écarter pour libérer la circulation des gens. Un amas de glace mêlée de boue s'était formé de chaque côté, obligeant ceux-ci à marcher sur la chaussée ruisselante, parfois glissante. D'ailleurs, lors de pareilles tempêtes, les véhicules restaient bloqués aux entrées Nord et Sud du village, et leurs passagers étaient les hôtes des braves villageois, autant que la route resterait fermée. Chaque maison qui le pouvait accueillait un, deux ou trois étrangers, leur assurait le gîte et le couvert, jusqu'à ce que les conditions climatiques leur permissent de poursuivre leur voyage.
Emmitouflée dans un vieux manteau de cachemire rouge qui avait déteint, un peu étroit parce qu'il la serrait aux hanches, mettant en évidence la maigreur frappante de son corps, si court des manches qu'elle n'arrêtait pas de souffler dans ses petites mains blanches, maigrichonnes, de froid bleuâtres aux extrémités des doigts que, par intermittence, elle frottait contre les pans d'une robe légère pour la saison, mais elle n'en avait pas d'autre, Itto remontait la pente vers le Collège Mixte, où elle avait cours de français à huit heures, luttait contre le vent, la tête aux cheveux coupés courts, à la garçonne, toute nue, frileusement enfouie entre ses frêles épaules courbées. Elle avançait à peine, ne sentait plus ses pieds, complètement gelés, car mal protégés par les sandales en plastique qu'elle chaussait, mais elle n'avait rien d'autre, se recroquevillait sur elle-même, relevait la tête de temps à autre pour renifler et, du revers de la main, essuyer ses yeux larmoyants. Une nuée blanche échappait de sa petite bouche dont les lèvres minces étaient toutes bleues, au rythme de sa respiration saccadée.
Elle claquait des dents et grelottait de tout son corps, quand enfin, essoufflée, elle s'assit à la première table, sa place habituelle, dans une salle à moitié envahie par la neige, car les fenêtres n'avaient pas de carreaux. Il n'y avait pas non plus de chauffage, pour la simple raison qu'il n'y avait pas d'électricité. Quant au bois, la coupe réservée à cet effet était toujours détournée par les hauts responsables locaux, qui se la distribuait, laissant les autochtones à la merci de la rude froidure. Et quand un pauvre paysan était surpris en train de couper du bois dans la forêt, il écopait d'une lourde amende, et souvent allait en prison parce qu'il ne pouvait pas s'en acquitter.
 
Les élèves, parfois, apportaient chacun une bûche, à tour de rôle, et l'on allumait le feu dans le poils ; mais d'autres fois, il n'y en avait pas assez chez ceux qui devaient en ramener, et le cours se faisait sans chauffage, au milieu des grincements, des reniflements, des frémissements, et des geignements, comme c'était le cas, ce jour-là.
Je vêtais une armoire : deux sous-vêtements, une chemise de laine, un gros pull, un veston de velours, un manteau, un cache-nez, un béret, deux pantalons de dessous, un de dessus, quatre paires de chaussettes et deux sacs en plastique dans lesquels je glissais chaque pied avant de le mettre dans le brodequin dont j'avais fourré le fond de copeaux de rabotage. Je ne sentais pourtant plus mes pieds. Ce n'étaient plus que des boulets d'acier que je peinais à traîner à travers la salle de classe.
Nous avions une séance de lecture, et le texte s'intitulait Félix Le Pâtissier. On y relatait les différentes étapes de la préparation des pâtisseries par Félix. Itto, qui était la meilleure du groupe, intelligente et travailleuse, grelottait toujours. On était au battage des œufs, quand elle se mit à sangloter. Elle n'en pouvait plus, le froid la tenaillait.
Il y avait au fond de la salle deux tables estropiées, toutes boursouflées, sans banquettes, et qui devaient avoir été oubliées là par les colons. Je n'y réfléchis pas par deux fois : me servant de mon pied que je ne sentais pas comme d'un marteau, je les mis en pièces en un tournemain. J'allumai avec un feu et, au nez de Félix Le Pâtissier, invitai mes élèves à venir s'y réchauffer par petits groupes.
Une semaine plus tard, je fus convoqué par le délégué du ministère de l'éducation, qui siégeait à Missour, un autre village au sud-est, à une centaine de kilomètres.
- Cela s'appelle destruction des biens publics, monsieur ! tonna-t-il, à peine avais-je franchi la porte de son bureau. Vous méritez de comparaître devant le conseil de discipline, à Rabat, et là-bas, pour sûr, ce sera la suspension !
Quelques jours après, je reçus le premier blâme d'une carrière qui allait être très longue...
- Mohammed Talbi -
 
J'avais et j'ai encore beaucoup de respect pour Mohammed Talbi. (Allah y rahmo) Cet homme était profondément pieux et imprégné du Qoran, avec ferveur.
J'ai quelques livres de lui dont "Réflexion sur le Qoran" , "Universalité du Qoran" et "Histoire du Christ, enquête sur une fraude textes à l’appui ".
 
J'avais et j'ai encore beaucoup de respect pour Mohammed Talbi. (Allah y rahmo) Cet homme était profondément pieux et imprégné du Qoran, avec ferveur.
J'ai quelques livres de lui dont "Réflexion sur le Qoran" , "Universalité du Qoran" et "Histoire du Christ, enquête sur une fraude textes à l’appui ".
Je crois que c'est un homonyme toujours vivant !
 
J'avais et j'ai encore beaucoup de respect pour Mohammed Talbi. (Allah y rahmo) Cet homme était profondément pieux et imprégné du Qoran, avec ferveur.
J'ai quelques livres de lui dont "Réflexion sur le Qoran" , "Universalité du Qoran" et "Histoire du Christ, enquête sur une fraude textes à l’appui ".
Mdrrrr.
Nous avons causé un bon quart d'heure lui et moi hier soir. Je suis mort à l'insue de mon plein gré 🤣😂
 
C'est un peu hors-sujet mais j'ai acheté le dernier Arabe du Futur (tome 5) et j'ai été super déçu. Je voulais encore "vivre" cette période du côté de la Syrie de l'époque mais tout se passe en France 😒
 
Mdrrrr.
Nous avons causé un bon quart d'heure lui et moi hier soir. Je suis mort à l'insue de mon plein gré 🤣😂

Excellent !! :D

Désolé pour le Talbi bien vivant. Tu lui passeras le bonjour :)

Anyway, son texte est très bon et me fait penser aux gens qui vivent du côté de Tounfite.

Il n'empêche que j'aime quand même beaucoup Talbi l'ancien.....dont la tête était mise à prix par les wahhabo-salafis.
 
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