À chaque retour en Tunisie pour mes vacances d'été, dès que je pose le pied à l'aéroport de Carthage, je suis accueilli par les mêmes avertissements. Mon oncle, qui a passé la majeure partie de sa vie en Allemagne, et son fils, qui vit en Suisse et, comme moi, revient en vacances, me répètent la même phrase : « N'envisage même pas de t'installer ici… ça ne vaut pas la peine de quitter la France. »
Au début, je pensais que ce n'était qu'une question de détérioration de la situation économique. Mais avec le temps, j'ai compris que ces mots cachaient une signification plus profonde : un avertissement contre l'aliénation, non pas tant géographique que personnelle, dans une patrie qui nous empêche d'être nous-mêmes, surtout en tant que femmes.
À chaque retour d'une Tunisienne issue de l'immigration, qu'elle soit légale ou irrégulière, une série de récits personnels se dévoile, révélant les complexités de l'identité et confrontant des défis sociaux profondément ancrés. Retourner au pays ne signifie pas nécessairement retrouver un accueil chaleureux et sûr ; il se transforme souvent en une confrontation directe avec une réalité qui remet en question l'expérience et la condamne d'avance.
Les femmes qui reviennent au pays portent souvent des histoires qui ne correspondent pas aux récits locaux habituels : maternité hors mariage, relations amoureuses et sexuelles non conventionnelles, ou identités de genre et de sexualité façonnées dans des sociétés plus tolérantes. Ces expériences, au lieu d'être accueillies comme une expression de la diversité culturelle et humaine, sont accueillies avec suspicion et rejet, comme si leurs propriétaires étaient revenus avec un « excès de liberté » qu'il faudrait limiter, voire éradiquer.
Leur retour n’était pas seulement celui de la Tunisie, leur patrie, leur foyer et leur famille, mais aussi celui d’une réalité qui les rejetait et les forçait à se cacher de leur véritable moi, celui avec lequel ils s’étaient réconciliés là-bas, en exil.
Malgré l’énorme différence entre leurs générations, le système social est resté le même, incapable de s’adapter à leurs expériences et ne reconnaissant pas leur droit d’être qui ils sont, sans peur ni honte.
Dans l'imaginaire de la société tunisienne traditionnelle, la femme de retour incarne tout ce qui menace l'ordre social traditionnel : l'audace dans l'apparence, la liberté de décision et l'indépendance financière et affective. Commence alors une série d'« épreuves » tacites, dont la réussite se mesure à sa compétence morale, mesurée dans les moindres détails du quotidien : ses vêtements, ses sorties, ses publications sur les réseaux sociaux.
Tout comportement perçu en dehors du contexte local est catégorisé comme un défi, et toute opinion publique est accueillie avec avertissement ou stigmatisation, comme si elle devait prouver son « repentir symbolique » pour ce qu’elle a vécu à l’étranger afin de mériter sa réintégration dans les normes établies par la société.
Cette censure ne vient pas seulement de la famille, mais s'étend aux voisins, aux collègues et à l'ensemble de l'environnement social. Les femmes se trouvent tiraillées entre deux identités : l'une forgée en exil, où règnent la liberté et l'expression, et l'autre imposée à leur retour, où règnent la conformité et l'obéissance.
Ainsi, les femmes oscillent entre le désir de vivre une vie libre et réconciliée et la peur de l’isolement ou de l’ostracisme, créant en elles un fossé psychologique et social étouffant, alimenté par le silence imposé et une stigmatisation non dite, mais présente dans chaque regard, chaque murmure et chaque « conseil » enveloppé d’anxiété morale.
Au début, je pensais que ce n'était qu'une question de détérioration de la situation économique. Mais avec le temps, j'ai compris que ces mots cachaient une signification plus profonde : un avertissement contre l'aliénation, non pas tant géographique que personnelle, dans une patrie qui nous empêche d'être nous-mêmes, surtout en tant que femmes.
À chaque retour d'une Tunisienne issue de l'immigration, qu'elle soit légale ou irrégulière, une série de récits personnels se dévoile, révélant les complexités de l'identité et confrontant des défis sociaux profondément ancrés. Retourner au pays ne signifie pas nécessairement retrouver un accueil chaleureux et sûr ; il se transforme souvent en une confrontation directe avec une réalité qui remet en question l'expérience et la condamne d'avance.
Les femmes qui reviennent au pays portent souvent des histoires qui ne correspondent pas aux récits locaux habituels : maternité hors mariage, relations amoureuses et sexuelles non conventionnelles, ou identités de genre et de sexualité façonnées dans des sociétés plus tolérantes. Ces expériences, au lieu d'être accueillies comme une expression de la diversité culturelle et humaine, sont accueillies avec suspicion et rejet, comme si leurs propriétaires étaient revenus avec un « excès de liberté » qu'il faudrait limiter, voire éradiquer.
l'ostracisme à travers les générations
Raseef22 a rencontré Reem (62 ans), une mère célibataire qui a donné naissance à son fils unique en dehors d'un mariage traditionnel légalement reconnu en Tunisie, et Amna (27 ans), une jeune femme homosexuelle qui a connu la libération en Italie avant de revenir en mission pour s'occuper de son père âgé.Leur retour n’était pas seulement celui de la Tunisie, leur patrie, leur foyer et leur famille, mais aussi celui d’une réalité qui les rejetait et les forçait à se cacher de leur véritable moi, celui avec lequel ils s’étaient réconciliés là-bas, en exil.
Les femmes de la diaspora retournent souvent dans leur pays d’origine avec des expériences de vie et des identités non conventionnelles, qui sont accueillies avec rejet et suspicion, comme si elles portaient un « excès de liberté » qui doit être freiné ou effacé.
Malgré l’énorme différence entre leurs générations, le système social est resté le même, incapable de s’adapter à leurs expériences et ne reconnaissant pas leur droit d’être qui ils sont, sans peur ni honte.
Dans l'imaginaire de la société tunisienne traditionnelle, la femme de retour incarne tout ce qui menace l'ordre social traditionnel : l'audace dans l'apparence, la liberté de décision et l'indépendance financière et affective. Commence alors une série d'« épreuves » tacites, dont la réussite se mesure à sa compétence morale, mesurée dans les moindres détails du quotidien : ses vêtements, ses sorties, ses publications sur les réseaux sociaux.
Tout comportement perçu en dehors du contexte local est catégorisé comme un défi, et toute opinion publique est accueillie avec avertissement ou stigmatisation, comme si elle devait prouver son « repentir symbolique » pour ce qu’elle a vécu à l’étranger afin de mériter sa réintégration dans les normes établies par la société.
Cette censure ne vient pas seulement de la famille, mais s'étend aux voisins, aux collègues et à l'ensemble de l'environnement social. Les femmes se trouvent tiraillées entre deux identités : l'une forgée en exil, où règnent la liberté et l'expression, et l'autre imposée à leur retour, où règnent la conformité et l'obéissance.
Ainsi, les femmes oscillent entre le désir de vivre une vie libre et réconciliée et la peur de l’isolement ou de l’ostracisme, créant en elles un fossé psychologique et social étouffant, alimenté par le silence imposé et une stigmatisation non dite, mais présente dans chaque regard, chaque murmure et chaque « conseil » enveloppé d’anxiété morale.