Code noir : un texte esclavagiste enfin aboli… en 2025
TRIBUNE. Pour Élisabeth Landi*, professeure d’histoire en Martinique, il s’agit d'« une manœuvre mémorielle sans courage politique ».
l faut reconnaître l'habileté politique du geste : promettre d'« abolir » le Code noir, ce texte ignoble qui, en 1685, codifiait l'esclavage dans les colonies françaises. Interpellé le 13 mai par le groupe parlementaire LIOT, le Premier ministre a annoncé qu'un texte serait prochainement soumis au Parlement pour prononcer cette abolition symbolique. Unanimité espérée, ferveur républicaine convoquée, émotion garantie.
Mais que cache cette opération ? Le Code noir n'a plus d'existence légale depuis l'abolition de l'esclavage en 1848. Il ne produit aucun effet juridique, n'est mentionné dans aucun texte normatif actuel, et son souvenir appartient au champ de l'histoire, non du droit. L'abolir aujourd'hui revient donc à proclamer la mort d'un mort. En cela, la manœuvre ne peut être comprise que comme un geste mémoriel vide, une politique du symbole sans engagement structurel.
Gardien de la mémoire
Le groupe LIOT, qui comprend des députés guadeloupéens soucieux de justice mémorielle, pensait sans doute bien faire en soulignant que ce texte n'avait jamais été explicitement abrogé. Mais leur démarche interroge. Pourquoi ne pas mobiliser leur mandat pour demander des mesures concrètes en faveur des territoires ultramarins ? Pourquoi préférer la posture symbolique à la lutte contre les inégalités postcoloniales, les discriminations raciales, l'abandon scolaire, la pauvreté endémique ou la marginalisation culturelle ?
Le Premier ministre, quant à lui, a saisi cette opportunité pour s'ériger en gardien de la mémoire, en chef d'orchestre d'une réconciliation historique supposée. Mais cette réconciliation ne saurait reposer sur un simulacre. Elle exige un travail exigeant de vérité, de justice, de reconnaissance, loin de ces opérations cosmétiques. Elle suppose des politiques éducatives ambitieuses, une réforme du récit national, des réparations symboliques et matérielles, une lutte systémique contre les logiques d'infériorisation toujours à l'œuvre..................
TRIBUNE. Pour Élisabeth Landi*, professeure d’histoire en Martinique, il s’agit d'« une manœuvre mémorielle sans courage politique ».
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