Histoire dun nouveau métier
La bonne formule cest celle qui permet au spectateur de soublier devant son écran et de ne plus faire attention à la lecture labiale. Pour atteindre ce résultat, il a fallu passer par plusieurs étapes...
«Nous avons créé un métier qui nexistait pas avant. Au départ, nous navions que 2 studios, nous en sommes à 12 aujourdhui. Nous avons formé techniciens, ingénieurs de son et comédiens, ce nétait pas facile. Mais nous avons fait du chemin depuis. Dans les 12 studios, ils sont tous Marocains !». Chez Plug in, on travaille à la chaîne, le planning des studios est très serré, on travaille comme dans une fourmilière, le moindre écart coûte de largent, le retard nest pas admis. Car tous les jours, de ces studios, sort un épisode dune série prêt à la diffusion. Pour faire face à une demande de plus en plus importante, léquipe sest agrandie. «Une série fait travailler une quinzaine de comédiens qui tiennent les rôles principaux, 20 à 30 rôles secondaires, 5 ingénieurs du son et 3 traducteurs», indique M. Boukobza.
Mais allons voir de plus près ce qui se passe un peu dans ces studios. Dabord, comment travaille le doubleur, isolé dans sa cabine ? Contrairement à ce qui se fait sur un plateau de tournage où les comédiens sont dirigés par toute une équipe (composée de réalisateur, metteur en scène, scriptes
), dans le métier de doubleur cest un peu le technicien qui met en scène une voix. Sans complicité de ces deux-là, il ny a pas de doublage. De lautre côté de la cabine, le spécialiste du son soccupe de la synchronisation, il dirige suivant le flux vocal, le nombre de mots, les syllabes, parfois un mot coupé en deux. Il faut refaire, relire, parfois même réécrire
Huit dirhams par réplique mais souvent il faut répéter plusieurs fois
Le doublage prend un temps fou et les secrets de fabrication se passent dans lintimité dun studio sophistiqué. Une fois les dialogues engagés, il faut suivre le rythme dun autre acteur, épouser ses colères, son tempérament
, cest un double jeu où il faut à la fois être en phase avec le comédien et le personnage quil incarne. Eric Cuvelier connaît bien le métier, il le pratique depuis plusieurs années déjà. «Cest un travail déquilibriste», fait-il observer. Et dexpliquer : «Je suis plus visuel que littéraire. Lire minspire très peu. Je fais du visionnage à la scène pour suivre lévolution du personnage. Quand on travaille sur des séries très longues, on finit par être habité par ce même personnage. Cest harassant par moment, on ne tire que sur lémotionnel. Cest épuisant. On apprend à reproduire lambiance donnée par la scène, par le personnage. On marche au son, on suit le comédien, on lécoute et on parle, on le connaît
». Une complicité donc sinstalle entre deux personnes qui ne se sont jamais rencontrées, cest aussi cela la magie de limage, du cinéma et de la télévision. Toutefois, pour les uns, il y a les paillettes et la gloire et, pour les autres, il y a lanonymat.
Saïd Oukadar, lui, aime ce métier et ne lui trouve aucune contrainte. «Ça me convient, dit-il, jai fait mon deuil du cinéma». Pour ce père de famille, ce boulot apporte un petit confort matériel qui lui permet darrondir ses fins de mois. Car, pour ce qui est de la rémunération, cest le rythme du comédien qui la définit : ceux qui vont plus vite, gagnent forcément plus. «Jarrive à faire 300 répliques en une matinée», dit fièrement Eric Cuvelier. Dautres font beaucoup moins. «La rémunération pour les séries coûte 8 DH par réplique. Pour les longs métrages, cest plus payant, cest carrément le double», renseigne Boukobza. En clair, pour une voix principale et pour un travail à mi-temps, cela peut rapporter entre 7 000 et 8 000 DH, mensuellement.
Mais avant que les comédiens ne se mettent au travail, il y a tout un corps de métiers qui intervient, celui du traducteur-adaptateur. Car cest tout dabord un travail décriture, de traduction au départ.