Ce qu'il faut, quand on tient un discours avec des opinions, ce sont des arguments et des sources.
Comme ici par exemple:
En 2004, le général Emmanuel de Richoufftz se soucie du lien entre la nation et l’armée. Trop de jeunes ne se sentent guère français dans les banlieues. Pour créer un sentiment d’appartenance, il veut agir sur trois facteurs : la maîtrise de la langue, l’accès à l’emploi et la référence à l’histoire ; et il lance un projet : permettre à des jeunes d’obtenir, après six mois de formation, le permis de conduire et un emploi. Les résultats sont exceptionnels. En 2008, il renouvelle l’opération en tant que civil.
Je suis un homme d’action et je ne vais donc pas vous faire de grands discours, mais vous expliquer très simplement pourquoi, comment et avec qui j’ai décidé de mener une action en faveur des jeunes de banlieue, d’abord en tant que militaire, en 2005-2006, et maintenant en tant que civil.
Quatre constats
Mon engagement résulte de quatre constats, que beaucoup d’entre vous ont dû faire comme moi.
L’échec scolaire
Depuis trente ans, l’Éducation nationale met chaque année sur le marché du travail environ 80 000 jeunes en échec scolaire, soit, au total en trente ans, l’équivalent de la population parisienne : 2,4 millions de personnes qui ont du mal à s’exprimer, à comprendre ce qu’on leur dit, à écouter des ordres, à s’insérer dans une collectivité, quelle qu’elle soit.
L’échec de l’intégration
L’intégration de la population immigrée est également un échec, qui se répercute sur les générations successives. Des jeunes, pourtant nés en France, ne se sentent pas vraiment français, alors qu’ils ne sont plus vraiment étrangers. Ils sont en déshérence.
Les paradoxes du marché du travail
Le troisième constat concerne le marché du travail. D’un côté, une main-d’œuvre peu ou pas qualifiée, qui ne trouve pas de travail auprès des entreprises. De l’autre, ces mêmes entreprises, qui bien qu’ayant un besoin pressant de main-d’œuvre, ne parviennent pas à recruter ces personnes. La raison en est simple : non seulement les jeunes qui sortent de l’école n’ont pas vraiment acquis de savoir-faire, mais ils n’ont pas acquis non plus de savoir être. C’est à l’entreprise de leur apporter le savoir-faire, mais c’est à l’école de leur inculquer le savoir être, et l’école ne fixe pas les règles de vie.
L’affaiblissement du lien armée/nation
Le dernier constat, d’un ordre très différent, concerne les rapports entre l’armée et la nation. Depuis que notre armée s’est professionnalisée et que les théâtres d’opération ne sont plus situés en Europe ou à la frontière de l’Est, le lien entre la nation et l’armée s’est distendu. Les corps expéditionnaires qui partent combattre dans des pays lointains n’ont plus le soutien de la population : la plupart des gens ne comprennent pas pourquoi des soldats français vont risquer leur vie en Afghanistan. Or, nos troupes ont besoin du soutien moral de la nation. Mais si l’on ne compte que sur les cérémonies militaires pour perpétuer ce lien entre l’armée et la population, on n’ira pas bien loin : pour avoir présidé les prises d’armes du 11 novembre et du 8 mai, je peux témoigner qu’à part quelques personnes âgées autour d’un drapeau qui flotte au vent, quelques groupes scolaires et quelques ambassadeurs contraints d’assister à ce genre de cérémonies, les tribunes sont bien vides.
Il faut donc imaginer d’autres formes de relations entre l’armée et la population. Lorsque j’étais adjoint du gouverneur militaire de Paris, j’avais contribué à renforcer l’opération Carrefours pour l’emploi, qui continue à se tenir, chaque année en octobre, devant l’École militaire, avec la participation de 300 entreprises et des différentes armées. Cette manifestation, qui dure deux jours et attire 25 000 jeunes, permet de donner une autre image de l’armée. Mais si l’on veut que l’armée puisse vraiment s’ancrer dans le pays, il faut qu’elle aille à la rencontre des enfants de la nation, et notamment de ses enfants les plus malheureux, ceux qui vivent dans des quartiers marginalisés qui sont parfois des zones de non-droit. L’objectif est de faire renaître le bonheur et la fierté d’être citoyens français, ce «
vouloir vivre ensemble », cher à Renan.