Bonjour
@Ebion
(...)
J'y vois un peu l'idée mystique du monde en tant que reflet de l'homme. Dieu a fait le monde ainsi en écho à la nature humaine et de ce qu'elle peut faire de plus mauvais (et là j'abolies évidemment tout rapport temporel d'antériorité ou de postériorité ). Cette explication me séduit assez bien.
Bonjour a shrif grand savant NASIRANOUAR!
Je réponds!
Sur ton premier point, il y a une nuance à faire. Bien sûr, on peut toujours interpréter le mal comme une négation d'un bien ou le bien comme une négation d'un mal. Ce sont des jeux qu'on fait avec le langage.
Mais dans le concept de privation, il y a l'idée d'une négation qui n'est pas dans l'ordre des choses, d'un « manque » de quelque perfection qui était due. Et les petits manuels donnent l'exemple de la cécité, la privation de la vue. Une pierre n'est pas privée de la vue, parce qu'une pierre normalement n'a pas la vue. De même, un arbre n'a pas la raison, mais il n'est pas « privé » de la raison. Par contre un humain fou, oui il est privé de la raison, ou du moins de l'usage de la raison, parce qu'on suppose qu'un humain normalement constitué et « réussi » a l'usage de sa raison. Dans cette perspective, on ne pourrait pas dire que le bien est la « privation » d'un mal.
Deuxièmement, oui il y a certains apologistes qui disent que le mal naturel dans le monde est en fin de compte dû aux mauvais choix des humains. Par exemple certains chrétiens fondamentalistes interprètent comme cela le péché d'Adam et d'Ève, qui aurait profondément corrompu toute la création...
D'autres apologistes jugent cette explication insuffisante, et ils disent que oui, le mal naturel est causé par des mauvais choix, mais ce sont les mauvais choix de démons, qui existaient antérieurement aux humains et qui ont beaucoup plus de pouvoir que les humains. Cela a au moins le mérite d'expliquer en principe la souffrance des animaux indépendante de la volonté des humains, en particulier celle qui existait avant l'apparition des humains.
Puis il y a ceux qui sont comme toi (si je t'ai bien compris) et qui disent que Dieu est hors du temps, qu'il « voit » déjà le futur comme s'il était présent, de sorte qu'il a très bien pu laisser se produire les conséquences du péché des humains sur le monde avant même que celui se soit produit (dans notre perspective temporelle humaine). Autrement dit, la misère dans le monde existait avant l'apparition des humains, mais dépend de façon rétroactive de la faute des humains, chose qui est à la portée de Dieu.
Ce genre d'explications (les démons, les paradoxes temporels) destinées à faire reposer tout le mal sur les choix, cela me paraît tout à fait tiré par les cheveux et contraire à la vision scientifique du monde. Le monde évolue selon certaines lois intelligibles, et selon ces lois, il était inévitable que se produisent des malheurs. C'est pas une question de mauvais choix, mais de mécanisme. Et donc le coupable est l'auteur du mécanisme.
Ou alors les théistes deviennent comme les gnostiques, et soutiennent que le créateur de l'univers est un être mauvais, mais distinct de l'être suprême (créateur de nos « âmes »).
Quant aux paradoxes temporels du Dieu hors du temps, cela me paraît franchement contradictoire, mais je pourrai m'en expliquer plus tard. Par exemple : si Dieu « voit » le futur, alors en un certain sens le futur existe déjà, puisqu'il peut être vu. Mais alors comment nous qui sommes dans le présent pouvons-nous encore être libres face à ce futur qui est déjà « donné »?