La caste est-elle l’apanage de l’hindouisme indien ? Pas vraiment à en croire Remy Delage, un chercheur français qui a consacré ses travaux à ce sujet. Dans un vaste article de présentation publié par La vie des idées, l’homme, chargé de recherches au CNRS, nous présente en détail la manière dont l’islam indien, mais pas seulement (les chrétiens indiens également), s’est historiquement structuré sous des formes proches du système des castes.
Un islam en contexte indien
Dans cette étude magistrale, le chercheur commence par premier un constat.
« L’opposition entre l’islam égalitaire et l’hindouisme hiérarchique fut pendant un temps la pierre angulaire du débat entre les pro- et les anti-dumontiens (référence aux travaux de l’orientaliste Louis Dumont, ndlr). De nombreuses études ont montré que la société musulmane était elle aussi fortement hiérarchisée et divisée en groupes sociaux de statut différent (…) Cette vision égalitariste de l’islam contraste assez nettement avec le fonctionnement de la société musulmane médiévale comme actuelle dans le sous-continent indien, régie par des principes de hiérarchisation et des relations fortement inégalitaires. »
S’appuyant sur un panel de chercheurs réunissant outre Louis Dumont, Mattison Mines ou Marc Gaborieau, Remy Delage en arrive à la conclusion que l’islam s’est fortement imprégné du système des castes indien en redéfinissant ce système à travers sa propre tradition.
Ashrâf-s (nobles), ajlâf-s (ignobles) et arzâl-s (vulgaires)
« Au sommet de cette hiérarchie, nous avons les ashrâf-s (nobles), d’origine arabe, persane, turque ou afghane, se réclamant d’un lignage prestigieux, remontant parfois jusqu’au Prophète (dans le cas des Sayyeds) ou à sa tribu (dans le cas des Qureshis), et reconnus comme tels par la société. On regroupe également dans cette catégorie les Shaykhs (descendants des compagnons du Prophète), les Pathans (descendants des migrants d’Afghanistan) ou encore les Mughals (originaires d’Asie centrale ou d’Iran). Nombre d’ashrâf-s sont soit des oulémas dans le cas des Sayyeds, soit des propriétaires terriens, des marchands ou des entrepreneurs. »
Tout se joue à la naissance : la généalogie sociale et nobiliaire du groupe définit le statut de l’individu musulman dans la société indienne.
« Le groupe de naissance constitue un critère majeur de définition du statut social et la distinction entre Arabes et non-Arabes reste fondamentale ; des juristes de l’école de jurisprudence hanafite, suivie par l’école shaféite, ont d’ailleurs validé ce principe de différenciation entre les groupes au tournant du XXe siècle. »
Une mosaïque de sous-divisions sociales
Après les ashrâf-s, viennent les ajlâf-s (ignobles) et tout en bas de l’échelle les arzâl-s (vils, vulgaires), équivalents des intouchables hindous. A la différence des ashrâf-s, catégorie nobiliaire, les ajlâf-s et les arzâl-s sont des statuts péjoratifs associés à une profession.
Une série d’interdits organise les rapports entre ces différents groupes : il s’agit d’une « série d’interdits sociaux (commensalité, mariage, sociabilité) et spatiaux (accès aux espaces domestiques, aux lieux de prière, ségrégation dans les cimetières et les quartiers) »
« De niveau intermédiaire, les ajlâf-s (ignobles) représentent la masse, dont le statut est à la fois défini par la profession (peshâ), contrairement aux ashrâf-s, et leur identité de descendants de convertis à l’islam. Se rangent dans cette catégorie de nombreuses castes de statut intermédiaire comme les agriculteurs, les commerçants, les tisserands (Ansâri ou Julâhâ) (…)
En bas de l’échelle sociale se trouvent enfin les arzâl-s (vils, vulgaires), c’est-à-dire un groupe rassemblant des non-intouchables et des « intouchables » convertis pratiquant, comme dans l’hindouisme, des métiers dits impurs. C’est le cas, entre autres, des équarisseurs, des blanchisseurs (Dhôbi), des barbiers (Nâi, Hajjâm), des tanneurs (Chamâr), etc. »
Un islam en contexte indien
Dans cette étude magistrale, le chercheur commence par premier un constat.
« L’opposition entre l’islam égalitaire et l’hindouisme hiérarchique fut pendant un temps la pierre angulaire du débat entre les pro- et les anti-dumontiens (référence aux travaux de l’orientaliste Louis Dumont, ndlr). De nombreuses études ont montré que la société musulmane était elle aussi fortement hiérarchisée et divisée en groupes sociaux de statut différent (…) Cette vision égalitariste de l’islam contraste assez nettement avec le fonctionnement de la société musulmane médiévale comme actuelle dans le sous-continent indien, régie par des principes de hiérarchisation et des relations fortement inégalitaires. »
S’appuyant sur un panel de chercheurs réunissant outre Louis Dumont, Mattison Mines ou Marc Gaborieau, Remy Delage en arrive à la conclusion que l’islam s’est fortement imprégné du système des castes indien en redéfinissant ce système à travers sa propre tradition.
Ashrâf-s (nobles), ajlâf-s (ignobles) et arzâl-s (vulgaires)
« Au sommet de cette hiérarchie, nous avons les ashrâf-s (nobles), d’origine arabe, persane, turque ou afghane, se réclamant d’un lignage prestigieux, remontant parfois jusqu’au Prophète (dans le cas des Sayyeds) ou à sa tribu (dans le cas des Qureshis), et reconnus comme tels par la société. On regroupe également dans cette catégorie les Shaykhs (descendants des compagnons du Prophète), les Pathans (descendants des migrants d’Afghanistan) ou encore les Mughals (originaires d’Asie centrale ou d’Iran). Nombre d’ashrâf-s sont soit des oulémas dans le cas des Sayyeds, soit des propriétaires terriens, des marchands ou des entrepreneurs. »
Tout se joue à la naissance : la généalogie sociale et nobiliaire du groupe définit le statut de l’individu musulman dans la société indienne.
« Le groupe de naissance constitue un critère majeur de définition du statut social et la distinction entre Arabes et non-Arabes reste fondamentale ; des juristes de l’école de jurisprudence hanafite, suivie par l’école shaféite, ont d’ailleurs validé ce principe de différenciation entre les groupes au tournant du XXe siècle. »
Une mosaïque de sous-divisions sociales
Après les ashrâf-s, viennent les ajlâf-s (ignobles) et tout en bas de l’échelle les arzâl-s (vils, vulgaires), équivalents des intouchables hindous. A la différence des ashrâf-s, catégorie nobiliaire, les ajlâf-s et les arzâl-s sont des statuts péjoratifs associés à une profession.
Une série d’interdits organise les rapports entre ces différents groupes : il s’agit d’une « série d’interdits sociaux (commensalité, mariage, sociabilité) et spatiaux (accès aux espaces domestiques, aux lieux de prière, ségrégation dans les cimetières et les quartiers) »
« De niveau intermédiaire, les ajlâf-s (ignobles) représentent la masse, dont le statut est à la fois défini par la profession (peshâ), contrairement aux ashrâf-s, et leur identité de descendants de convertis à l’islam. Se rangent dans cette catégorie de nombreuses castes de statut intermédiaire comme les agriculteurs, les commerçants, les tisserands (Ansâri ou Julâhâ) (…)
En bas de l’échelle sociale se trouvent enfin les arzâl-s (vils, vulgaires), c’est-à-dire un groupe rassemblant des non-intouchables et des « intouchables » convertis pratiquant, comme dans l’hindouisme, des métiers dits impurs. C’est le cas, entre autres, des équarisseurs, des blanchisseurs (Dhôbi), des barbiers (Nâi, Hajjâm), des tanneurs (Chamâr), etc. »