Non, M. Benkirane, je ne veux pas que ma femme soit au foyer
L’intervention au Parlement le 17 juin dernier du Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, n’est ni étonnante ni choquante dans la bouche du leader du PJD. Bien au contraire, nous sommes désormais habitués à ses sorties médiatiques ou publiques avec pour trame de fond le référentiel islamique de son parti. Pire encore, cette prise de position pour la « sacralisation de la femme au foyer », vient conforter et alimenter l’attitude machiste de la majorité de nos concitoyens marocains qui n’ont pas attendu le Premier ministre pour se sentir supérieurs à la femme, mère, fille, soeur ou épouse.
Ce qui est choquant par contre, c’est la propension de Benkirane à user du populisme en se détachant complètement de la réalité du pays. Cet argumentaire en faveur de la femme au foyer est présenté comme une conviction profonde alors même que l’écrasante majorité des femmes dans ce pays courbe l’échine quotidiennement au travail. M. Benkirane fait-il référence aux bourgeoises au foyer qui conduisent un Range Rover dernier cri et qui vadrouillent d’un coiffeur à un salon de thé pendant que le chauffeur s’occupe des activités extra-scolaires des enfants ?
Ou fait-il référence à la femme d’un chômeur qui multiplie les heures de travail, dans des conditions difficiles, chez cette même bourgeoise, sans aucun acquis social, dans le seul but d’assurer un repas à sa famille? Qu’en est-il des centaines de milliers de jeunes filles qui viennent de passer le bac ou qui peuplent les couloirs des universités et écoles marocaines?
Le Chef du gouvernement est-il en train de leur signifier qu’elles font une erreur en s’engageant dans un avenir professionnel qui d’ailleurs est plus qu’incertain ? Les membres féminins du gouvernement ne ressentent-elles pas la nécessité de monter au créneau pour recadrer leur Premier ministre ?
Etre femme au foyer devrait être un choix discrétionnaire de chacune, ce ne peut être le diktat des hommes pour leur propre confort. Et oui, il n’y a pas de condescendance à avoir envers cette femme qui choisira de rester à la maison, quel que soit son milieu, parce qu’elle en aura eu le choix.
Mais, c’est surtout économiquement que le bât blesse. Alors que le pays est en proie à une crise profonde du pouvoir d’achat, que les comptes de l’Etat sont en difficultés, que les chômeurs peuplent les rues, M. Benkirane aimerait que l’on se prive de la moitié de la force vive du pays ?
Est-il au moins sûr que les hommes marocains soient en mesure de supporter la responsabilité de loger et nourrir leurs familles sans l’aide précieuse et souvent déterminante de leur femme active ? Enfin, et il semble important de le souligner, beaucoup d’hommes n’aspirent pas ou plus à voir leur femme cloitrée à la maison, même s’ils lui reconnaissent une préséance dans la gestion du foyer. Merci donc pour le voeu pieux, mais nous continuerons à encourager nos femmes à vivre leur vie comme bon leurs semble car nous ne sommes en rien leurs tuteurs !
Zouhair YATA