Estevanico, ou Esteban le Maure, ou Mustapha Zemmouri
Amazigh métissé de noir, originaire des Doukkalas, capturé très jeune par les Portugais puis revendu aux Espagnols, il explora toute l'Amérique du Nord de la Floride jusqu'à l'Arizona dans les rangs des conquistadors au 16ème siècle
A vrai dire de toutes les expéditions destinées vers la conquête des Amériques, celles des conquistadors espagnols étaient les plus spectaculaires. Les conquêtes reliées à la Fontaine de Jouvence ou aux Sept Cités d’Or de Cibola, n’ont rien à envier, en terme d’épique, à celle de Jason et la conquête de la toison d’or en Colchide. Aux grands noms du prestigieux registre de la conquête de l’Amérique, comme Juan Ponce de Léon, Francisco Vasquez de Coronado ou Alvarez Nuñez Cabeza de Vacca, s’est mêlé dans les dessous de l’histoire propre aux peuples qui ne savent pas rendre hommage aux leurs, un nom d’explorateur berbère connu chez les espagnols sous le nom d’Estevanico ou le petit Mustapha.
Né Mustapha Zemmouri dans la petite ville d’Azemmour, une enclave portugaise située sur les côtes atlantiques marocaines, il sera capturé à l’âge de 13 ans et vendu par les portugais à Andres Dorantes de Corranza, un marchand de la noblesse espagnole, en 1513. Celui-ci le convertît de l’islam au catholicisme, tout en lui réservant un excellent traitement, ce qui permettra de s’établir entre les 2 hommes, de rangs diamétralement opposés, d’excellents rapports d’amitié. Dorantes et Mustapha firent le voyage ensemble sur les iles de Cuba et d’Hispaniola, aujourd’hui divisée en Haïti et République Dominicaine. Mustapha prendra part en 1527 à l’expédition Narvaez où il vivra une série de miraculeuses aventures qui le feront rentrer, un peu, malgré lui, dans les livres d’histoire. Son nom sera désormais lié à celui des 7 cités d’or de Cibola et à celui du célèbre conquistador espagnol Capeza de Vacca qui signifie en espagnol « tête de vache ». Rien de plus facile à retenir comme nom, diront les curieux cultivés qui se sentent dotés d’une mémoire quelque peu volatile.
Sous le commandement du navigateur Paufilo Narvaez, l’expédition avait engagé 5 bateaux et 600 hommes. Soumise à de violents ouragans, l’expédition qui avait démarré en 1527 accosta en catastrophe aux larges des côtes de Floride dans un endroit appelé, de nos jours, St Petersburg, au mois d’avril de l’an 1528, en plein milieu des hostilités indiennes, avec seulement 300 personnes au décompte final. Le reste des 600 personnes avait été, pour la plus part, noyé ou égaré à la suite de son détachement de l’expédition. De là, les survivants entamèrent leurs marches à pied dans la direction nord jusqu’à atteindre les territoires de la puissante tribu des Appalaches. Incapables de trouver l’or et les richesses pour lesquelles ils s’étaient donnés tant de peine et, fatigués de toutes ces provocations indiennes, Narvaez ordonna la construction hâtive de 4 radeaux pour rejoindre de nouveau la mer à partir de la terre ferme et, de là, tenter de naviguer jusqu’au Mexique où se sont installées les colonies espagnoles. Malheureusement ces radeaux seront à leur tour détruits par un orage. Narvaez et la plus part de son équipage trouveront la mort, et seulement 86 personnes auront survécu. Ces survivants s’entasseront dans 2 des 4 radeaux, relativement opérationnels et reprendront leur navigation en direction du Mexique. La famine et les dures épreuves du voyage ont fini par ravir la vie à, quasiment, tous les membres de l’expédition. A leur arrivée dans les iles de Louisiane, seulement 4 d’entre-eux avaient survécu. Ces survivants étaient Capeza de Vacca, Afonso d’El Castillo, le Berbère Mustapha et son maitre et ami Dorantes.
L’aventure ne s’arrêtera pas là pour Estevanico. En 1539, notre petit Mustapha sera l’un des 4 guides désignés pour accompagner Marcos de Niza dans la recherche des fabuleuses 7 cités d’or de Cibola. Il est à noter que dés leur arrivée en Amérique, les espagnols avides de trésors faramineux avaient sérieusement gobé aux légendes autochtones d’une présence de gigantesques trésors un peu partout dans ce Nouveau Monde.
Dans leur nouvelle aventure à la conquête des 7 cités de Cibola, les 4 compagnons de Mustapha tombèrent malades au cours de route et durent abandonner leur recherche. Notre Berbère qui a pris gout à l’aventure prît la décision de continuer la recherche en solo à travers l’Arizona et le Nouveau Mexique. Il sera tué par la tribu indienne des zunis dans le village de Hawikuh dans le Nouveau Mexique, probablement à cause de son intérêt libidineux affiché pour les femmes, chose qui était considérée par les indiens comme une impardonnable offense. D’autres récits attribuent sa mort au fait que sa gourde à remèdes qu’il transportait avec lui laissait déborder des plumes de hibou qui était un oiseau de très mauvais augure, porteur de la mort pour la tribu des Zunis. Il avait 39 ans. Polyglotte confirmé, il était connu pour son aptitude à apprendre une langue amérindienne en moins d’une semaine, et aussi pour son savoir étendu dans le domaine des plantes médicinales. L’histoire retiendra de lui qu’il était aussi le premier africain à avoir mis ses pieds sur le sol, aujourd’hui, US. Les aventures de Mustapha Zemmouri avaient inspiré le roman du marocain Hamza Ben Driss Ottmani, intitulé le Fils du Soleil.
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