Les décolonisations africaines à la décolonisation kanak/calédonienne : troublantes similitudes...

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
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Alors que les pistes d’évolution statutaire de la Nouvelle-Calédonie sont en débat, et que certains cercles du pouvoir français élaborent leurs scénarios, un coup d’oeil dans le rétroviseur s’impose. Car ce qui est suggéré pour la Nouvelle-Calédonie a comme un air de déjà-vu... en Afrique francophone.

Au sortir de la 2ème guerre mondiale, la colonisation est de plus en plus critiquée et des velléités d’autonomie ou d’indépendance se font jour dans les anciennes colonies françaises. Hors de question d’accorder la pleine souveraineté à ses colonies africaines, en revanche l’Etat français est conscient qu’il va falloir « lâcher du lest » et permettre que, progressivement, les colonisés « participe[nt] chez eux à la gestion de leurs propres affaires » (De Gaulle, discours de Brazzaville, 30 janvier 1944). Ainsi en 1956 est adoptée la loi-cadre Defferre sur « l’évolution des territoires » de l’outre-mer. Officiellement son objectif est d’accorder plus d’autonomie à ces territoires en leur permettant d’élire un conseil de gouvernement au suffrage universel, et d’attribuer à ces nouvelles autorités des compétences locales.

En réalité ces transferts de compétences, par décret d’application, traînent et finalement la loi-cadre permet surtout à l’Etat d’imposer dans ses colonies la structure politique de son choix et de « faire émerger dans chaque territoire des élites africaines dociles, susceptibles de devenir les agents et les défenseurs locaux des intérêts de la France » [1]. Point de sincérité, donc, dans l’entreprise de la France de faire « évoluer » la situation de ses colonies, il s’agit surtout de gagner du temps.

La Communauté ou le péril

Preuve que l’Etat cherche avant tout à garder la main : le projet de Communauté imaginé par De Gaulle en 1958. Présenté à Brazzaville en août 1958 et inscrit dans la Constitution de la Ve République, c’est un projet d’association politique, dans lequel « les États jouissent de l’autonomie […], s’administrent eux-mêmes et gèrent démocratiquement et librement leurs propres affaires » mais où « la politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique économique et financière, celle des matières premières, le contrôle de la justice, l’enseignement supérieur, les communications lointaines, constitueront un domaine commun ».

Par « domaine commun » il faut comprendre le domaine de la Communauté, c’est-à-dire ce qui reste aux mains des institutions françaises et qui échappe à la souveraineté des États membres. La ressemblance avec le scénario de « pleine souveraineté avec partenariat » imaginé pour la Nouvelle-Calédonie est frappante, puisque l’on y retrouve la même illusion d’une « souveraineté » privée de ses compétences régaliennes et de l’enseignement supérieur.

En 1958, les colonies africaines ont donc le choix entre trois statuts : obtenir le statut d’Etat mais en devenant membre de la Communauté donc privé de sa souveraineté sur les compétences régaliennes, rester un territoire d’Outre-mer (TOM) dans la République française, ou devenir un département (DOM). L’indépendance pleine et entière n’est pas envisagée par la France comme une option valable ou probable, plutôt comme une « sécession ».

De Gaulle l’exprime de la façon suivante en août 1958 : « Si l’association proposée est refusée, cela signifiera l’indépendance avec tout ce qu’elle comporte de charges, de responsabilités et de dangers » [2] puis « cela signifiera qu’il [le territoire] veut suivre son chemin isolément, à ses risques et périls » [3].


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