Les generaux en algerie...c'est fini.

Hicham Aboud. Ancien capitaine des «services», journaliste, auteur de la maffia des généraux



Dans votre brûlot, sorti en 2002, vous faites une radioscopie du pouvoir algérien. Il était beaucoup question du cabinet noir, de l’«équipe de onze» généraux issus de l’armée française, qui par la terreur, le crime et la corruption, régnaient sans partage. Dix ans après, La Maffia des généraux est-elle toujours d’actualité Non, bien évidemment.


Le système a complètement changé. Le cabinet noir, tel qu’il était à l’arrivée de Bouteflika, a disparu. Sa composante s’est entièrement désagrégée. Le maître d’œuvre, l’architecte, le général Larbi Belkheir n’est plus de ce monde. Et même avant sa mort, Belkheir était déjà out : il était ambassadeur au Maroc. Le général Lamari (le chef de l’armée jusqu’en 2005), qui autrefois bombait le torse et qui avait manigancé, en 2004, pour déloger le président Bouteflika, était réduit avant sa mort à faire des courbettes au président. Bouteflika n’a pas affronté, à proprement parlé, le cabinet noir : le président n’aime pas l’affrontement et d’ailleurs jusqu’en 2004, le Président Bouteflika a fait un mandat «à blanc», a partagé le pouvoir avec le cabinet noir.

Ce sont les membres du cabinet eux-mêmes qui ont précipité leurs propres fins en se dressant contre sa candidature pour un deuxième mandat présidentiel et en sponsorisant Ali Benflis. Ils ont joué et se sont cassés les dents. Et puis, l’horloge biologique a parlé. Les autres membres du cabinet, par crainte de se faire laminer, font profil bas, espèrent rebondir après 2014 (la présidentielle). Toutefois, la disparition de l’ancien cabinet noir fait de généraux issus de l’armée française, a laissé place à un autre : un cabinet noir formé de civils. Avant c’était les militaires maintenant ce sont les civils qui sont dans le cabinet noir. Cela parait bizarre, mais c’est aussi ça la vérité : Bouteflika tient tout en main, concentre tous les pouvoirs. Et naturellement, la personne la plus proche du président, son frère en l’occurrence, en tire les dividendes.

L’omnipotence de Bouteflika est entre les mains de son frère. C’est Saïd Bouteflika qui est à la tête de ce cabinet, vient en seconde position Mohamed Reguab, secrétaire particulier du président Bouteflika, et Mohamed Meguedem, conseiller à la présidence, sans poste fixe, recommandé à la présidence par le général Belkheir. Depuis qu’il est à la tête de ce cabinet, Saïd Bouteflika a créé une véritable classe d’hommes d’affaires. Et des milliardaires, il en a fait. Le plus souvent, Saïd Bouteflika passe par le secrétaire particulier pour placer et favoriser tel ou tel homme d’affaires à obtenir tel ou tel marché public. C’est comme ça que ça se passe. Les généraux d’aujourd’hui sont complètement effacés. Ce sont des hommes de la nouvelle génération, apolitiques et inconnus du grand public. Le mythe du général qui règle des affaires rien qu’en passant un coup de fil a vécu. En matière d’influence, ils sont désormais presque comme tous les Algériens lambda.

Curieusement vous ne faites pas état des «services». Ils ne sont plus dans le «coup»?
J’y arrive. Le général Toufik (chef du DRS) faisait partie du cabinet noir. Le DRS a d’ailleurs été utilisé par le cabinet noir comme un instrument. C’est ce que je reproche d’ailleurs à ces «services». Aujourd’hui, parmi le groupe des décideurs, le général Toufik qui est resté en piste.
 
On a fait du patron du DRS, le «maître absolu» de l’Algérie, le «faiseur de rois», mais le DRS n’est plus ce qu’il était, il y a dix ans. Le DRS, je le dis et répète : c’est du pipeau, un ballon de baudruche. Makan walou. Khouroutou. Quitte à froisser mes anciens collègues, le DRS n’a plus de pouvoir. D’abord, son chef ne cherche pas la confrontation avec le président, ce qui lui a valu d’être maintenu à son poste en 2004. Le général Toufik avait joué la carte de la «loyauté » devant le quarteron de généraux qui voulait le remplacer par le SG du FLN, Benflis. Le général Toufik, les gens ne le savent pas, est excessivement légaliste. Ce n’est pas parce qu’il est un idéaliste, mais parce qu’il veut se protéger.

Mohand Aziri

El watan
 
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