Bonjour
On trouve chez Descartes, dans le troisième chapitre des Méditations métaphysiques, une idée intéressante, mais peut-être dangereuse.
Dans ce texte, Descartes essaie de prouver l'existence de Dieu. Un de ses arguments est qu'on peut décomposer (selon lui) le temps qui passe en instants discontinus. Le temps ne serait donc pas exactement un continuum, une sorte de fluide, mais une succession d'instants, quelque chose de « saccadé ». Or, soutient Descartes, l'état du monde à un instant ne peut pas expliquer l'état du monde à l'instant suivant, puisque justement, les instants sont discontinus. Même si le monde existe à l'instant t = 1, rien ne garantit en soi que le monde devrait exister à l'instant t = 2. Le monde a pas en lui les ressources pour garantir la continuité de ces instants.
À chaque nouvel instant - à moins que le pouvoir créateur de Dieu intervienne - le monde risquerait de retomber dans le néant, car tout ce qui s'est passé antérieurement, les mouvements des choses, cela ne nous permet de rien inférer naturellement sur ce qui devrait advenir ensuite. L'avenir du monde est réellement suspendu à la volonté de Dieu. Si Dieu décidait de laisser le monde à lui-même, en réalité le monde retournerait au néant. Le passé ne garantit donc nullement l'avenir. Le fait que le monde soit soutenu, soit « groundé » si vous me passez l'expression, cela ne vaut qu'à cet instant. À l'instant suivant, « tout est à recommencer ».
Je dis que cette idée est dangereuse, car elle pourrait miner la crédibilité du principe de causalité et la possibilité des sciences physiques. Je ne parle pas de la métaphysique. Peut-être que cette idée qu'a Descartes, si elle était vraie, serait utile pour prouver Dieu. Mais si on croit réellement en des instants discontinus, sans lien intrinsèque l'un avec l'autre, sinon ceux que décrète Dieu, et que le monde est constamment au bord du précipice, alors comment croire en l'efficacité des modèles scientifiques sur la nature? Car ceux-ci présupposent la causalité et un continuum « naturel » entre le passé et l'avenir.
Si telle chose est arrivée comme cela, alors elle arrivera comme cela aussi dans l'avenir, si aucun changement de circonstance n'est à prévoir. La Terre continuera de tourner autour du Soleil; le mouvement antérieur de la Terre et les lois du mouvement permettent de le prédire. Mais si l'instant ultérieur est complètement détaché de l'instant antérieur, alors que vaut cette prédiction? Si les choses ne persistent pas dans leur action, dans leur mouvement (ou leur repos) par elles-mêmes, mais seulement parce que Dieu choisit de les recréer, de les « renouveler » (un peu comme on dit : « renouveler un permis »), alors nos modèles scientifiques et même notre sens commun sur le fonctionnement du monde en viennent à être tout entiers suspendu au caprice de Dieu. Ce n'est pas la logique inhérente aux choses qui peut nous guider, mais seulement une sorte de foi plus ou moins aveugle en Dieu et en sa volonté de maintenir l'avenir comme le passé, étant donné que les choses elles-mêmes et leur passé ne nous disent rien « objectivement » sur leur avenir!!
Donc Descartes, qui voulait tellement sauver la science contre les doutes sceptiques, se retrouve dans de beaux draps!
À propos, l'idée d'un temps discontinu semble aujourd'hui confirmée par la physique quantique, qui affirme qu'il existe une unité de temps minimale, indécomposable!! Certains des anciens philosophes croyaient au contraire qu'on pouvait aller à l'infini dans la décomposition des instants en instants plus brefs!!
Quoique la physique quantique ne donne pas raison à Descartes sur le reste.
On trouve chez Descartes, dans le troisième chapitre des Méditations métaphysiques, une idée intéressante, mais peut-être dangereuse.
Dans ce texte, Descartes essaie de prouver l'existence de Dieu. Un de ses arguments est qu'on peut décomposer (selon lui) le temps qui passe en instants discontinus. Le temps ne serait donc pas exactement un continuum, une sorte de fluide, mais une succession d'instants, quelque chose de « saccadé ». Or, soutient Descartes, l'état du monde à un instant ne peut pas expliquer l'état du monde à l'instant suivant, puisque justement, les instants sont discontinus. Même si le monde existe à l'instant t = 1, rien ne garantit en soi que le monde devrait exister à l'instant t = 2. Le monde a pas en lui les ressources pour garantir la continuité de ces instants.
À chaque nouvel instant - à moins que le pouvoir créateur de Dieu intervienne - le monde risquerait de retomber dans le néant, car tout ce qui s'est passé antérieurement, les mouvements des choses, cela ne nous permet de rien inférer naturellement sur ce qui devrait advenir ensuite. L'avenir du monde est réellement suspendu à la volonté de Dieu. Si Dieu décidait de laisser le monde à lui-même, en réalité le monde retournerait au néant. Le passé ne garantit donc nullement l'avenir. Le fait que le monde soit soutenu, soit « groundé » si vous me passez l'expression, cela ne vaut qu'à cet instant. À l'instant suivant, « tout est à recommencer ».
Je dis que cette idée est dangereuse, car elle pourrait miner la crédibilité du principe de causalité et la possibilité des sciences physiques. Je ne parle pas de la métaphysique. Peut-être que cette idée qu'a Descartes, si elle était vraie, serait utile pour prouver Dieu. Mais si on croit réellement en des instants discontinus, sans lien intrinsèque l'un avec l'autre, sinon ceux que décrète Dieu, et que le monde est constamment au bord du précipice, alors comment croire en l'efficacité des modèles scientifiques sur la nature? Car ceux-ci présupposent la causalité et un continuum « naturel » entre le passé et l'avenir.
Si telle chose est arrivée comme cela, alors elle arrivera comme cela aussi dans l'avenir, si aucun changement de circonstance n'est à prévoir. La Terre continuera de tourner autour du Soleil; le mouvement antérieur de la Terre et les lois du mouvement permettent de le prédire. Mais si l'instant ultérieur est complètement détaché de l'instant antérieur, alors que vaut cette prédiction? Si les choses ne persistent pas dans leur action, dans leur mouvement (ou leur repos) par elles-mêmes, mais seulement parce que Dieu choisit de les recréer, de les « renouveler » (un peu comme on dit : « renouveler un permis »), alors nos modèles scientifiques et même notre sens commun sur le fonctionnement du monde en viennent à être tout entiers suspendu au caprice de Dieu. Ce n'est pas la logique inhérente aux choses qui peut nous guider, mais seulement une sorte de foi plus ou moins aveugle en Dieu et en sa volonté de maintenir l'avenir comme le passé, étant donné que les choses elles-mêmes et leur passé ne nous disent rien « objectivement » sur leur avenir!!
Donc Descartes, qui voulait tellement sauver la science contre les doutes sceptiques, se retrouve dans de beaux draps!
À propos, l'idée d'un temps discontinu semble aujourd'hui confirmée par la physique quantique, qui affirme qu'il existe une unité de temps minimale, indécomposable!! Certains des anciens philosophes croyaient au contraire qu'on pouvait aller à l'infini dans la décomposition des instants en instants plus brefs!!
Quoique la physique quantique ne donne pas raison à Descartes sur le reste.