La malédiction des Kevin
"Un Kevin n'a pas le droit d'être un intellectuel..." Populaire dans les années 1990, ce prénom irlandais serait-il devenu un véritable handicap social ?
Pas facile de s'appeler Kevin... C'est justement le prénom lourd à porter du héros du nouveau roman de Iegor Gran, intitulé La Revanche de Kevin (éd. P.O.L). Le protagoniste, qui travaille à la radio, lit Le Monde et flâne dans les salons littéraires, fait l'objet de moqueries incessantes depuis la petite enfance. En cause, le mauvais goût de ses parents qui ont choisi de l'affubler de ce prénom "de beauf". Véritable marqueur social des années "boys band", donné à pas moins de 14 087 bébés nés en France en 1991, "Kevin" ne jouit plus aujourd'hui de la même notoriété. Et bien que le personnage éponyme évolue dans un milieu intellectuel, son prénom l'empêche d'être considéré en tant que tel.
"Un Kevin n'a pas le droit d'être un intellectuel"
"Un Kevin ne peut pas, n'a pas le droit d'être un intellectuel, se lamente-t-il. Il peut être prof de muscu, vendeur d'imprimantes, gérant de supérette. Mais intellectuel, impossible." S'appeler Kevin est perçu comme le signe d'une extraction bassement populaire : "Connais tes limites, Kevin !... Tu ne dépasseras jamais le mollet." Pour se venger des humiliations qui ont jalonné son existence et des vaniteux qui en sont à l'origine, Kevin décide de se livrer à un jeu sadique. Il s'affuble d'un nouveau patronyme (et d'un prénom digne de ce nom), Alexandre Janus-Smith, et arpente les foires aux livres pour aller à la pêche aux écrivains en mal d'éditeurs et de reconnaissance. Bingo, des auteurs mordent à l'hameçon. Et l'imposteur de faire languir ces derniers pour mieux blesser leur ego avant de disparaître. Cruauté et frustration mises à part, l'intrigue en dit long sur la charge symbolique que peut revêtir un prénom.
Signes extérieurs de mépris
suite ici
http://www.lepoint.fr/insolite/la-malediction-des-kevin-01-04-2015-1917538_48.php