Donald Rumsfeld est décédé: c'était un criminel en costume-cravate
Un minimum de décence impose de ne pas blanchir l’héritage répugnant de Rumsfeld.
Donald Rumsfeld était un criminel sous les traits d’un banal bureaucrate banal, plus ou moins compétent, en costume-cravate bien taillé.
Si l’on fait abstraction du reste, c’est l’épitaphe qui m’est immédiatement venue à l’esprit lorsque j’ai appris son décès hier.
C’est aussi, je pense, le souvenir que garderont de lui les nombreuses personnes blessées, mutilées, qui habitent ce qui reste des nombreux endroits impactés où il a causé tant de mal, de souffrance et de chagrin.
Et, si la vérité doit nous guider, c’est ainsi que doivent se souvenir de lui tous ceux qui ne sont pas aveuglés par la litanie de mensonges bienveillants dont on va nous rabattre les oreilles pour prétendument nous dire qui a été Rumsfeld.
Soyons sûrs qu’il y aura les habituels éloges sans retenue, rédigés par les habituels complices obséquieux, annonçant une vie de service exceptionnel et sans compromis au profit d’une succession de présidents et d’une nation reconnaissante.
Pour avoir un avant-goût amer du révisionnisme presque maladif qui ne manquera pas de suivre sa mort, voici l’
Associated Press décrivant Rumsfeld «
comme un bureaucrate compétent et le visionnaire d’une armée américaine moderne » dont la réputation «
a été mise en pièces par la longue et coûteuse guerre en Irak ».
D’après le compte rendu largement flatteur de l’
AP, Rumsfeld a apparemment mené une vie plutôt banale, mais accomplie – ses « compétences » et sa « vision » ont malheureusement été réduites à néant par, hélas, une seule guerre malvenue.
N’ayant pas fini d’embellir la carrière de Rumsfeld, l’
AP a partagé avec ses lecteurs cette formule gluante sur l’ancien secrétaire américain à la défense : «
Rummy, comme on l’appelait souvent, était ambitieux, plein d’esprit, énergique, attachant et capable d’une grande chaleur personnelle ».
Bonté divine !…
Ce sont les moments indéniables où la presse de l’
establishment rappelles son inféodation à ce même
establishment en rédigeant des hommages ô combien indulgents et prétendument « nuancés » à des hommes puissants portant des titres importants, alors que le moment exigerait une honnêteté franche et inflexible.
La décence ne peut pas permettre que se poursuive le blanchiment rapide de l’héritage répugnant de Rumsfeld en tant que belliciste rusé et impénitent, architecte sans aucun remords de chambres de torture secrètes et d’un racket d’enlèvements sanctionné par l’État, connu sous le nom de « restitutions ».
Rumsfeld a personnifié – avec un zèle hors du commun et obstiné – tous les aspects familiers, corrosifs et inhumains de la doctrine discréditée de l’exceptionnalisme américain qui s’est traduit, encore et toujours, par le désespoir, la destruction et la mort sur une planète meurtrie.
Dans le calcul géopolitique tordu de Rumsfeld, les États-Unis étaient le
Globo-cop [flic mondial] bienveillant et lui, le guerrier heureux en costume cravate impeccable, avait la vision d’un monde – en particulier au Moyen-Orient et en Afghanistan – qui ressemblait à l’idéal mythique,
made in America, de prétendues démocratie et pluralité.
L’ironie laide et inavouée, bien sûr, est que l’un des traits caractéristiques des croyants évangéliques comme Rumsfeld – comme des présidents pour lesquels il a travaillé – est la capacité requise et, en fait, la nécessité, de mutiler et de tuer à une échelle qui dépasse l’entendement, afin de réaliser leurs prétendus projets « philanthropiques ».
Rumsfeld était un fonctionnaire serviable qui, en actes et en paroles, a appliqué les vœux – avec son allure plate et bureaucratique – des
tueurs en série qui occupaient le bureau ovale, autrement dit les commandant en chef.
De ce point de vue, Rumsfeld a été un succès. Il a ordonné à d’autres de tuer depuis le cocon confortable et aveugle du Pentagone, à l’abri, comme toujours, de tout risque ou responsabilité.
Ainsi, dans les résidus fumants des attaques terroristes du 11 septembre, Rumsfeld et ses co-conspirateurs tout aussi doctrinaires ont saisi l’occasion de mettre en œuvre leurs plans impériaux mortels et catastrophiques.
Tout d’abord, l’invasion de l’Afghanistan en septembre 2001 pour renverser les Talibans et mettre Al-Qaïda en déroute. L’histoire et la géographie auraient dû tempérer l’instinct inné de Rumsfeld de plonger dans la guerre. Elles ne l’ont pas fait.