Nucléaire iranien : pourquoi l’accord prévoit-il un seuil maximal d’enrichissement de l’uranium ?
Téhéran vient d’annoncer la reprise d’enrichissement en représailles à la défection des Etats-Unis de l’accord de Vienne de 2015.
Par
Jérémie Baruch Publié aujourd’hui à 13h51
LE MONDE
« Ce matin, l’Iran a passé le seuil de 4,5 % pour l’enrichissement de l’uranium »,
a écrit l’agence semi-officielle Iranian Students News Agency (ISNA, « agence de presse des étudiants iraniens ») en citant, lundi 8 juillet, un porte-parole de l’organisation iranienne de l’énergie atomique. Ce dépassement est en violation manifeste de la limite de 3,67 % imposée par
l’accord de Vienne.
Arraché de haute lutte en juillet 2015 après douze années de tractations diplomatiques, le plan d’action conjoint (JCPoA,
Joint comprehensive plan of action) avait pour objet de garantir le caractère pacifique (comprendre civil) du programme nucléaire iranien. Cependant, l’objectif principal du « P5 + 1 » (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) était d’abord de mettre en place de sévères restrictions pour garantir que le «
breakout time », le temps nécessaire pour produire assez d’uranium enrichi permettant de fabriquer une arme atomique, soit d’au moins un an pendant une durée de dix ans. Avant la signature, il était estimé à quelques semaines.
Déjà fortement fragilisé par la défection unilatérale des Etats-Unis, qui, en mai 2018, avaient préféré
réinstaurer des sanctions économiques, l’accord pourrait devenir caduc si des solutions entraînant une détente des relations ne sont pas trouvées.
En dépassant d’un point le seuil de pourcentage d’enrichissement de l’uranium, l’Iran enfonce un nouveau coin qui porte fortement préjudice au JCPoA. C’est le point central de toute cette affaire, qui menace l’équilibre régional : les membres du P5 + 1 craignent que l’Iran puisse parvenir à se doter de la bombe atomique en redémarrant ses activités d’enrichissement d’uranium.
Du « yellow cake » à l’uranium enrichi
Relativement abondant, l’uranium est indispensable à différentes techniques nucléaires civiles et militaires. L’atome d’uranium existe sous deux formes, qui diffèrent seulement par le nombre de neutrons dans leur noyau : ce sont des isotopes. A l’état naturel, l’uranium que l’on extrait est composé à plus de 99 %, en masse, d’uranium 238 (que l’on écrit 238U) et à 0,7 % d’uranium 235 (235U). Or, seul ce dernier isotope est fissile et permet donc une réaction de fission nucléaire.