L’origine secrète de la chimiothérapie

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Le récit qui va suivre sur l’origine de la chimiothérapie n’est pas secret en soi. Vous pouvez le trouver dans tous les manuels d’histoire de la médecine.Seulement, peu de patients en ont entendu parler.

En ce sens, c’est un secret jalousement gardé dans les milieux médicaux. Pourtant, il est indispensable de connaître cette histoire pour comprendre comment fonctionne la chimiothérapie contre le cancer. Tout patient devrait avoir le droit de l’entendre avant de commencer son traitement.

Le début de l’histoire de la chimiothérapie remonte à l’automne 1917. Nous sommes dans les mois les plus sinistres de la Première Guerre mondiale, qui a déjà fait des millions de morts pour rien. La scène se déroule dans la ville d’Ypres, dans la campagne flamande autrefois riante, aujourd’hui ravagée par la guerre de tranchées.

Les tirs d’artillerie ont enfin cessé. Plus de 5000 soldats alliés (essentiellement des Français, des Belges et des Canadiens) se reposent. Soudain, ils voient arriver sur eux des nappes de gaz verdâtre portées par le vent. Elles ont été lâchées par des machines inconnues manipulées par les Allemands, à quelques centaines de mètres de là. Personne ne se doute qu’il s’agit d’une nouvelle arme de destruction massive : le « gaz moutarde », la première arme chimique.Quelques instants plus tard, ce n’est plus qu’un concert de hurlements, le spectacle abominable de milliers de corps brûlés vivants se tortillant sur le sol.

Le gaz moutarde, au contact de la peau, forme d’énormes cloques. Les muqueuses sont attaquées, les yeux, lèvres et poumons brûlés. Toutefois, les hommes ne meurent qu’au bout de quelques jours d’infections généralisées et d’hémorragies. Ainsi que l’observeront les médecins, le gaz moutarde a l’effet épouvantable de détruire la moelle osseuse, supprimant les défenses immunitaires des victimes et stoppant le renouvellement des cellules sanguines.
 
Cette histoire me touche de près car mon arrière-grand-père était présent à la bataille d’Ypres. Par chance, il était monté au clocher de l’église pour observer le champ de bataille lorsque le gaz moutarde fut largué par les Allemands. Le gaz étant resté au raz du sol, il fut épargné.

Interdites par la Convention de Genève de 1925, les armes chimiques continueront néanmoins à être produites et utilisées. En 1943, les Allemands coulent un navire américain au large des côtes italiennes, près de Bari. Les cales de ce bateau sont bourrées de gaz moutarde qui se répand. Le médecin-colonel Steward Alexander, examinant les matelots tués par la catastrophe, confirmera que l’effet mortel du gaz moutarde vient de l’effondrement du nombre de globules blancs dans leur sang après quelques jours.

Il n’en fallait pas plus pour donner une étrange idée à deux jeunes scientifiques, Alfred Gilman et Louis Goodman de l’université de Yale, aux Etats-Unis, qui contribuaient au programme secret de recherche américain sur les armes chimiques (Chemical Warfare Service).

Puisque le gaz moutarde détruit les globules blancs, ne pourrait-il pas servir à traiter les enfants souffrant du cancer du sang, ou leucémie, qui se caractérise par une prolifération incontrôlée des globules blancs dans le sang ?
C’est ainsi que naquit la première chimiothérapie. Nous allons raconter l’histoire mais il faut d’abord faire un rappel sur la leucémie.
 
La leucémie, maladie du sang blanc

La leucémie lymphoblastique aigüe est un cancer du sang qui touche surtout les enfants vers l’âge de 4 et 5 ans.
Elle est provoquée par une maladie de la moelle osseuse.

On a du mal à imaginer qu’il puisse se passer quoi que ce soit d’intéressant dans notre moelle. Elle paraît isolée du reste du corps par le mur épais, dur et apparemment impénétrable des os qui l’entourent.

En réalité, nos os sont poreux, et notre moelle joue un rôle indispensable : elle fabrique les cellules de notre sang. Nos os laissent passer les cellules de sang fabriquées dans la moelle, qui rejoignent le flux sanguin et le régénèrent.

Il existe trois principaux types de cellules sanguines fabriquées par la moelle osseuse :les globules rouges, très connus car ce sont eux qui donnent au sang sa couleur écarlate ; ils servent à transporter l’oxygène de nos poumons vers les cellules. Les plaquettes, qui servent à faire coaguler le sang. Les globules blancs, qui sont les soldats qui protègent notre organisme. Les globules blancs sont aussi nommés leucocytes (en grec ancien leucos veut dire blanc et cyte veut dire cellule).

Malheureusement, il arrive parfois que les cellules de la moelle osseuse deviennent folles et se mettent à proliférer : c’est le cancer du sang, ou leucémie.

La moelle osseuse se met à fabriquer tant de globules blancs que le sang lui-même devient blanchâtre. Les médecins du XIXe siècle qui ont observé cela pour la première fois ont donc appelé cette maladie la leucémie, qui veut dire « sang blanc » en grec, de leucos, blanc, et hemos, le sang.
 
La leucémie, une maladie mortelle à 99,93 %

Si les globules blancs se multiplient en cas de leucémie, il n’en va pas de même des autres cellules sanguines.

Le nombre de globules rouges baisse, entraînant une anémie qui se manifeste par un teint pâle et une grande fatigue. Le nombre de plaquettes baisse aussi, provoquant des risques d’hémorragie puisque le sang ne parvient plus à coaguler normalement.

Au moins, pensera-t-on, le grand nombre de globules blancs assure-t-il une protection maximale contre les infections. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Au contraire, ces globules blancs si nombreux sont immatures et ne font même plus leur travail d’immunité. Le patient risque alors les infections et en particulier la septicémie, une infection généralisée mortelle.

La leucémie fut partiellement vaincue, on va le voir, en 1971, grâce à un traitement de chimiothérapie permettant de guérir 50 % des cas. Mais jusque là, c’était une maladie terrible et mortelle à 99,93 %. Les médecins de l’après-guerre n’avaient aucun traitement. Ils ne pratiquaient même pas la transfusion sanguine (remettre au malade un sang sain venant d’une autre personne) car cela ne faisait que prolonger inutilement les souffrances des malades.

Le défi médical du traitement de la leucémie est que les cellules qui se mettent à proliférer dans la moelle osseuse ne présentent qu’une différence infime avec les cellules saines. Leur capacité à se multiplier trop vite ne vient que d’une minuscule mutation du code se trouvant sur le ruban d’ADN caché à l’intérieur de leur noyau.

Ainsi, si l’on cherche à détruire les cellules cancéreuses avec un produit, les cellules saines mourront aussi. Le problème fut résumé ainsi en 1945 par un grand chercheur sur le cancer, le Pr W. H. Wolgom : « Les personnes qui n’ont pas de formation en chimie ou en médecine peuvent ne pas réaliser combien le problème est réellement difficile. Il est presque, pas tout-à-fait mais presque, aussi dur de trouver un produit qui dissoudrait l’oreille droite mais pas l’oreille gauche. »
 
Merci beaucoup pour cet article : je ne me suis jamais penché sur l'origine de la chimio et je pense qu'il est important d'être informé et d'informer les premiers concernés !

Mais ont il souvent le choix ? j'en doute !
 
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