La préfecture évoque d’ailleurs « des contrôles de l’Éducation nationale aux résultats troublants ». Elle cite notamment le fait qu’une inspection de mars 2021 visant le collège aurait constaté un affichage de productions « comportant des propos complotistes et contraires aux valeurs de la République ».
Mais, selon les informations de Mediapart, la préfecture a ignoré tout un paragraphe louant la qualité du travail affiché sur les murs de l’établissement pour faire de trois cas problématiques une généralité. Le rapport, consulté par Mediapart, précise au contraire que « l’affichage dans les locaux communs de l’établissement », réalisé lors de la semaine de la presse, expose de nombreuses productions d’élèves « qui témoignent d’une confrontation entre convictions, pratiques religieuses et valeurs de la République ».
Les inspecteurs demandaient simplement que les trois affiches problématiques soient retirées et que l’affichage d’une production s’accompagne « d’une validation de leur contenu par les adultes ». « La visibilité des symboles républicains et l’intégration au discours des adultes de références civiques claires constituent cependant un point positif », précisait le paragraphe suivant, également omis par l’autorité.
Toujours selon la préfecture, un rapport d’inspection de 2023 aurait indiqué à propos de matières scientifiques que « les enseignants sont en difficulté pour traduire la programmation en contenus d’enseignement répondant aux enjeux de formation scientifique des élèves (...) les formulations employées à l’oral et reprises dans les traces écrites des élèves, l’emploi du conditionnel, amènent à une relativité des faits scientifiques en sciences de la vie et de la Terre, notamment de l’évolution ».
Là encore, le préfet tronque le rapport en oubliant de citer plusieurs phrases : « L’ensemble des contenus est abordé, en s’appuyant parfois sur les référentiels, les ressources institutionnelles (sites académiques, Éduscol, manuel scolaires…) », est-il précisé à la place des « (...) » utilisés par la préfecture. Sur la même page, les inspecteurs indiquent que dans « l’ensemble des trois disciplines scientifiques, des programmations sont produites, appuyées sur les programmes officiels ».
La préfet cible aussi le CDI de l’établissement (la bibliothèque), qui serait incomplet, avec « une absence de ressources en culture », « orientations sexuelles », « relations entre les sexes », « homosexualité », « avortement », « laïcité », et qui ne disposerait d’aucun ouvrage sur d’autres religions que l’islam. Il en veut pour preuve une inspection menée en 2022.
Ce que ne dit pas le préfet, c’est que dans leur rapport, les inspecteurs en question ont précisé n’être pas parvenus à effectuer une recherche numérique pour recenser les ouvrages à cause d’un problème de logiciel. Ils ont donc effectué une recherche physique possiblement imparfaite.
Selon la direction du lycée, catalogues du CDI à l’appui, on trouverait notamment, « 74 ressources, dont 11 livres et 45 périodiques, sur la laïcité », et « 28 livres traitant d’autres religions ». Il y aurait aussi « 45 ressources dont 41 en format papier sur l’homosexualité » et « 32 ressources dont 25 en format papier sur l’avortement ». Le taux de réussite exceptionnel au bac (100 % en 2021 toutes filières confondues) « prouverait que tout est bien enseigné », insiste par ailleurs Éric Dufour, le proviseur.
Deux autres inspections, qui ont eu lieu en mars 2021 et en janvier 2023, contredisent les éléments du préfet en jugeant le CDI « bien organisé » mais ne sont jamais citées. « Il offre l’occasion aux élèves d’accéder à tous types d’ouvrages dans les différents champs de la culture. [...] Le fond documentaire témoigne d’un pluralisme culturel. Les publications relatives aux domaines des sciences et des arts ainsi que les abonnements à un périodique sont nombreux », écrivaient les deux inspecteurs en janvier dernier.
La préfecture affirme aussi que le CDI propose des ouvrages de Hassan Iquioussen, imam « éloigné du territoire national en janvier 2023 ». Elle aurait en réalité confondu avec un ouvrage de son fils Othmane Iquioussen (par ailleurs lui aussi dans le viseur des autorités) et du catholique Christian Defebvre intitulé La paix soit avec toi - Salam Alaykum - Oui les religions sont faites pour réunir !.
Lors d’une conférence de presse tenue mercredi à Paris, l’avocat lillois de l’établissement, Me Jablonski, a formellement démenti la présence de l’imam Iquioussen en tant qu’enseignant et précisé qu’il n’avait pas eu de lien avec le lycée. Ce n’est toutefois pas exact. En 2015, Mediapart révélait que l’imam assurait le cours d’éthique musulmane entre 2008 et 2009, avant de cesser sa collaboration. Les inspections ultérieures ne mentionnent effectivement plus la présence de cet imam après cette date.