bendirman
Bladinaute averti
Les « hyènes », comme on les surnomme, sont des personnages en vue dans les villages reculés du Malawi où elles sévissent. Dans ce pays pauvre d’Afrique australe, des hommes sont payés par des familles, au nom de la tradition, pour initier sexuellement les adolescentes. Un rituel illégal censé éviter les malédictions mais qui provoque contaminations au VIH, grossesses non désirées et traumatismes psychologiques. Nous sommes partis sur la piste de ces violeurs itinérants. Et sur celle de leurs proies.
Le jour, il est ouvrier agricole. La nuit, Andrew, 43 ans, marié et père de cinq enfants, se transforme en « fisi », hyène en chichewa, la langue vernaculaire du Malawi. Il parcourt les villages pour proposer ses services, contre salaire, aux familles craignant que la malédiction s’abatte sur elles pour ne pas avoir respecté la tradition du Fusasa Fumbi. Sa mission : « dépoussiérer » sur commande des jeunes filles fraîchement pubères, des femmes peinant à devenir mères ou des veuves. Andrew vit dans le sud du pays, dans un de ces villages qui hébergent plus de secrets que d’habitants et où les traditions ancestrales font loi.
Démarche souple, contact facile et bonhomie, rien ne laisse deviner que cet homme est un des pivots d’un atroce rituel qui, au XXIe siècle, impose encore aux femmes d’être « purifiées ». Dans cette région où 70 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, la coutume sert de repère ; c’est souvent la seule chose à quoi se raccrocher. Pour un peu, Andrew se définirait comme un bienfaiteur. Il n’hésite pas à se vanter de son statut, martelant qu’il est d’utilité publique car il augmente la fertilité, chasse l’ombre de la mort, prépare à des vies harmonieuses. « Il y a vingt ans, raconte-t-il, j’étais un jeune adulte très dynamique. Mes parents et les aînés du village m’ont observé puis choisi, car j’avais un bon potentiel. Je l’ai vécu comme un honneur. Subitement, je devenais une figure respectable du village. Dans les environs, nous sommes une quinzaine. Mais, dorénavant, on opère en secret. »
Au Malawi, 85 % de la population vit dans des zones rurales. Là, les lois et les campagnes de sensibilisation, « ces trucs décidés dans les grandes villes », sont accueillies avec dédain, distance ou indifférence. Selon Mariana, 21 ans, issue d’une famille où le rituel est la promesse d’une existence épanouie, elles menacent l’harmonie de la société : « Les anciens, explique-elle, nous ont enseigné de préserver nos traditions. Or, le gouvernement veut les remplacer par des valeurs étrangères et modernes. Je ne vois pas pourquoi on devrait adopter des comportements qui ne sont pas compatibles avec notre culture. » La jeune fille poursuit sa démonstration sans le moindre embarras : « Quand j’ai informé ma sœur aînée que je venais d’avoir mes règles, elle m’a parlé du rituel et indiqué comment me comporter. Il n’y a pas de tabou dans notre famille. Le lendemain, la tradition veut qu’on raconte tout à ses parents. Sinon, ils peuvent attraper des maladies. Je leur ai donc avoué que j’avais été honorée au-delà de mes espérances : sept fois. » Ses parents acquiescent : « Nous avons fait venir la hyène pour qu’elle purifie nos cinq filles. Grâce à ça, elles sont en bonne santé. Si on applique ces nouvelles lois, une malédiction va s’abattre sur elles. Elles pourraient mourir. »
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Le jour, il est ouvrier agricole. La nuit, Andrew, 43 ans, marié et père de cinq enfants, se transforme en « fisi », hyène en chichewa, la langue vernaculaire du Malawi. Il parcourt les villages pour proposer ses services, contre salaire, aux familles craignant que la malédiction s’abatte sur elles pour ne pas avoir respecté la tradition du Fusasa Fumbi. Sa mission : « dépoussiérer » sur commande des jeunes filles fraîchement pubères, des femmes peinant à devenir mères ou des veuves. Andrew vit dans le sud du pays, dans un de ces villages qui hébergent plus de secrets que d’habitants et où les traditions ancestrales font loi.
Démarche souple, contact facile et bonhomie, rien ne laisse deviner que cet homme est un des pivots d’un atroce rituel qui, au XXIe siècle, impose encore aux femmes d’être « purifiées ». Dans cette région où 70 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, la coutume sert de repère ; c’est souvent la seule chose à quoi se raccrocher. Pour un peu, Andrew se définirait comme un bienfaiteur. Il n’hésite pas à se vanter de son statut, martelant qu’il est d’utilité publique car il augmente la fertilité, chasse l’ombre de la mort, prépare à des vies harmonieuses. « Il y a vingt ans, raconte-t-il, j’étais un jeune adulte très dynamique. Mes parents et les aînés du village m’ont observé puis choisi, car j’avais un bon potentiel. Je l’ai vécu comme un honneur. Subitement, je devenais une figure respectable du village. Dans les environs, nous sommes une quinzaine. Mais, dorénavant, on opère en secret. »
Au Malawi, 85 % de la population vit dans des zones rurales. Là, les lois et les campagnes de sensibilisation, « ces trucs décidés dans les grandes villes », sont accueillies avec dédain, distance ou indifférence. Selon Mariana, 21 ans, issue d’une famille où le rituel est la promesse d’une existence épanouie, elles menacent l’harmonie de la société : « Les anciens, explique-elle, nous ont enseigné de préserver nos traditions. Or, le gouvernement veut les remplacer par des valeurs étrangères et modernes. Je ne vois pas pourquoi on devrait adopter des comportements qui ne sont pas compatibles avec notre culture. » La jeune fille poursuit sa démonstration sans le moindre embarras : « Quand j’ai informé ma sœur aînée que je venais d’avoir mes règles, elle m’a parlé du rituel et indiqué comment me comporter. Il n’y a pas de tabou dans notre famille. Le lendemain, la tradition veut qu’on raconte tout à ses parents. Sinon, ils peuvent attraper des maladies. Je leur ai donc avoué que j’avais été honorée au-delà de mes espérances : sept fois. » Ses parents acquiescent : « Nous avons fait venir la hyène pour qu’elle purifie nos cinq filles. Grâce à ça, elles sont en bonne santé. Si on applique ces nouvelles lois, une malédiction va s’abattre sur elles. Elles pourraient mourir. »
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