En octobre 1955, Yacef Saadi futur chef de la Zone autonome d'Alger a enrôlé une nouvelle recrue dont la présence au sein des commandos FLN va influencer le déroulement de ce que l'on appellera, en janvier 1957, la bataille d'Alger. Cet homme c'est Ali la Pointe. Yacef Saadi a été averti par un informateur de la Casbah qu'un dur, un « prêt-à-tout », veut s'engager dans les rangs du FLN d'Alger. « C'est un ancien mac », a ajouté l'informateur, mais il est « tombé » et vient de s'évader. Un type bien malgré tout. Yacef Saadi se méfie. Un souteneur qui s'évade et qui veut rejoindre le Front, cela sent la machination policière destinée à noyauter les commandos. Yacef est bien placé pour savoir combien la police est désireuse de se glisser dans les rangs du FLN.! « Ce type doit être manœuvré, » conclut-il. Il accepte pourtant de le rencontrer. Mais dans la rue, au milieu de la foule, pour éviter une éventuelle souricière.
Yacef repère tout de suite son homme : grand, beau garçon, habillé à l'européenne d'une façon un peu trop voyante qui souligne son physique d'ancien boxeur. Il l'aborde et tout de suite le met en confiance. Oui, le F.L.N. t'accepte. Le jeune homme exulte. « Mais avant, raconte-moi un peu ta vie », demande Yacef, Ali lui raconte tout sur sa vie : de son enfance misérable à Miliana jusqu'à sa venue à Alger.
II a réalisé son projet et se trouve pour la première fois devant Yacef Saadi sur le boulevard de Verdun. Satisfait par le récit, mais toujours méfiant, le chef des commandos FLN décide de mettre sa nouvelle recrue à l'épreuve : le nouveau venu doit abattre un agent de police avant d'être accepté au sein de l'équipe. Le lendemain Ali la Pointe retrouve une militante FLN devant le 40 de la rue Randon. La jeune femme lui glisse dans la main un pistolet qu'elle tire de son couffin à provisions : « Tu vas tuer le flic qui boit au comptoir dans le café à côté, dit-elle à mi-voix. Ordre de Yacef. Après, tu me redonneras ton flingue et tu fileras. » Lorsque l'agent de police sortit, Ali, les yeux fous, tire à plusieurs reprises, visant le ceinturon. Mais aucun coup ne part. L'arme était vide! Le gardien, à son tour, dégaine. Ali se sauve à toutes jambes tandis que la foule s'égaille, soucieuse d'être prise dans une éventuelle fusillade. Lorsque, deux heures plus tard, Yacef revoit Ali, le jeune homme est fou de rage : « Tu m'as joué! L'arme était vide! J'aurais pu me faire prendre! » - « J'avais besoin de te mettre à l'épreuve, » répliqua Yacef, « c'était nécessaire pour juger de ta bonne volonté. » Ali, homme d'action, tout d'une pièce, ne comprend pas. Puis c'est l'illumination ... avec un redoublement de colère. Alors, on le prend pour un traître! Yacef doit expliquer : ayant été lui-même entre les mains de la police, il en connait les méthodes. À la fin de la discussion, Ali, convaincu, est prêt à se sacrifier pour son pays.
Yacef Saadi-Ali la Pointe. Le tandem le plus terrible de l'histoire de la guerre d'Algérie vient de naître.