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« Ami avec des chrétiens »
Le groupe des prévenus ne compte qu’un seul étranger. Habillé de son jogging vert, Kevin Zoller Guervos, un Hispano-Suisse de 25 ans, a la mine fatiguée. Il retrouve le sourire quand sa mère réussit à zigzaguer pendant la pause entre les forces de l’ordre pour le saluer à travers le Plexiglas, son fils de 2 ans sur la hanche. Installé à Marrakech depuis 2015, Kevin est accusé d’avoir participé à la radicalisation des quelques-uns des suspects, bien qu’il clame son innocence.
« Certains pensent qu’il est terroriste, mais il n’y a aucune preuve ! On ne peut rien déduire des paroles », s’indigne la mère du prévenu, qui répète que son fils ne parle même pas l’arabe.
Ces
« paroles », ce sont celles de plusieurs détenus qui disent connaître l’Hispano-Suisse. Lors de l’audience du 30 mai, Abdessamad Al-Joud a affirmé que Kevin n’avait jamais parlé de djihad au Maroc, mais plutôt de rejoindre une branche de l’EI aux Philippines.
Les deux hommes se sont rencontrés grâce à Abdelghani Chaabti, qui enseigne dans une école coranique. A la barre, l’homme aux cheveux noirs bouclés affirme au juge que le Suisse priait avec eux.
« Je lui ai conseillé de renoncer à son idéologie du djihad — Et il t’a répondu quoi ? — L’inverse », relate-t-il avec un petit rire narquois. Concentré, l’Hispano-Suisse écoute le témoignage grâce au traducteur à ses côtés.
Pendant la pause, Fatima, l’épouse de Kevin, a préféré sortir de la salle d’audience.
« Au Maroc, Kevin voulait rentrer dans l’islam, mais il n’a jamais été radical. Il allait à la mosquée au début mais dernièrement il a lâché la religion », témoigne la jeune femme, qui assure qu’il a coupé les liens avec les autres détenus depuis plus d’un an et demi.
« Kevin est aussi devenu ami avec trois personnes migrantes d’Afrique noire, chrétiennes, qui dormaient à l’église. Un radical n’aiderait jamais des chrétiens », continue la jeune femme au voile noir et aux longs cils maquillés derrière ses lunettes.
Vers 17 heures, l’avocat de l’Hispano-Suisse, Me Saad Sahli, demande un report d’audience.
« Mon client doit m’expliquer les paroles des accusés. Je dois préparer ma défense en fonction des nouveaux éléments », explique-t-il. Peu bavard, il s’échappe en assurant :
« Mon client n’a pas d’idées fanatiques, je vais justifier cela. » Prochaine audience le 20 juin.
https://www.lemonde.fr/afrique/arti...urtre-de-touristes-au-maroc_5476438_3212.html