MAROC • Petits pas en faveur du droit à l’avortement

MAROC • Petits pas en faveur du droit à l’avortement

http://www.courrierinternational.com/article/2010/06/24/petits-pas-en-faveur-du-droit-a-l-avortement

Alors que l’interruption volontaire de grossesse reste illégale, un premier colloque sur le sujet a été organisé dans un cadre officiel. Les organisateurs y voient une victoire.

24.06.2010 | Zoé Deback | TelQuel

Vers une libéralisation de l'avortement ?

AMLAC - Le site Internet de l'association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin

AMLAC - Le site Internet de l'association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin

L’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (AMLAC) peut se féliciter d’avoir marqué des points en organisant son premier colloque sur l’avortement, les 28 et 29 mai. Certes, la participation des pouvoirs publics était timide. Des représentants des ministères de l’Education et de la Justice sont intervenus, mais celui de la Santé n’a pas voulu s’impliquer officiellement. L’AMLAC avait pris soin de *replacer l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans son contexte, entre un volet sur la prévention des grossesses non désirées et un autre sur les enfants abandonnés. Elle a réussi son pari de réunir les points de vue des médecins, de la loi, de l’éthique, de la religion et des droits de l’homme. Les nombreux gynécologues assistant au colloque ont poussé de véritables appels de détresse, martelant que l’illégalité de l’IVG n’empêchait pas les femmes d’avorter, mais les mettait simplement en danger. Selon les médecins, des femmes arrivent chaque jour dans un état physique et mental désespéré.

Théoriquement, la loi pénalise les avorteurs (de un à cinq ans de prison) et les avortées (de six mois à deux ans), même si dans les faits les seules poursuites judiciaires ont lieu en cas de décès. Mais l’article 453, selon lequel “l’avortement n’est pas puni quand il vise à sauvegarder la vie ou la santé de la mère”, constitue une fenêtre importante, a expliqué le Dr Chafik Chraïbi, président de l’AMLAC. Il suffirait de se référer à la définition de la santé émise par l’OMS, qui inclut la santé mentale, pour autoriser l’IVG. Côté religion, rien d’absolu. Comme souvent dans l’islam, les interprétations varient. La plupart des sunnites malékites, majoritaires au Maghreb, condamnent l’avortement dès la conception, mais les écoles hanbalite et chafiite l’autorisent jusqu’à 40 jours de grossesse, et les hanafites jusqu’à 120 jours. “Le législateur n’est pas obligé de rester prisonnier de l’opinion malékite”, a argumenté le sociologue Abdessamad Dialmy. “Il pourrait profiter de ces ouvertures, comme l’a fait la Tunisie” [pionnière de la légalisation de l’IVG en terre d’islam, elle l’autorise depuis 1973 jusqu’à 3 mois de grossesse]. Si les textes de loi internationaux n’évoquent aucun droit à l’avortement en soi, en raison de l’absence de consensus sur le droit à la vie du fœtus lui-même, les défenseurs des droits de l’homme se fondent sur les droits à la santé et à la vie de la femme pour réclamer son encadrement légal.

Enfin, l’AMLAC a formulé plusieurs recommandations destinées au Parlement, au secrétariat du gouvernement et au roi. La plus importante demande l’assouplissement de la loi pour autoriser l’avortement uniquement dans certains cas (viol, inceste…). Par ailleurs, le délai maximal suggéré est plutôt court : 2 mois de grossesse (sauf en cas de malformation fœtale). Il s’agit d’une démarche prudente destinée à faire évoluer la société en douceur.
 
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