Depuis septembre dernier, Marwan Muhammad est devenu diplomate et conseiller dans la lutte contre le racisme et l’islamophobie pour l’OSCE, l’organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Sa mission est de coordonner la lutte contre l’islamophobie au niveau de 57 pays. C’est un poste unique dans le monde, qui n’a pas d’équivalent à l’ONU par exemple. Interview.
Qu’est-ce que cela signifie au quotidien ?
J’essaie d’abord d’effectuer un travail de diplomatie au niveau des gouvernements pour qu’ils prennent en compte la nature de cette forme de racisme qu’est l’islamophobie. Cela veut aussi dire les aider et les assister lorsqu’ils souhaitent mettre en place des formations, auprès des policiers par exemple, pour qu’ils puissent recenser correctement les actes islamophobes. C’est un travail qui a lieu derrière la scène et qui permet de mettre en œuvre des changements réels, qui affectent positivement la vie des gens au quotidien.
Mon second travail, c’est la production de contenus, de rapports et d'analyses à propos de la condition des musulmans dans les pays de l’OSCE, ainsi que la manière dont ils vivent ces formes de racisme. Tous ces contenus sont d’ailleurs disponibles sur notre site internet (http://hatecrime.osce.org).
Est-ce que l’on peut dire qu’il existe différentes formes d’islamophobie en fonction du pays qui est étudié ?
Il y a des formes idéologiques qui circulent d’un pays à l’autre à travers l'Europe. Il y a principalement deux narrations qui sont très opérantes. La première, c’est un discours identitaire qui va présenter les musulmans comme un facteur étranger et dangereux, qui viendrait mettre en cause la nationalité du pays. C’est un discours qui est très présent en France, en Angleterre ou en Allemagne.
Il y a également une deuxième forme de discours. Celle-ci est plus difficile à problématiser et beaucoup plus présente dans des pays d’Europe de l’Ouest. Elle se traduit par un discours qui émerge paradoxalement de groupes se présentant comme alliés des minorités. Il repose sur le fait que les musulmans seraient des gens arriérés, qui sont en contradiction directe avec les droits de l’homme, avec la liberté d’expression et les droits des femmes.
Ce discours est-il plus pernicieux ?
Cette narration est beaucoup plus dure à identifier comme raciste puisqu’elle vient de partis et de groupes traditionnellement progressistes. Elle se prétend bienveillante, affirme venir libérer les musulmans d’une oppression qu’ils s’infligent à eux-mêmes. On est encore parfois sur des postures néocoloniales. On voit notamment que certains considèrent qu'il est nécessaire de "civiliser" et "d’éduquer les musulmans au sens de l’humour", à la citoyenneté ou encore au respect des lois.
Le langage est recodé à travers une nouvelle grammaire islamophobe : il suffit de finir ses phrases par « mais surtout pas de stigmatisation » pour pouvoir dire tout ce que l’on veut juste avant, s'agissant des musulmans. C’est pour cela que tous les discours de dénonciation des amalgames tenus par les leaders politiques européens seront d’autant plus crédibles qu’ils ne seront pas automatiquement accompagnés d’un rappel à la fermeté et à l’ordre républicain.
Propos recueillis par Chloé Juhe
http://www.lecourrierdelatlas.com/8...xiste-une-nouvelle-grammaire-islamophobe.html
Qu’est-ce que cela signifie au quotidien ?
J’essaie d’abord d’effectuer un travail de diplomatie au niveau des gouvernements pour qu’ils prennent en compte la nature de cette forme de racisme qu’est l’islamophobie. Cela veut aussi dire les aider et les assister lorsqu’ils souhaitent mettre en place des formations, auprès des policiers par exemple, pour qu’ils puissent recenser correctement les actes islamophobes. C’est un travail qui a lieu derrière la scène et qui permet de mettre en œuvre des changements réels, qui affectent positivement la vie des gens au quotidien.
Mon second travail, c’est la production de contenus, de rapports et d'analyses à propos de la condition des musulmans dans les pays de l’OSCE, ainsi que la manière dont ils vivent ces formes de racisme. Tous ces contenus sont d’ailleurs disponibles sur notre site internet (http://hatecrime.osce.org).
Est-ce que l’on peut dire qu’il existe différentes formes d’islamophobie en fonction du pays qui est étudié ?
Il y a des formes idéologiques qui circulent d’un pays à l’autre à travers l'Europe. Il y a principalement deux narrations qui sont très opérantes. La première, c’est un discours identitaire qui va présenter les musulmans comme un facteur étranger et dangereux, qui viendrait mettre en cause la nationalité du pays. C’est un discours qui est très présent en France, en Angleterre ou en Allemagne.
Il y a également une deuxième forme de discours. Celle-ci est plus difficile à problématiser et beaucoup plus présente dans des pays d’Europe de l’Ouest. Elle se traduit par un discours qui émerge paradoxalement de groupes se présentant comme alliés des minorités. Il repose sur le fait que les musulmans seraient des gens arriérés, qui sont en contradiction directe avec les droits de l’homme, avec la liberté d’expression et les droits des femmes.
Ce discours est-il plus pernicieux ?
Cette narration est beaucoup plus dure à identifier comme raciste puisqu’elle vient de partis et de groupes traditionnellement progressistes. Elle se prétend bienveillante, affirme venir libérer les musulmans d’une oppression qu’ils s’infligent à eux-mêmes. On est encore parfois sur des postures néocoloniales. On voit notamment que certains considèrent qu'il est nécessaire de "civiliser" et "d’éduquer les musulmans au sens de l’humour", à la citoyenneté ou encore au respect des lois.
Le langage est recodé à travers une nouvelle grammaire islamophobe : il suffit de finir ses phrases par « mais surtout pas de stigmatisation » pour pouvoir dire tout ce que l’on veut juste avant, s'agissant des musulmans. C’est pour cela que tous les discours de dénonciation des amalgames tenus par les leaders politiques européens seront d’autant plus crédibles qu’ils ne seront pas automatiquement accompagnés d’un rappel à la fermeté et à l’ordre républicain.
Propos recueillis par Chloé Juhe
http://www.lecourrierdelatlas.com/8...xiste-une-nouvelle-grammaire-islamophobe.html