concernant ce que j'écrivais sur le fait que les personnes victimes de violences conjugales/viol/inceste sont saisies de "sidération" et semblent ne pas réagir, continuent à être des victimes en apparence consentantes, voire se mettre en danger en se faisant re violer,
ce sont les recherches de la psychiatre Muriel Salmona qui ont permis de le comprendre.
son site
https://www.memoiretraumatique.org/
lire l'explication ici :
le traumatisme et le mécanisme à l'oeuvre
https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2017-Aide-memoire-Dunod-Impact-des-violences-sexuelles-la-memoire-traumatique-a-l-œuvre.pdf
Les mécanismes neurobiologiques à l’origine des psychotraumatismes
La violence a un effet de sidération du psychisme qui paralyse la victime, l’empêche de réagir de façon adaptée, et empêche son cortex cérébral de contrôler l'intensité de la réaction de stress et sa production d'adrénaline et de cortisol. Un stress extrême, véritable tempête émotionnelle, envahit alors son organisme et - parce qu'il représente un risque vital (pour le cœur et le cerveau par l’excès d’adrénaline et de cortisol) (Yehuda, 2007) - déclenche des mécanismes neurobiologiques de sauvegarde qui ont pour effet de faire disjoncter le circuit émotionnel, et d'entraîner une anesthésie émotionnelle et physique en produisant des drogues dures morphine et kétamine-like (Lanius, 2010).
L'anesthésie émotionnelle génère un état dissociatif avec un sentiment d'étrangeté, de déconnection et de dépersonnalisation, comme si la victime devenait spectatrice de la situation puisqu'elle la perçoit sans émotion. Mais cette disjonction isole la structure responsable des réponses sensorielles et émotionnelles (l'amygdale cérébrale) de l'hippocampe (autre structure cérébrale, sorte de logiciel qui gère la mémoire et le repérage temporo-spatial, sans elle aucun souvenir ne peut être mémorisé, ni remémoré, ni temporalisé). L'hippocampe ne peut pas faire son travail d'encodage et de stockage de la mémoire sensorielle et émotionnelle des violences, celle-ci reste piégée dans l'amygdale sans être traitée, ni transformée en mémoire autobiographique.
Elle va rester hors temps, nonconsciente, à l'identique, susceptible d'envahir le champ de la conscience et de refaire revivre la scène violente de façon hallucinatoire, comme une machine à remonter le temps, avec les mêmes sensations, les mêmes douleurs, les mêmes phrases entendues, les mêmes odeurs, les mêmes sentiments de détresse et de terreur (ce sont les flashbacks, les réminiscences, les cauchemars, les attaques de panique…).
C'est cette mémoire piégée dans l’amygdale qui n’est pas devenue autobiographique qu'on appelle la mémoire traumatique. Dissociation et mémoire traumatique à l'œuvre.
Tant que la victime sera exposée à des violences ou à la présence de l’agresseur ou de ses complices, elle sera déconnectée de ses émotions, dissociée. La dissociation, système de survie en milieu très hostile, peut alors s'installer de manière permanente donnant l'impression à la victime de devenir un automate, d'être dévitalisée, confuse, comme un "mort-vivant".
Cette dissociation isole encore plus la victime, explique les phénomènes d’emprise et désoriente toutes les personnes qui sont en contact avec elle (Salmona, 2015). L’absence d’émotion apparente d’une victime dissociée fait que le processus d’empathie automatique n’est pas activé par les neurones miroirs de ses interlocuteurs, et ils seront d’autant plus rares à se mobiliser pour elle et à la protéger alors qu’elle est
gravement traumatisée et en danger. Ces troubles dissociatifs traumatiques suscitent fréquemment chez l’entourage et les professionnels indifférence, jugements négatifs, voire rejet et maltraitance.