Un maître cruel.
J'ai toujours craint mon maître. Il était pour moi mon cauchemar d'enfant, puis, mon ennemi d'adolescent.
J'ai été donné a lui par mon père. Ma mère est morte d'une longue mélancolie qui l'a poussé à se donner la mort alors que je n'avais que six ans. Mon père, endetté, ne s'est jamais remit de sa mort. Il s'est mis à boire beaucoup de vin de riz, a délaissé son champ, et a dépensé ses économies avec de mauvaises fréquentations.
Deux choix s'offraient à lui: m'abandonner ou me laisser dans un monastère. Il décida de me placer pour la vie dans un temple monastère.
Sur la route, on croisa celui qui devait devenir mon maître : Mr Chiraï.
Il fut très affable, très gentil avec mon père. Il lui dit qu'il commençait à être vieux et qu'il cherchait un disciple dans la voie de l'ombre et de la lumière.
Il ne demanda rien en contrepartie, mon père accepta de me donner. Des grosses larmes jaillirent de ses yeux fatigués et brulés par l'alcool, et il fit une chose qu'il n'avait jamais fait de sa vie et qui devait rester graver à jamais dans mon esprit; il me souleva de terre et me fit un gros baiser sur la joue en me disant " je t'aime mon fils..." Mon cœur explosa ce jour là. Je ne l'ai plus jamais revu.
Mr Chiraï m'emmena chez lui. Sur la route, il ne dit pas un mot, comme pour respecter le deuil de ma famille je pense maintenant.
Chez lui, mon calvaire ne fit que commencer. Cet homme, petit de taille, était carré comme un taureau. Ses muscles ressemblaient à du bois noué et en avait même la couleur. Il était chauve et son visage dur était percé par deux petites fentes qui parfois scintillaient comme des braises lorsqu'elles s'ouvraient pour montrer les deux billes flamboyantes qu'étaient ses yeux.
Tout les jours je devais m'entrainer en répétant inlassablement les mêmes gestes, tout les jours il me traitait durement en m'insultant et en me corrigeant sévèrement.
Il me disait des choses du genre : " Tu n'es qu'un misérable insecte ! Ta vie m'appartient ! Ton père t'a donné à moi, tu es mon serviteur ! Tu n'es qu'un bon un rien ! Un déchet ! Un fils d'alcoolique et de mère pitoyable !
Comme je le haïssait ! Comme j'aurais aimé le tuer ! Une fois j'ai levé le poing vers lui en lui disant qu'un jour, je serais assez fort pour le vaincre et que je le tuerai . Il s'est contenté de rire sournoisement et de me dire doucement : " Un incapable ne sert à rien et ne servira jamais à rien"...
Durant des années j'ai enduré sa cruelle tutelle, ruminant ma rage, avec pour seul moteur la haine de cet homme. Je souhaitais devenir fort pour le vaincre.
Rarement, nous allions dans la petite ville en contrebas. Mr Chiraï disait que c'était le centre du chaos. Plein de luxure, de cupidité, de jalousie et d'arrogance. Il disait que les gens sont des larves abjectes, qu'il méprise les citadins vaniteux et les paysans stupides. Cependant, il restait calme et imperturbable comme une montagne dans son éternel kimono, et personne n'osait l'approcher ni même lui parler.
Je me souviens d'une fois ou, je ne sais plus si c'est un vrai souvenir ou un rêve, mais ce jour là, nous étions au marché. Un grand jeune homme, un voyou, qui avait bu, ce moqua de mon maître. Il se planta devant lui et lui dit une chose du genre " Vieille excentrique !" Ou quelque chose du genre. Mr Chiraï ne broncha pas. Mais, avec la vitesse d'un chat qui se retourne sur un oiseau, il lui attrapa la main et la brisa entre deux doigts ! Cela fit un bruit terrible et le jeune homme se mit à hurler et à pleurer comme un gosse. Il était tout blanc et de la morve coulait de son nez, c'était effrayant... Les gens d'armes accoururent devant la scène, les badauds s'attroupaient. Je pense que Mr Chiraï allait tuer cet homme. Il lui a dit une chose à l'oreille, leva la main au dessus de son crane, mais il arrêta au dernier moment.
Une autre fois, une femme venait tout les jours venir nous rendre visite. Elle était très gentille et baissait toujours le regard. Elle m'amenait des fruits grillés et des sucreries en me disant : "surtout, ne dis rien à Mr Chiraï". Mais j'entendais souvent mon maître hurler contre elle, et elle fini par ne plus jamais venir. Dommage je l'aimais bien.
Plus le temps passait et plus mon maître devenait silencieux. Parfois, il me disait des choses étranges du genre ; " Tu entends le cris du coucou ? " ou, " tu sens l'air remplir tes poumons ?" . Au début je pensais qu'il commençait à devenir sénile. Mais un jour, je me permis de le taquiner, me sentant fort et vigoureux, je le regarda de haut et je me moqua de lui d'un ton arrogant.
En l'espace d'une seconde je me retrouvait balayé au sol, son pied sur ma gorge. Je sentais mes os craquer et je ne pouvais plus respirer. Alors il me hurla; " Veux tu connaitre le secret de l'immortalité ? Veux tu chevaucher les vents et parler aux montagnes ? " Puis, ne me laissant aucun répit il continua ; " Pauvre fou ! La vérité est que mon pied est sur ta gorge et que je peux t'ôter la vie d'une simple pression ! " Et il hurla ; " Sens tu la réalité ? ! " Et je me mis à pleurer, et j'ai eu le droit de me reposer pendant une après midi pour dormir un peu et méditer.
Je suis devenu un homme aguerri je pense. Mon entraînement est terminé avec mon maître. Il a détruit ce que je pensais être moi, et il a laissé un vide à la place... et ce vide est silencieux et paisible.
Mais, mon Dieu, quand j'y repense, j'aurais vraiment voulu mettre une correction à ce vieux salopard !
FIN
J'ai toujours craint mon maître. Il était pour moi mon cauchemar d'enfant, puis, mon ennemi d'adolescent.
J'ai été donné a lui par mon père. Ma mère est morte d'une longue mélancolie qui l'a poussé à se donner la mort alors que je n'avais que six ans. Mon père, endetté, ne s'est jamais remit de sa mort. Il s'est mis à boire beaucoup de vin de riz, a délaissé son champ, et a dépensé ses économies avec de mauvaises fréquentations.
Deux choix s'offraient à lui: m'abandonner ou me laisser dans un monastère. Il décida de me placer pour la vie dans un temple monastère.
Sur la route, on croisa celui qui devait devenir mon maître : Mr Chiraï.
Il fut très affable, très gentil avec mon père. Il lui dit qu'il commençait à être vieux et qu'il cherchait un disciple dans la voie de l'ombre et de la lumière.
Il ne demanda rien en contrepartie, mon père accepta de me donner. Des grosses larmes jaillirent de ses yeux fatigués et brulés par l'alcool, et il fit une chose qu'il n'avait jamais fait de sa vie et qui devait rester graver à jamais dans mon esprit; il me souleva de terre et me fit un gros baiser sur la joue en me disant " je t'aime mon fils..." Mon cœur explosa ce jour là. Je ne l'ai plus jamais revu.
Mr Chiraï m'emmena chez lui. Sur la route, il ne dit pas un mot, comme pour respecter le deuil de ma famille je pense maintenant.
Chez lui, mon calvaire ne fit que commencer. Cet homme, petit de taille, était carré comme un taureau. Ses muscles ressemblaient à du bois noué et en avait même la couleur. Il était chauve et son visage dur était percé par deux petites fentes qui parfois scintillaient comme des braises lorsqu'elles s'ouvraient pour montrer les deux billes flamboyantes qu'étaient ses yeux.
Tout les jours je devais m'entrainer en répétant inlassablement les mêmes gestes, tout les jours il me traitait durement en m'insultant et en me corrigeant sévèrement.
Il me disait des choses du genre : " Tu n'es qu'un misérable insecte ! Ta vie m'appartient ! Ton père t'a donné à moi, tu es mon serviteur ! Tu n'es qu'un bon un rien ! Un déchet ! Un fils d'alcoolique et de mère pitoyable !
Comme je le haïssait ! Comme j'aurais aimé le tuer ! Une fois j'ai levé le poing vers lui en lui disant qu'un jour, je serais assez fort pour le vaincre et que je le tuerai . Il s'est contenté de rire sournoisement et de me dire doucement : " Un incapable ne sert à rien et ne servira jamais à rien"...
Durant des années j'ai enduré sa cruelle tutelle, ruminant ma rage, avec pour seul moteur la haine de cet homme. Je souhaitais devenir fort pour le vaincre.
Rarement, nous allions dans la petite ville en contrebas. Mr Chiraï disait que c'était le centre du chaos. Plein de luxure, de cupidité, de jalousie et d'arrogance. Il disait que les gens sont des larves abjectes, qu'il méprise les citadins vaniteux et les paysans stupides. Cependant, il restait calme et imperturbable comme une montagne dans son éternel kimono, et personne n'osait l'approcher ni même lui parler.
Je me souviens d'une fois ou, je ne sais plus si c'est un vrai souvenir ou un rêve, mais ce jour là, nous étions au marché. Un grand jeune homme, un voyou, qui avait bu, ce moqua de mon maître. Il se planta devant lui et lui dit une chose du genre " Vieille excentrique !" Ou quelque chose du genre. Mr Chiraï ne broncha pas. Mais, avec la vitesse d'un chat qui se retourne sur un oiseau, il lui attrapa la main et la brisa entre deux doigts ! Cela fit un bruit terrible et le jeune homme se mit à hurler et à pleurer comme un gosse. Il était tout blanc et de la morve coulait de son nez, c'était effrayant... Les gens d'armes accoururent devant la scène, les badauds s'attroupaient. Je pense que Mr Chiraï allait tuer cet homme. Il lui a dit une chose à l'oreille, leva la main au dessus de son crane, mais il arrêta au dernier moment.
Une autre fois, une femme venait tout les jours venir nous rendre visite. Elle était très gentille et baissait toujours le regard. Elle m'amenait des fruits grillés et des sucreries en me disant : "surtout, ne dis rien à Mr Chiraï". Mais j'entendais souvent mon maître hurler contre elle, et elle fini par ne plus jamais venir. Dommage je l'aimais bien.
Plus le temps passait et plus mon maître devenait silencieux. Parfois, il me disait des choses étranges du genre ; " Tu entends le cris du coucou ? " ou, " tu sens l'air remplir tes poumons ?" . Au début je pensais qu'il commençait à devenir sénile. Mais un jour, je me permis de le taquiner, me sentant fort et vigoureux, je le regarda de haut et je me moqua de lui d'un ton arrogant.
En l'espace d'une seconde je me retrouvait balayé au sol, son pied sur ma gorge. Je sentais mes os craquer et je ne pouvais plus respirer. Alors il me hurla; " Veux tu connaitre le secret de l'immortalité ? Veux tu chevaucher les vents et parler aux montagnes ? " Puis, ne me laissant aucun répit il continua ; " Pauvre fou ! La vérité est que mon pied est sur ta gorge et que je peux t'ôter la vie d'une simple pression ! " Et il hurla ; " Sens tu la réalité ? ! " Et je me mis à pleurer, et j'ai eu le droit de me reposer pendant une après midi pour dormir un peu et méditer.
Je suis devenu un homme aguerri je pense. Mon entraînement est terminé avec mon maître. Il a détruit ce que je pensais être moi, et il a laissé un vide à la place... et ce vide est silencieux et paisible.
Mais, mon Dieu, quand j'y repense, j'aurais vraiment voulu mettre une correction à ce vieux salopard !
FIN