RABELAIS
Contemporain de Montaigne et compagnon de route de cette liberté d'esprit inaugurée par l’essayiste, Rabelais joue un rôle majeur dans la construction de l'esprit français. Son œuvre a rendu possible l’épithète «rabelaisien» qui, nul n'en disconviendra, s’avère un marqueur fort de l'esprit français.
Rabelais invente le roman moderne dans la première moitié du XVI° siècle — Don Quichotte, c’est au siècle suivant... On a beaucoup écrit sur l'occultisme, le sens caché, le rôle de la cabbale, le chiffrage des livres de Rabelais — Pantagruel, Gargantua, Tiers Livre, Quart Livre. Mais c'était une façon d’obscurcir ce qui se révèle simple à qui veut lire ce qu'il y a d'écrit !
On ne dit pas que son œuvre formule le retour du refoulé chrétien sous forme de célébration du corps brimé par le judéo-christianisme : Il invente le corps épicurien français. Alors que l'Église enseigne aux femmes à être vierges et mères en même temps, ce qui paraît bien périlleux et augure mal d’une érotique digne de ce nom, et aux hommes d’être soit semblables à Jésus qui est une métaphore qui ne mange ni ne boit, sauf des symboles (le pain signifiant le levain de l'Église à venir, le vin annonçant le sang de la Passion et le poisson jouant de l’'homophonie en grec entre poisson et Christ), ne rit ni ne dort, ne «chie» ni ne «baise», pour utiliser les mots de notre auteur, soit semblable au Christ qui est un cadavre de supplicié, Rabelais jubile des flux du corps humain très humain. Les seigneurs de Baisecul — pas besoin de décoder — ou Humevesne — qui renifle les pets — côtoient Gargantua dont le nom veut dire "grand gosier" car il demande à boire dès qu'il naît dans une grande débauche de matières gynécologiques, qui grimpe sur les tours de Notre-Dame, défait sa braguette, pisse et noie les Parisiens; ailleurs, à Nantua, il lâche une crotte qui devient un mont, il utilise un torche-*** fait d'oiseaux au doux duvet, non sans avoir précisé quelles autres choses auraient pu servir à pareil usage ; les banquets ne sont pas symboliques ou allégoriques, comme dans les Évangiles, mais justement, gargantuesques, c'est-à-dire démesurés, on y rit grassement, on fait des farces énormes, on multiplie les plaisanteries vulgaires, on accumule les jeux de mots, on y pratique les sous-entendus sexuels et scatologiques, le tout avec force victuailles englouties et quantité de vins bus !
Le même Gargantua fonde une république libertaire, la fameuse abbaye de Thélème, où les moines vivent selon un principe simple : «Fais ce que tu voudras"
Rabelaisien, nous dit le dictionnaire, caractérise un personnage «qui est digne de Rabelais, a la gaieté libre et truculente que l’on trouve chez Rabelais». Avoir la gaieté libre et truculente, voilà une autre pierre avec laquelle construire l'édifice de l'esprit français.
Contemporain de Montaigne et compagnon de route de cette liberté d'esprit inaugurée par l’essayiste, Rabelais joue un rôle majeur dans la construction de l'esprit français. Son œuvre a rendu possible l’épithète «rabelaisien» qui, nul n'en disconviendra, s’avère un marqueur fort de l'esprit français.
Rabelais invente le roman moderne dans la première moitié du XVI° siècle — Don Quichotte, c’est au siècle suivant... On a beaucoup écrit sur l'occultisme, le sens caché, le rôle de la cabbale, le chiffrage des livres de Rabelais — Pantagruel, Gargantua, Tiers Livre, Quart Livre. Mais c'était une façon d’obscurcir ce qui se révèle simple à qui veut lire ce qu'il y a d'écrit !
On ne dit pas que son œuvre formule le retour du refoulé chrétien sous forme de célébration du corps brimé par le judéo-christianisme : Il invente le corps épicurien français. Alors que l'Église enseigne aux femmes à être vierges et mères en même temps, ce qui paraît bien périlleux et augure mal d’une érotique digne de ce nom, et aux hommes d’être soit semblables à Jésus qui est une métaphore qui ne mange ni ne boit, sauf des symboles (le pain signifiant le levain de l'Église à venir, le vin annonçant le sang de la Passion et le poisson jouant de l’'homophonie en grec entre poisson et Christ), ne rit ni ne dort, ne «chie» ni ne «baise», pour utiliser les mots de notre auteur, soit semblable au Christ qui est un cadavre de supplicié, Rabelais jubile des flux du corps humain très humain. Les seigneurs de Baisecul — pas besoin de décoder — ou Humevesne — qui renifle les pets — côtoient Gargantua dont le nom veut dire "grand gosier" car il demande à boire dès qu'il naît dans une grande débauche de matières gynécologiques, qui grimpe sur les tours de Notre-Dame, défait sa braguette, pisse et noie les Parisiens; ailleurs, à Nantua, il lâche une crotte qui devient un mont, il utilise un torche-*** fait d'oiseaux au doux duvet, non sans avoir précisé quelles autres choses auraient pu servir à pareil usage ; les banquets ne sont pas symboliques ou allégoriques, comme dans les Évangiles, mais justement, gargantuesques, c'est-à-dire démesurés, on y rit grassement, on fait des farces énormes, on multiplie les plaisanteries vulgaires, on accumule les jeux de mots, on y pratique les sous-entendus sexuels et scatologiques, le tout avec force victuailles englouties et quantité de vins bus !
Le même Gargantua fonde une république libertaire, la fameuse abbaye de Thélème, où les moines vivent selon un principe simple : «Fais ce que tu voudras"
Rabelaisien, nous dit le dictionnaire, caractérise un personnage «qui est digne de Rabelais, a la gaieté libre et truculente que l’on trouve chez Rabelais». Avoir la gaieté libre et truculente, voilà une autre pierre avec laquelle construire l'édifice de l'esprit français.