Pour mon premier article j'avais envie d'écrire mon témoignage pour montrer comment on décourage les gens qui veulent travailler, aujourd'hui en France, et les tristes conséquences que cela a sur le monde industriel actuel.
Comme il me semble loin le temps où je pensais gagner ma vie correctement grâce à mon travail ! Ce n'est pourtant pas si loin en fait, 10 ans à peine, ou un peu plus... Et durant ce laps de temps je dois dire que j'ai sérieusement déchanté sur les possibilités qui sont encore offertes en France de s'enrichir lorsqu'on est honnête et bosseur, et sur l'existence des opportunités de construire quelque chose à soi et pour soi.
Ou alors ça existe, mais alors pas pour moi...
J'ai tout fait pour m'en sortir
Peut-être que vous vous reconnaîtrez dans ma petite biographie...
Titulaire d'un Bac scientifique avec mention, je faisais partie des meilleurs de mon lycée de province, et je rêvais alors de devenir ingénieur en mécanique. Je croyais à la vertu du travail, car jusqu'au Bac l'égalité existe encore et ce sont les meilleurs qui obtiennent les meilleures notes. Point. Pas d'inégalités. Alors je bossais dur pour me construire une meilleure vie.
Mais malheureusement pour moi financièrement je faisais partie de la fameuse « zone noire » des classes moyennes, dans laquelle vous êtes un peu trop riche pour avoir droit à une bourse et beaucoup trop pauvre pour pouvoir financer un diplôme hors de prix dans une grande école (approximativement 15000 euros par an pour financer les frais de scolarité, le logement et les frais de vie, et ce durant 5 ans soit 75000 euros au total).
Et les études d'ingénieur, en plus d'être cher, c'était aussi loin de chez moi.
Ailes brisées sèchement d'entrée de jeu, je suis resté sur le carreau devant les portes des grandes écoles. J'ai alors vu ces fameuses portes s'ouvrir en grand pour de bien moins bons élèves que moi, et ce sur des critères purement financiers qui nous triaient tous par origine sociale. « Tu peux payer, tu rentres ». « Tu ne peux pas payer, tu restes dehors ». Qui que tu sois, c'est comme ça...
Mais j'avais la gnaque, persuadé que le travail peut tout...
Ce que les autres achetaient, moi j'avais décidé de le gagner ! Alors pendant plus de dix ans j'ai successivement suivi des cours en alternance, fait des petits boulots mal payés, mis de l'argent de côté pour me payer des diplômes supérieurs ou des formations hors de prix. La gnaque ! J'ai travaillé dans plusieurs bureaux d'études, dans des régions différentes, dans plusieurs domaines différents. La gnaque ! J'ai grimpé le échelons, j'ai fait des heures sup, j'ai prouvé ma valeur en obtenant des promotions et en devenant cadre intermédiaire. La gnaque ! La gnaque ! Licencié économique pendant la crise de 2008, j'ai rebondi pour passer un Master de Mécanique et finalement j'y suis arrivé : aujourd'hui je peux prétendre au titre chèrement gagné d' « Ingénieur en Mécanique ». J'ai mis plus de dix ans à obtenir ce qu'un fils à papa achète en cinq ans avec l'argent de ses parents.
J'ai réussi, enfin !
Et armé de mon précieux diplôme et de toute l'expérience acquise pendant ces années de galère, j'ai passé des entretiens d'embauche au cours desquels on m'a proposé un contrat d'un an... à 1500 euros net par mois !...
La ridicule récompense du travail
1500 euros net... Une misère... ou alors 1800 mais il faut accepter une mobilité nationale pour laquelle je peux très bien me retrouver à travailler une semaine à Lille, puis une semaine à Lyon, puis une semaine à Marseille en encaissant tous les frais de déplacement et d'hébergement à ma charge. Autant dire une arnaque !
On appelle ça « être consultant ».
Et le type que j'avais en face de moi, la mine abusivement tristounette, me racontait que ce n'était pas sa faute et que c'était la crise qui voulait ça, que c'était une opportunité à saisir, qu'il faisait un vrai effort et qu'à la fin du contrat, si mes résultats étaient satisfaisants, il relèverait bientôt mon salaire à un niveau mirobolant qui me laisserait probablement pantois.
J'ai fait mine d'accepter l'espace de quelques secondes, et alors la durée du contrat est passée instantanément de 12 à 24 mois. J'avais ma preuve : le type était un bel escroc, j'ai donc refusé de signer.
Il mentait à coup sûr : à son poignet il l'avait, lui, la fameuse Rolex qui prouve qu'on a réussi sa vie ! Et en sortant de son immeuble j'ai bien remarqué l'énorme berline flambant neuve garée sur le parking orné du panneau « direction ».
C'était le bouquet final, cet entretien ! Le moment où j'ai eu envie de tout arrêter, de changer de métier et de quitter l'activité pour laquelle j'avais tant travaillé. Car je ne voudrais pas que vous croyiez que je ne l'ai pas vu venir : cet entretien est l'atterrissage de la longue dégringolade de l'industrie française, dont j'ai été l'humble témoin durant ces dix dernières années, et que je vais essayer de vous raconter.
Comme il me semble loin le temps où je pensais gagner ma vie correctement grâce à mon travail ! Ce n'est pourtant pas si loin en fait, 10 ans à peine, ou un peu plus... Et durant ce laps de temps je dois dire que j'ai sérieusement déchanté sur les possibilités qui sont encore offertes en France de s'enrichir lorsqu'on est honnête et bosseur, et sur l'existence des opportunités de construire quelque chose à soi et pour soi.
Ou alors ça existe, mais alors pas pour moi...
J'ai tout fait pour m'en sortir
Peut-être que vous vous reconnaîtrez dans ma petite biographie...
Titulaire d'un Bac scientifique avec mention, je faisais partie des meilleurs de mon lycée de province, et je rêvais alors de devenir ingénieur en mécanique. Je croyais à la vertu du travail, car jusqu'au Bac l'égalité existe encore et ce sont les meilleurs qui obtiennent les meilleures notes. Point. Pas d'inégalités. Alors je bossais dur pour me construire une meilleure vie.
Mais malheureusement pour moi financièrement je faisais partie de la fameuse « zone noire » des classes moyennes, dans laquelle vous êtes un peu trop riche pour avoir droit à une bourse et beaucoup trop pauvre pour pouvoir financer un diplôme hors de prix dans une grande école (approximativement 15000 euros par an pour financer les frais de scolarité, le logement et les frais de vie, et ce durant 5 ans soit 75000 euros au total).
Et les études d'ingénieur, en plus d'être cher, c'était aussi loin de chez moi.
Ailes brisées sèchement d'entrée de jeu, je suis resté sur le carreau devant les portes des grandes écoles. J'ai alors vu ces fameuses portes s'ouvrir en grand pour de bien moins bons élèves que moi, et ce sur des critères purement financiers qui nous triaient tous par origine sociale. « Tu peux payer, tu rentres ». « Tu ne peux pas payer, tu restes dehors ». Qui que tu sois, c'est comme ça...
Mais j'avais la gnaque, persuadé que le travail peut tout...
Ce que les autres achetaient, moi j'avais décidé de le gagner ! Alors pendant plus de dix ans j'ai successivement suivi des cours en alternance, fait des petits boulots mal payés, mis de l'argent de côté pour me payer des diplômes supérieurs ou des formations hors de prix. La gnaque ! J'ai travaillé dans plusieurs bureaux d'études, dans des régions différentes, dans plusieurs domaines différents. La gnaque ! J'ai grimpé le échelons, j'ai fait des heures sup, j'ai prouvé ma valeur en obtenant des promotions et en devenant cadre intermédiaire. La gnaque ! La gnaque ! Licencié économique pendant la crise de 2008, j'ai rebondi pour passer un Master de Mécanique et finalement j'y suis arrivé : aujourd'hui je peux prétendre au titre chèrement gagné d' « Ingénieur en Mécanique ». J'ai mis plus de dix ans à obtenir ce qu'un fils à papa achète en cinq ans avec l'argent de ses parents.
J'ai réussi, enfin !
Et armé de mon précieux diplôme et de toute l'expérience acquise pendant ces années de galère, j'ai passé des entretiens d'embauche au cours desquels on m'a proposé un contrat d'un an... à 1500 euros net par mois !...
La ridicule récompense du travail
1500 euros net... Une misère... ou alors 1800 mais il faut accepter une mobilité nationale pour laquelle je peux très bien me retrouver à travailler une semaine à Lille, puis une semaine à Lyon, puis une semaine à Marseille en encaissant tous les frais de déplacement et d'hébergement à ma charge. Autant dire une arnaque !
On appelle ça « être consultant ».
Et le type que j'avais en face de moi, la mine abusivement tristounette, me racontait que ce n'était pas sa faute et que c'était la crise qui voulait ça, que c'était une opportunité à saisir, qu'il faisait un vrai effort et qu'à la fin du contrat, si mes résultats étaient satisfaisants, il relèverait bientôt mon salaire à un niveau mirobolant qui me laisserait probablement pantois.
J'ai fait mine d'accepter l'espace de quelques secondes, et alors la durée du contrat est passée instantanément de 12 à 24 mois. J'avais ma preuve : le type était un bel escroc, j'ai donc refusé de signer.
Il mentait à coup sûr : à son poignet il l'avait, lui, la fameuse Rolex qui prouve qu'on a réussi sa vie ! Et en sortant de son immeuble j'ai bien remarqué l'énorme berline flambant neuve garée sur le parking orné du panneau « direction ».
C'était le bouquet final, cet entretien ! Le moment où j'ai eu envie de tout arrêter, de changer de métier et de quitter l'activité pour laquelle j'avais tant travaillé. Car je ne voudrais pas que vous croyiez que je ne l'ai pas vu venir : cet entretien est l'atterrissage de la longue dégringolade de l'industrie française, dont j'ai été l'humble témoin durant ces dix dernières années, et que je vais essayer de vous raconter.