moyens de plaire...

ruby_ghawi

Doctor ès Bitchology
NE PAS LAISSER SES CHARMES SOUS LE BOISSEAU[3,381-432]

Tels sont les jeux que la nature permet à votre faiblesse : elle ouvre à l'homme une plus vaste carrière; à lui la paume, le javelot, le disque, les armes, et le manège qui force un cheval à tourner sur lui-même. Ce n'est pas à vous de supporter les travaux du Champ-de-Mars, ni de vous exercer à la natation dans l'onde glacée de la fontaine Virginale, ou dans les flots paisibles du Tibre. Mais il vous est permis, il vous est utile de vous promener à l'ombre du Portique de Pompée, lorsque les coursiers brillants du Soleil entrent dans le signe de la Vierge. Visitez le temple consacré à Phébus, à ce dieu ceint de lauriers, [3,390] qui, au combat d'Actium, submergea la flotte égyptienne; ou bien ces monuments qu'ont élevés la soeur et l'épouse d'Auguste, et son gendre, décoré de la couronne navale. Visitez les autels où brille l'encens offert à la génisse de Memphis; visitez nos trois théâtres, lieux si favorables pour se faire voir; fréquentez cette arène tiède encore d'un sang nouveau, et cette borne autour de laquelle circulent les chars aux roues brûlantes.
Ce qui se cache reste ignoré, et l'on ne désire point ce qu'on ignore. Que sert un beau visage, si personne n'est là pour le voir ? Quand vos chants surpasseraient en douceur ceux de Thamyras et d'Amébée, [3,400] qui vantera le mérite de votre lyre inconnue ? Si le peintre de Cos, Apelles, n'eût point exposé aux regards l'image de Vénus, la déesse serait encore ensevelie sous les flots de la mer. Où tendent les voeux du poète ? À la renommée; c'est le prix que nous attendons de nos travaux. Autrefois les poètes étaient les favoris des héros et des rois; et les choeurs, chez les anciens, obtinrent de grandes récompenses. Le nom de poète avait quelque chose d'imposant et de vénérable; et à ce respect se joignaient souvent d'abondantes largesses. Ennius, né dans les montagnes de la Calabre, fut jugé digne [3,410] d'être inhumé près de toi, grand Scipion ! Mais maintenant, le lierre poétique gît sans honneur, et les veilles laborieuses des Muses sont flétries du nom d'oisiveté. Nous aimons toutefois à veiller pour la gloire. Qui jamais eût connu Homère, si l'Iliade, cet immortel chef-d'oeuvre, n'eût pas vu le jour ? Qui jamais eût connu Danaé, si, toujours renfermée, elle eût vieilli cachée dans sa tour ?

Jeunes beautés, vous ferez bien de vous mêler à la foule : portez souvent hors de chez vous vos pas incertains. La louve épie plusieurs brebis pour en prendre une seule; [3,420] et l'aigle poursuit plus d'un oiseau dans les airs. Ainsi une belle doit s'offrir en spectacle au public : dans le nombre, il y a peut-être un amant que ses charmes captiveront. Que partout elle se montre avide de plaire, et qu'elle soit attentive à tout ce qui peut ajouter à ses attraits. Partout le hasard offre ses chances : que l'hameçon soit toujours tendu : le poisson viendra y mordre, quand vous y penserez le moins. Souvent les chiens parcourent en vain les bois et les montagnes, et le cerf vient de lui-même se jeter dans les toiles.

Qui jamais, moins qu'Andromède, enchaînée sur son rocher, put espérer [3,430] que ses larmes intéresseraient quelqu'un à son sort ? C'est souvent aux funérailles d'un mari qu'on en trouve un autre : rien ne sied mieux à une femme que de marcher les cheveux épars, et de donner un libre cours à ses pleurs.


LES LETTRES D'AMOUR [3,467-498]

Mais où vais-je m'égarer ? Muse, serre les rênes de tes coursiers, de peur qu'ils ne t'emportent au delà du but. Lorsque votre amant aura sondé le gué par quelques mots tracés sur ses tablettes, [3,470] et qu'une adroite suivante aura reçu les billets qu'il vous envoie, méditez-les attentivement, pesez-en les expressions, et tâchez de deviner si son amour n'est qu'une feinte ou si ses prières partent d'un coeur vraiment épris. Ne vous hâtez pas trop de lui répondre : l'attente, si elle n'est pas trop prolongée, aiguillonne l'amour. Ne vous montrez pas trop facile aux instances d'un jeune amant, mais pourtant ne rejetez pas durement ses prières. Faites qu'il espère et craigne en même temps, et qu'à chaque refus ses espérances s'accroissent et ses craintes diminuent. [3,480] Vos réponses doivent être d'un style pur, mais simple et familier : les termes usités sont ceux qui plaisent le plus. Que de fois une lettre alluma dans un coeur un amour jusque-là hésitant et douteux ! Que de fois un langage barbare a détruit les prestiges de la beauté !
Mais vous qui, sans prétendre aux honneurs de la chasteté, voulez cependant tromper vos époux, sans qu'ils s'en doutent, ne faites porter vos tablettes que par une suivante ou un esclave d'une adresse éprouvée; et ne confiez pas ces preuves de votre tendresse à un amant novice. J'ai vu, pour une semblable imprudence, des jeunes femmes pâlir de terreur, et passer une vie malheureuse dans un esclavage continuel. Il est bien perfide sans doute, celui qui conserve de pareils gages; [3,490] mais il tient en main des armes aussi terribles que les foudres de l'Etna. Il est juste, selon moi, d'opposer la fraude à. la fraude, comme la loi permet de repousser les armes par les armes. Que la même main s'accoutume à varier son écriture de plusieurs manières. Ah ! périssent les traîtres qui m'obligent à vous donner de semblables conseils ! Il n'est pas prudent non plus de répondre sur les mêmes tablettes, avant d'en avant d'en avoir bien effacé l'écriture, de peur que la cire n'offre la trace de deux mains différentes. Que les lettres écrites par vous à votre amant semblent s'adresser à une femme, et dans vos billets doux dites toujours elle, en parlant de lui.



L'EXPRESSION DU VISAGE [3,499-524]

Mais passons de ces petits détails à de plus graves sujets, [3,500] et voguons enfin à pleines voiles. Pour conserver la pureté de vos traits, il vous importe de contenir la violence de votre caractère. La douce paix est l'apanage de l'homme, comme la farouche colère est le partage des bêtes féroces.
La colère gonfle le visage, grossit les veines d'un sang noir, et allume dans l'oeil tous les feux de la Gorgone : "Loin d'ici, flûte maudite, tu ne mérites pas que je te sacrifie ma beauté", dit Pallas en voyant dans l'onde ses traits défigurés. Et vous aussi, femmes; si vous vous regardiez dans un miroir au milieu d'un accès de colère, pas une de vous ne pourrait alors reconnaître son visage. L'orgueil n'est pas moins nuisible à vos attraits : [3,510] il faut de doux regards pour captiver l'amour.

Croyez-en mon expérience, une hauteur dédaigneuse inspire l'aversion; et souvent, sans parler, le visage porte avec lui des germes de haine. Regardez qui vous regarde; souriez doucement à qui vous sourit; répondez aux signes qu'on vous fait par des signes d'intelligence. C'est ainsi que l'Amour, après avoir préludé avec des flèches émoussées, tire de son carquois des traits aigus. Nous haïssons aussi la tristesse : qu'Ajax aime sa Tecmesse; pour nous, troupe joyeuse, c'est la gaîté qui nous séduit dans une femme. Ni vous, Andromaque, ni vous, Tecmesse, [3,520] jamais je n'eusse désiré d'être votre amant; et, sans votre fécondité, je ne pourrais croire que vos époux aient goûté dans vos bras les plaisirs de l'amour. Comment une femme aussi triste que Tecmesse eût-elle dit à Ajax : Lumière de ma vie ! et ces douces paroles qui nous charment ?
 

ruby_ghawi

Doctor ès Bitchology
DEMANDE A CHACUN CE QU'IL PEUT DONNER [3,525-554]


Qu'il me soit permis d'appliquer à mon art frivole des exemples tirés d'un art plus sérieux, et d'oser le comparer aux manoeuvres d'un général d'armée. Un chef habile confie à un officier la conduite de cent fantassins, à un autre un escadron de cavalerie, à un autre la garde des drapeaux. Et vous aussi, examinez à quoi chacun de nous peut vous être utile, [3,530] et donnez à chacun l'emploi qui lui convient. Que le riche vous fasse des présents; que le jurisconsulte vous aide de ses conseils; que l'avocat éloquent plaide souvent la cause de sa belle cliente.
Pour nous qui faisons des vers, nous ne pouvons vous offrir que nos vers; mais, plus que tous les autres, nous savons aimer, et nous faisons retentir au loin la gloire de la beauté qui sut nous plaire. Némésis et Cynthie ont un nom fameux; Lycoris est connue du couchant à l'aurore; et déjà de tous côtés on demande quelle est ma Corinne. Ajoutez que toute perfidie répugne à celui qu'inspire le dieu des vers, [3,540] et que notre art contribue aussi à polir les mœurs. Ni l'ambition, ni l'amour des richesses ne nous tourmentent; dédaignant le forum, nous ne recherchons que l'ombre et le repos. Prompts à nous attacher, l'amour nous brûle de son feu le plus vif, et nous aimons, hélas ! avec trop de confiance et de bonne foi. L'art paisible que nous cultivons adoucit notre caractère, et nos habitudes sont conformes à nos travaux. Jeunes beautés, montrez-vous faciles aux voeux des poètes : un souffle divin les anime, et les muses les favorisent. Oui, un dieu vit en nous, et nous commerçons avec le ciel; [3,550] c'est des demeures éthérées que nous vient notre inspiration. Quelle honte d'attendre un salaire des doctes poètes ! mais, hélas ! c'est une honte qu'aucune belle ne redoute. Femmes, du moins sachez dissimuler, et ne montrez pas d'abord votre cupidité. Craignez qu'un nouvel amant ne vous échappe à la vue du piège qu'on lui tend.




bonne lecture les filles! :D
 
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