Loyers impayés: "Les avis d'expulsion glissés sous votre porte, c'est terrible"
par l'express
La Fondation Abbé Pierre dévoile ce mardi son 22e Rapport sur l'état du mal-logement en France (photo d'illustration).
En France, 4 millions de personnes souffrent de mal-logement. Plus d'un million de locataires sont concernés par des impayés de loyers, comme Vincent, 62 ans, qui a été l'un des premiers bénéficiaires du Dalo.
Je suis né dans une famille bourgeoise où l'on vouvoyait nos parents. On avait une maison en Espagne, on partait en vacances aux sports d'hiver. Je vivais dans mon petit monde où rien ne pouvait m'arriver.
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Pourtant, en 1994, ma vie a basculé. Je me suis séparée de ma femme. Six mois plus tard, j'ai trouvé un nouvel appartement, un 30 mètres carrés dans le 17 eme rrondissement de Paris pour y recevoir mes deux jeunes enfants. Je savais que le loyer était au-dessus de mes moyens, mais je voulais continuer à les voir grandir. Puis, tout s'est enchaîné avec la perte de mon emploi, après 22 ans dans la même entreprise comme ouvrier du livre.
"Les petits papiers blancs glissés sous votre porte"
Je suis passé du mauvais côté de la barrière. Pendant près de dix ans, j'ai vivoté, je vivais replié sur moi-même. Pour ne rien arranger, en 2003, je me suis fait renverser par une voiture dans la rue. Ce qui m'a valu une double fracture ouverte de la jambe, six mois d'hospitalisation et de rééducation.
En 2005, la vraie galère de logement a commencé. Je ne pouvais plus payer la totalité de mon loyer. J'ai commencé à recevoir des avis d'expulsion, ces petits papiers blancs glissés sous votre porte, c'est terrible. Un cauchemar. Alors au début, malgré les allers et retours au tribunal pour obtenir des sursis à mon expulsion, j'étais dans le déni.
Mais ma situation devenait de plus en plus compliquée. On m'a proposé une chambre dans un hôtel social, avec de multiples guillemets le terme "hôtel". 9 mètres carrés, sans toilettes, avec la douche à un euro sur le pallier, interdiction des visites, de cuisiner, et d'une saleté incroyable. Le tout pour 680 euros.
Ce sont finalement des rencontres qui m'ont permis de m'en sortir. Un consultant juridique de la Fondation abbé Pierre m'a dit que mon histoire l'intéressait, il a accepté de m'aider. L'association Les petits frères des Pauvres m'a également suivi pendant trois ans. Je pense qu'il est quasi impossible de traverser ces difficultés tout seul, car le chemin est long: tenir à jour ses dossiers, continuer à verser le maximum de loyer possible, ne pas s'inquiéter quand on est convoqué par la commissaire de quartier...
"C'était ça ou la rue"
J'ai finalement été l'un des premiers bénéficiaires du droit au logement opposable (DALO). En avril 2008, j'ai reçu une lettre de la préfecture me proposant un appartement HLM dans le 20 eme arrondissement de Paris. Une studette porte de Bagnolet. Au début, je me suis demandé ce que je faisais là. Il y avait juste une pièce et une salle de bain. Et puis, un petit rayon de soleil qui traversait l'appartement. De toute manière, c'était ça ou la rue.
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Quand j'ai rendu les clés de mon appartement dans le 17 eme, l'huissier qui me suivait depuis trois ans m'a demandé de passer à son bureau pour rencontrer ses collaborateurs. C'était tellement rare qu'une histoire comme la mienne se termine bien, m'a-t-il dit. En sortant, je me suis assis sur un banc. On était le 29 juillet. J'avais failli y passer plusieurs fois, je revenais de loin. J'étais enfin décidé à m'en sortir.
Pendant ces années de galère, j'ai rencontré des gens encore plus cassés que moi, qui avaient lâché prise et se retrouvaient dans la rue. Je n'aurais jamais pensé qu'il existe autant de solidarité. Mais je sais aussi que des milliers de bénéficiaires du DALO n'ont toujours pas de proposition de logement et que d'autres vivent dans des conditions inacceptables ou dans la rue.
mam