UNE "CABALE FAMILIALE"
C’est une minuscule trace à ADN qui vaut à ce garçon calme et froid d’être dans ce box, aux cotés des dix autres personnes soupçonnées d’avoir fourni la logistique des attentats de Charlie et de l’Hyper Cacher. Sur un pistolet Tokarev retrouvé au domicile d’Amédy Coulibaly, les experts de la police ont mis à jour un Adn appartenant à une lilloise, Amel Bendridj, soeur de Chinaze Bendridj, l’épouse de Mohamed Fares. En garde à vue, Amel Bendridj a admis avoir manipulé cette arme « apportée à la maison » par son jeune frère Souliman Bedridj. Interpellé à son tour, ce dernier, mineur en 2014, confirme et raconte avoir ensuite remis l’arme à son oncle Mohamed Fares, qui l’aurait ensuite « vendu à des Parisiens ». Pour l’accusation, autant d’aveux qui accablent Mohamed Fares.
Mais selon ce dernier, tout cela relève au contraire de la « cabale familiale » dont il serait le « bouc émissaire ». Citées comme témoin ce mercredi matin les deux soeurs Bendridj ont refusé de comparaitre et la Cour d’assises a délivré à leur encontre deux mandats d’amener ce qui peut leur valoir une audition de force ce jeudi 15 octobre. Quant à Souliman Bendridj, il a tout simplement disparu sans laisser d’adresse… En cavale aux yeux de la justice. Par peur ? Sous le coup de menaces ? Interrogé, Fares hausse les épaules.
"LÀ OÙ IL Y A DE LA DROGUE, IL Y A DES ARMES"
Au micro, il tente sans grand succès de mettre à mal le récit accablant de son neveu et de sa belle-soeur. En 2018 pourtant, lors de sa garde à vue, Mohamed Fares avait d’abord admis avoir vendu « une Kalachnikov qui a atterri chez Coulibaly ». A l’époque, il avait aussi admis que « là où il y a de la drogue, il y a des armes ». « Je ne pense pas que j’ai dit quelque chose de nouveau, nuance-t-il. Dans le nord, il y a de gros points de deal. Pour la guerre des territoires, il y a des armes, c’est une réalité », dit-il la barre. Mais le reste de ses aveux de 2018, Fares les nie et s’en explique tant bien que mal : « En garde à vue, j’ai inventé l’histoire de l’arme chez Coulibaly ». « Quand j’arrive en garde à vue, je sais qu’Amel a touché une arme qui a fini chez Coulibaly, mais je ne sais pas sur quelle arme a été retrouvée son ADN… Si j’avais su, j’aurais parlé directement du Tokarev et pas de la Kalachnikov cela m’aurait fait une arme en moins ! »
Selon son récit du jour, en garde à vue, Fares se serait donc « auto-incriminé » dans le but de « protéger son neveu Souliman ». « Souliman, je le portais dans mon coeur, j’ai fait plus pour lui que pour mon propre frère », assure le dealer. Devant la police, il aurait décidé de se mettre en cause « pour dédouaner Souliman ». Une explication bien bancale… « Mais pourquoi votre neveu, lui, vous aurait-il mis en cause à tort ? » s’interroge le président, les yeux incrédules. Fares l’ignore mais a calculé, lors de sa garde à vue, qu’en se mettant la Kalachnikov sur le dos, il risquerait une simple « citation en correctionnelle à Lille et pas de se retrouver devant cette cour d’assises dans ce procès ».