1000 signataires du monde académique
Au lendemain de l’appel à l’humanité lancé par les recteurs des universités belges, le secrétaire d’État à l’Asile et aux Migrations les a rappelés à l’ordre.
Nous – en tant que membres de la communauté universitaire – ne pouvons plus continuer à assister à ce spectacle en silence.
Par l’entremise de cette lettre, nous souhaitons apporter une réponse aux deux discours qui ont donné lieu aux événements de la semaine dernière: la déshumanisation de "l’Autre" et la restriction de la liberté d’expression.
De concert, ils forment un cocktail dangereux – qui peut répandre un poison insidieux dans la société, saper la démocratie et nourrir les penchants les plus inhumains de nos concitoyens.
Déshumanisation de "l’Autre"
Lorsque la semaine dernière, les recteurs ont appelé à davantage d’humanité, ils n’ont pas seulement laissé parler leur cœur, mais également leur raison : la déshumanisation peut entraîner des conséquences dangereuses pour la société.
Quand on voit autrui souffrir, deux possibilités s’offrent à nous : nous inquiéter de son sort ou détourner notre regard.
La recherche en psychologie montre que la première réaction est plus aisée quand nous avons un sentiment de contrôle sur la situation et avons donc la conviction de pouvoir aider l’autre.
Mais quand on ressent de l’impuissance face à une souffrance, le plus facile est de détourner le regard ou de se retourner contre la victime. "Ne s’est-elle pas mise elle-même dans ce pétrin ?
À sa place, je n’en serais jamais arrivé là !". De tels sentiments d’incompréhension et de mépris constituent également le terreau de la déshumanisation (voir Le Soir 22-12-2015).
Il existe des centaines d’études dans le domaine des sciences sociales et psychologiques qui s’intéressent aux effets de la déshumanisation sur la façon dont nous traitons "l’Autre".
Et les résultats sont effrayants (Haslam & Loughnan, 2014 pour un aperçu).
Déshumaniser nous autorise à traiter l’Autre comme inférieur et à remettre en cause nos cadres moraux, de sorte que les droits de l’Homme ne s’appliquent plus guère.
Les exemples historiques et contemporains de ce processus sont légion.
Nous constatons que, de façon plus ou moins subtile, les réfugiés et les migrants nous sont présentés comme de moins en moins humains.
Emigrer finit presque par être considéré comme une infraction pénale à poursuivre, au vu de l’utilisation du terme "illégaux" pour désigner les migrants.
En outre, ils sont souvent présentés comme ayant moins de compétences, de volonté et de sentiments complexes que les "non-migrants" (pour le dernier exemple en date, voir les déclarations du président du Vlaams Belang Tom van Grieken le 6 juin dans l'émission de la VRT De Afspraak).
Certains les réduisent à un coût et les affublent même d’un prix.
Ces représentations, nombreuses dans les médias, le débat politique et le discours public, nous rapprochent de la déshumanisation et ce, surtout pour ceux qui ne saisissent jamais l'occasion de rencontrer la personne qui se cache derrière le réfugié.
Or, bien souvent, rencontrer l’Autre désamorce les préjugés antérieurs (Kende, Phalet, Van de Noortgate, Kara & Fischer, 2017).
S’il ne s’agit pas de nier que la migration constitue un défi pour notre société, la déshumanisation ne peut s’immiscer dans les stratégies visant à y faire face.
Une posture déshumanisante sert de toile de fond pour s’abstenir d’interroger les initiatives politiques contraires à la Convention européenne des Droits de l'homme, comme celles de Theo Francken dans le cadre de la réforme de la politique migratoire européenne.
En outre, cette dynamique crée un climat de polarisation au sein duquel action et réaction se succèdent à un rythme soutenu.
Pensons aux tweets explosifs qui doivent être ensuite rectifiés, à la culpabilisation de la victime et au refus d’accorder le droit aux parents de pleurer sur la tombe de leur enfant.
Les événements évoqués plus haut ne sont pas des "hasards" ou des "accidents" ponctuels, mais les symptômes d’un discours déshumanisant.
Voilà ce que les recteurs belges ont exprimé clairement dans leur courrier adressé au Premier ministre Charles Michel.
Sous cet éclairage, l’appel des recteurs à une plus grande humanité n’est pas seulement leur droit le plus strict : c’est surtout leur devoir.
Chaque mouvement engageant la société dans la voie de la déshumanisation doit être arrêté à tout prix.
Au lendemain de l’appel à l’humanité lancé par les recteurs des universités belges, le secrétaire d’État à l’Asile et aux Migrations les a rappelés à l’ordre.
Nous – en tant que membres de la communauté universitaire – ne pouvons plus continuer à assister à ce spectacle en silence.
Par l’entremise de cette lettre, nous souhaitons apporter une réponse aux deux discours qui ont donné lieu aux événements de la semaine dernière: la déshumanisation de "l’Autre" et la restriction de la liberté d’expression.
De concert, ils forment un cocktail dangereux – qui peut répandre un poison insidieux dans la société, saper la démocratie et nourrir les penchants les plus inhumains de nos concitoyens.
Déshumanisation de "l’Autre"
Lorsque la semaine dernière, les recteurs ont appelé à davantage d’humanité, ils n’ont pas seulement laissé parler leur cœur, mais également leur raison : la déshumanisation peut entraîner des conséquences dangereuses pour la société.
Quand on voit autrui souffrir, deux possibilités s’offrent à nous : nous inquiéter de son sort ou détourner notre regard.
La recherche en psychologie montre que la première réaction est plus aisée quand nous avons un sentiment de contrôle sur la situation et avons donc la conviction de pouvoir aider l’autre.
Mais quand on ressent de l’impuissance face à une souffrance, le plus facile est de détourner le regard ou de se retourner contre la victime. "Ne s’est-elle pas mise elle-même dans ce pétrin ?
À sa place, je n’en serais jamais arrivé là !". De tels sentiments d’incompréhension et de mépris constituent également le terreau de la déshumanisation (voir Le Soir 22-12-2015).
Il existe des centaines d’études dans le domaine des sciences sociales et psychologiques qui s’intéressent aux effets de la déshumanisation sur la façon dont nous traitons "l’Autre".
Et les résultats sont effrayants (Haslam & Loughnan, 2014 pour un aperçu).
Déshumaniser nous autorise à traiter l’Autre comme inférieur et à remettre en cause nos cadres moraux, de sorte que les droits de l’Homme ne s’appliquent plus guère.
Les exemples historiques et contemporains de ce processus sont légion.
Nous constatons que, de façon plus ou moins subtile, les réfugiés et les migrants nous sont présentés comme de moins en moins humains.
Emigrer finit presque par être considéré comme une infraction pénale à poursuivre, au vu de l’utilisation du terme "illégaux" pour désigner les migrants.
En outre, ils sont souvent présentés comme ayant moins de compétences, de volonté et de sentiments complexes que les "non-migrants" (pour le dernier exemple en date, voir les déclarations du président du Vlaams Belang Tom van Grieken le 6 juin dans l'émission de la VRT De Afspraak).
Certains les réduisent à un coût et les affublent même d’un prix.
Ces représentations, nombreuses dans les médias, le débat politique et le discours public, nous rapprochent de la déshumanisation et ce, surtout pour ceux qui ne saisissent jamais l'occasion de rencontrer la personne qui se cache derrière le réfugié.
Or, bien souvent, rencontrer l’Autre désamorce les préjugés antérieurs (Kende, Phalet, Van de Noortgate, Kara & Fischer, 2017).
S’il ne s’agit pas de nier que la migration constitue un défi pour notre société, la déshumanisation ne peut s’immiscer dans les stratégies visant à y faire face.
Une posture déshumanisante sert de toile de fond pour s’abstenir d’interroger les initiatives politiques contraires à la Convention européenne des Droits de l'homme, comme celles de Theo Francken dans le cadre de la réforme de la politique migratoire européenne.
En outre, cette dynamique crée un climat de polarisation au sein duquel action et réaction se succèdent à un rythme soutenu.
Pensons aux tweets explosifs qui doivent être ensuite rectifiés, à la culpabilisation de la victime et au refus d’accorder le droit aux parents de pleurer sur la tombe de leur enfant.
Les événements évoqués plus haut ne sont pas des "hasards" ou des "accidents" ponctuels, mais les symptômes d’un discours déshumanisant.
Voilà ce que les recteurs belges ont exprimé clairement dans leur courrier adressé au Premier ministre Charles Michel.
Sous cet éclairage, l’appel des recteurs à une plus grande humanité n’est pas seulement leur droit le plus strict : c’est surtout leur devoir.
Chaque mouvement engageant la société dans la voie de la déshumanisation doit être arrêté à tout prix.