Derrière un iMessage, les services marocains
Ce mercredi 16 juillet, à 8h40 très précisément, il reçoit un iMessage associé au compte Gmail "bergers.o79". Derrière cette adresse, il y a le Maroc,
client de la société NSO. Le iMessage est censé permettre aux services marocains d’introduire le
logiciel espion Pegasus dans son smartphone. La veille déjà, le 15 juillet, le Maroc a essayé par deux fois de lancer son programme de surveillance à distance par un autre biais. Sans succès.
Comment pouvons-nous affirmer que l’ancien ministre a bien été attaqué ? L’association Forbidden Stories, un consortium de journalistes dont la cellule investigation de Radio France fait partie, a eu accès à une liste d’environ 50 000 numéros qui auraient pu être utilisés par des clients du fabricant de Pegasus. Après réflexion, François de Rugy a accepté de confier son iPhone à nos confrères du
Monde pour qu’il soit analysé par le Security Lab d’Amnesty International. Les informaticiens ont alors découvert que l’iPhone avait bien été visé, à trois reprises, par Pegasus. Surpris par le fait que cette attaque puisse venir d’un pays ami, François de Rugy vient de demander audience à l’ambassadeur du Maroc en France. Il a également saisi le procureur de la République.
Même la femme d’Edouard Philippe
En fait, nous avons découvert que les numéros de presque tous les ministres qui composaient le gouvernement français en 2019 – tout comme celui du président Macron – figuraient dans la fuite de données à laquelle nous avons eu accès. Quand est-il des autres membres du gouvernement de l’époque ? Ont-ils été visés et espionnés ? Si nous n’avons pas eu la possibilité technique de le vérifier, la liste des numéros sélectionnés comme cibles par le Maroc est impressionnante.
On y trouve le Premier ministre de l’époque Edouard Philippe, ainsi que son épouse, l’une de ses assistantes et son conseiller Gilles Boyer ; le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner ; la garde des Sceaux Nicole Belloubet ; le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian ; le ministre de l’Economie Bruno Le Maire. Mais aussi ceux de l’Education (Jean-Michel Blanquer), de l’Agriculture (Didier Guillaume), du Budget (Gérald Darmanin), de la Cohésion territoriale (Jacqueline Gourault), des Relations avec le Parlement (Marc Fesneau), des Outre-Mer (Annick Girardin), de la Culture (Franck Riester), du Logement (Julien Denormandie), des Collectivités territoriales (Sébastien Lecornu).
Quel était l’intérêt de cibler ces ministres ? Cette frénésie de sélections pour un éventuel ciblage par Pegasus peut paraître difficile à comprendre, tant la fonction de certains ministres (logement, outre-mer, etc.) paraît sans réel objet pour un service secret étranger. Et pourtant, la curiosité de Rabat à l’égard de la classe politique française semble être sans limites, puisque le client de NSO a entré les numéros d’un grand nombre de personnalités allant de l’extrême-gauche à l’extrême droite.