Ces dernières semaines ont été rapportées de nombreuses agressions racistes et physiques sur des livreurs qui ont manifesté ce vendredi place de la République à Paris
« Les gens n’ont aucun respect pour nous. Vous savez, quand ils nous traitent d’esclave, ce n’est même pas une insulte pour eux, ils le pensent vraiment. C’est ça qu’on est à leurs yeux. Et quand on perd le respect, on s’expose fatalement à la violence », dépeint Aziz*, livreur Deliveroo. Son quotidien est jonché de courses et de livraisons, mais également de clients mécontents, d’insultes et de risque d’agression.Face à ce problème, de plus en plus médiatisé, le Collectif des livreurs autonomes des plates-formes (CLAP) a appelé à un rassemblement ce vendredi place de la République, à Paris sous le slogan « Respect pour les livreurs. Stop insultes-agressions-racisme – mépris-dévalorisation », alors que les agressions racistes et physiques se multiplient ces dernières semaines. Un livreur à Laval (Mayenne) a reçu comme message d’une cliente « Dépêche toi, esclave. Je vais te donner un centime, tu mérites que ça » le 14 mai. Un autre livreur, cette fois à Cergy (Val-d’Oise), s’est fait frapper le 30 mai tout en étant traité d’ « esclave » et de « sale Noir ». Le lendemain, un livreur s’est lui aussi fait tabasser à Paris alors qu’il sortait d’une pizzeria, se faisant voler sa livraison.
« On nous voit faibles »
Un climat délétère, alors que les livraisons sont en baisse depuis la réouverture des restaurants. « C’est encore pire depuis le déconfinement. Avant, les gens nous voyaient comme indispensables, maintenant, on n’est plus qu’un bonus. Les insultes sont très fréquentes », soupire, amer, Jérémy*, livreur Uber Eats. Ces violences ne surprennent même plus Aziz : « On nous voit comme de la ***** serviable. A la moindre contrariété, c’est nous qui prenons. »Pour Ludovic Rioux, du collectif CGT des livreurs : « C’est un métier avec beaucoup de contacts. A chaque course, il y a une rencontre. On est donc fatalement plus exposé. » Mais plus que le nombre de contacts élevés, c’est le statut des livreurs qui entraîne cette violence selon Aziz : « Les gens savent qu’on est précaires, indépendants, qu’on n’a pas de protections. Ils nous voient faibles. »
Accusation partout, protection nulle part
Grégoire Leclercq, cofondateur de l’Observatoire de l’Ubérisation, approfondit : « Le statut d’indépendant des livreurs est de notoriété publique. Il y a l’idée que le livreur est exposé car aucune structure auquel il est affilié n’ira le défendre ou vous attaquer en justice. Cela crée un sentiment d’impunité pour les agresseurs. Ils pensent qu’ils ne risquent rien. »Autre effet pervers de ce statut indépendant, le livreur est jugé responsable de tout, puisque affilié à rien. Grégoire Leclercq : « Si le repas est froid, mal présenté, mauvais, le livreur a beaucoup plus de risques de subir les critiques et la colère du client que le restaurateur ou Deliveroo ou Uber. »
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