Depuis le début du conflit, le président russe est l'acteur qui tire toutes les ficelles dans le dossier syrien, assure Michèle Cotta.
Quelles que soient les étapes du processus, qui ne débouchera sans doute pas dans les heures qui viennent, et qui, de toute façon, s'annonce plus que délicat, un homme, depuis lundi dernier, occupe le centre du jeu dans le dossier syrien : il s'agit du président russe Vladimir Poutine. Depuis le début des évènements, il y a deux ans, il apparaît comme l'homme qui dit non à toutes les propositions de l'ONU pour rétablir la paix en Syrie. Ceux qui, en France et ailleurs, dénoncent, voilà des mois, la tyrannie de Bachar el-Assad et la guerre qu'il mène contre une partie de son peuple ; ceux qui, depuis le début du conflit, plaident en faveur d'une intervention musclée, éventuellement militaire, pour mettre fin aux agissements du chef de l'État syrien, voient en lui leur adversaire principal, celui qui, avec son collègue chinois, a constamment interdit à l'ONU de faire acte d'autorité, celui qui a privé le Conseil de sécurité de l'organisation internationale de toute efficacité face à un conflit plus mortifère de jour en jour.
C'est en quelque sorte pour contourner le veto de Vladimir Poutine qu'Américains et Français avaient annoncé ensemble fin août, en dehors de l'ONU et sans attendre la conclusion de ses experts, une intervention punitive contre Assad, jugé responsable du massacre chimique du 21 août dernier dans la banlieue de Damas. D'où le sinistre G20 de Saint-Pétersbourg, où tour à tour fermé et souriant, raide et décontracté, après une poignée de main contrainte avec Barack Obama, le président russe a profité du dîner inaugural entre les vingt principaux dirigeants du monde, dans le superbe palais de Peterhof, - le Versailles de Pierre Le Grand -, pour mettre en évidence les divergences profondes entre ses convives. Et surtout pour plaider en faveur d'une issue politique au conflit syrien, au moment où Barack Obama, approuvé par le Président français, s'était prononcé pour une intervention militaire, certes limitée, en Syrie, jugée néanmoins dangereusement déstabilisatrice par le maître du Kremlin.
Poutine remporte la première manche
Ce soir-là, Vladimir Poutine avait remporté une première manche : il avait démontré que les pays émergents, ainsi que certains pays européens, étaient derrière lui. Que la fameuse "communauté internationale" était loin d'être unie sur la question syrienne. Conscient que l'opinion publique internationale, en Amérique, en Angleterre et en France notamment, était dans sa majorité hostile à un engagement militaire, décidé à en tirer parti, Poutine avait plaidé la prudence, le respect de l'ONU : phrases d'autant mieux entendues par Barack Obama que le président américain lui-même, en s'en remettant au Congrès, avait semblé, précisément à cause de son opinion publique, reculer.
Et puis voilà que Vladimir Poutine saute sur une suggestion du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, reprise par John Kerry, le secrétaire d'État américain, voilà qu'il la fait sienne et qu'il propose, lundi, de placer l'arsenal chimique de Damas sous contrôle international. C'est autour de la proposition russe que s'est donc engagée, ces jeudi et vendredi, une négociation serrée entre John Kerry, son homologue russe Sergueï Lavrov et les experts des deux parties, négociation dont dépendent désormais l'issue politique ou l'intervention militaire en Syrie.
Poutine marque des points sur l'échiquier international
Le Kremlin au centre du jeu, la diplomatie russe au premier plan, l'initiative principale revenant à Vladimir Poutine : comment ne pas voir que le président russe vient de marquer des points sur l'échiquier international ? La logique de guerre a, d'un coup, tellement reculé qu'elle paraît désormais improbable, alors qu'il y a quelques jours à peine, l'intervention armée était le plus communément envisagée, aux États-Unis et en France surtout. D'autant que Poutine met les bouchées doubles : jusque dans les colonnes du, auquel il n'a pas craint d'adresser, le 11 Septembre - le jour anniversaire de l'attentat d'al-Qaida à Manhattan en 2001 -, une tribune libre pour préciser sa position aux Américains eux-mêmes. Il en a profité pour formuler son analyse de l'affrontement entre le régime syrien et les rebelles : il y a, a-t-il écrit, "peu de champions de la démocratie engagés dans la guerre civile syrienne" et "plus qu'il ne faut de combattants d'al-Qaida et autres extrémistes de tout poil en lutte contre le gouvernement syrien".
C'est toucher juste, au moment où les citoyens du monde entier se demandent si l'opposition syrienne n'est pas désormais majoritairement composée d'islamistes, si ceux-ci ne sont pas capables des mêmes atrocités que les troupes légalistes, et si cela a un sens, vraiment, de vouer les uns aux gémonies pour armer et défendre les autres. Certes, le conflit syrien ne sera pas réglé pour autant. Il faudra s'assurer de la bonne foi de Bachar el-Assad quand il dit accepter la mise sous contrôle international des armes chimiques, ou lorsqu'il demande à l'ONU l'adhésion de la Syrie à la convention internationale de 1993 sur les armes chimiques. Il faudra aussi étudier les moyens de détruire les stocks colossaux d'armes de ce genre dans un pays en guerre. L'essentiel tient dans une phrase commune de John Kerry et de Sergueï Lavrov, jeudi soir : "Ensemble, nous allons tester la capacité du régime syrien à tenir ses promesses."
"Ensemble" : guerre ou paix, issue politique ou intervention armée, tout est dans ce mot.
http://www.lepoint.fr/invites-du-po...-au-centre-du-jeu-13-09-2013-1730737_1595.php
Quelles que soient les étapes du processus, qui ne débouchera sans doute pas dans les heures qui viennent, et qui, de toute façon, s'annonce plus que délicat, un homme, depuis lundi dernier, occupe le centre du jeu dans le dossier syrien : il s'agit du président russe Vladimir Poutine. Depuis le début des évènements, il y a deux ans, il apparaît comme l'homme qui dit non à toutes les propositions de l'ONU pour rétablir la paix en Syrie. Ceux qui, en France et ailleurs, dénoncent, voilà des mois, la tyrannie de Bachar el-Assad et la guerre qu'il mène contre une partie de son peuple ; ceux qui, depuis le début du conflit, plaident en faveur d'une intervention musclée, éventuellement militaire, pour mettre fin aux agissements du chef de l'État syrien, voient en lui leur adversaire principal, celui qui, avec son collègue chinois, a constamment interdit à l'ONU de faire acte d'autorité, celui qui a privé le Conseil de sécurité de l'organisation internationale de toute efficacité face à un conflit plus mortifère de jour en jour.
C'est en quelque sorte pour contourner le veto de Vladimir Poutine qu'Américains et Français avaient annoncé ensemble fin août, en dehors de l'ONU et sans attendre la conclusion de ses experts, une intervention punitive contre Assad, jugé responsable du massacre chimique du 21 août dernier dans la banlieue de Damas. D'où le sinistre G20 de Saint-Pétersbourg, où tour à tour fermé et souriant, raide et décontracté, après une poignée de main contrainte avec Barack Obama, le président russe a profité du dîner inaugural entre les vingt principaux dirigeants du monde, dans le superbe palais de Peterhof, - le Versailles de Pierre Le Grand -, pour mettre en évidence les divergences profondes entre ses convives. Et surtout pour plaider en faveur d'une issue politique au conflit syrien, au moment où Barack Obama, approuvé par le Président français, s'était prononcé pour une intervention militaire, certes limitée, en Syrie, jugée néanmoins dangereusement déstabilisatrice par le maître du Kremlin.
Poutine remporte la première manche
Ce soir-là, Vladimir Poutine avait remporté une première manche : il avait démontré que les pays émergents, ainsi que certains pays européens, étaient derrière lui. Que la fameuse "communauté internationale" était loin d'être unie sur la question syrienne. Conscient que l'opinion publique internationale, en Amérique, en Angleterre et en France notamment, était dans sa majorité hostile à un engagement militaire, décidé à en tirer parti, Poutine avait plaidé la prudence, le respect de l'ONU : phrases d'autant mieux entendues par Barack Obama que le président américain lui-même, en s'en remettant au Congrès, avait semblé, précisément à cause de son opinion publique, reculer.
Et puis voilà que Vladimir Poutine saute sur une suggestion du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, reprise par John Kerry, le secrétaire d'État américain, voilà qu'il la fait sienne et qu'il propose, lundi, de placer l'arsenal chimique de Damas sous contrôle international. C'est autour de la proposition russe que s'est donc engagée, ces jeudi et vendredi, une négociation serrée entre John Kerry, son homologue russe Sergueï Lavrov et les experts des deux parties, négociation dont dépendent désormais l'issue politique ou l'intervention militaire en Syrie.
Poutine marque des points sur l'échiquier international
Le Kremlin au centre du jeu, la diplomatie russe au premier plan, l'initiative principale revenant à Vladimir Poutine : comment ne pas voir que le président russe vient de marquer des points sur l'échiquier international ? La logique de guerre a, d'un coup, tellement reculé qu'elle paraît désormais improbable, alors qu'il y a quelques jours à peine, l'intervention armée était le plus communément envisagée, aux États-Unis et en France surtout. D'autant que Poutine met les bouchées doubles : jusque dans les colonnes du, auquel il n'a pas craint d'adresser, le 11 Septembre - le jour anniversaire de l'attentat d'al-Qaida à Manhattan en 2001 -, une tribune libre pour préciser sa position aux Américains eux-mêmes. Il en a profité pour formuler son analyse de l'affrontement entre le régime syrien et les rebelles : il y a, a-t-il écrit, "peu de champions de la démocratie engagés dans la guerre civile syrienne" et "plus qu'il ne faut de combattants d'al-Qaida et autres extrémistes de tout poil en lutte contre le gouvernement syrien".
C'est toucher juste, au moment où les citoyens du monde entier se demandent si l'opposition syrienne n'est pas désormais majoritairement composée d'islamistes, si ceux-ci ne sont pas capables des mêmes atrocités que les troupes légalistes, et si cela a un sens, vraiment, de vouer les uns aux gémonies pour armer et défendre les autres. Certes, le conflit syrien ne sera pas réglé pour autant. Il faudra s'assurer de la bonne foi de Bachar el-Assad quand il dit accepter la mise sous contrôle international des armes chimiques, ou lorsqu'il demande à l'ONU l'adhésion de la Syrie à la convention internationale de 1993 sur les armes chimiques. Il faudra aussi étudier les moyens de détruire les stocks colossaux d'armes de ce genre dans un pays en guerre. L'essentiel tient dans une phrase commune de John Kerry et de Sergueï Lavrov, jeudi soir : "Ensemble, nous allons tester la capacité du régime syrien à tenir ses promesses."
"Ensemble" : guerre ou paix, issue politique ou intervention armée, tout est dans ce mot.
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