"que les représentants des musulmans arrêtent de se défausser !"

nordia

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Il se fait appeler "Camille Desmoulins". Dans son livre L'Islam au feu rouge, paru en septembre aux éditions du Cerf, cet ancien haut fonctionnaire accuse d'inaction les représentants officiels de l'islam de France. Contacté par Le Point, Dalil Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris, n'a pas souhaité s'exprimer.

Le Point.fr : Pour vous, le problème actuel de l'islam est d'être inaudible, sauf "à être mis en scène par les plus hautes autorités de l 'État". Mais l'a-t-on laissé vraiment s'exprimer ?

Camille Desmoulin. Évidemment, et c'est justement là qu'est l'échec. Nous sommes tous en train de payer le fait qu'aucune voix ne dispose aujourd'hui de l'autorité nécessaire. Et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé. Le Conseil français du culte musulman mis en place par Nicolas Sarkozy en 2003 est le résultat de plus de dix-huit ans d'efforts pour permettre aux musulmans de vivre leur foi en France sereinement et à égalité avec les autres religions. Mais par paresse, par culpabilité du fait d'un passé colonial mal digéré, par peur de stigmatiser, ces efforts n'ont mené qu'à la constitution d'une bureaucratie quasi inamovible qui vit plus de l'islam que pour l'islam, et dont la seule légitimité est la reconnaissance des pouvoirs publics.

Un islam que symboliserait Dalil Boubakeur, le recteur de la Mosquée de Paris, que vous attaquez frontalement …

Boubakeur est à la tête de la société des Habous et des lieux saints de l'islam dans le cadre d'un accord qui mélange intérêts publics et privés : il est d'abord l'héritier de son père qui, en 1982, a accepté que l'Algérie prenne le contrôle de la Grande Mosquée de Paris par l'intermédiaire du Cheik Abbas Bencheikh. Ce dernier va mettre en place le financement par l'Algérie de la mosquée et organiser l'arrivée des imams algériens en France. Le fils va reprendre la succession du père tout en maintenant l'allégeance à l'Algérie qui a permis à sa famille de recouvrer des possessions auxquelles le FLN lui interdisait d'accéder, son père ayant été SFIO et Algérie française. Ce mélange d'intérêts fait que Boubakeur n'a jamais pu être le porte-parole d'un islam de France. Il manque d'autorité chez les fidèles. Le voient-ils prier avec eux ou visiter les lieux de prière dont il a la responsabilité ? Jamais. En revanche, il n'hésite pas à mélanger culte et politique en soutenant publiquement Christian Estrosi à Nice, ce qu'aucun autre responsable cultuel ne s'autoriserait de cette manière.

Vous traitez les représentants des mosquées de "blédards". C'est insultant.

Non, c'est un terme que je reprends du spécialiste de l'islam des banlieues Gilles Képel. Il caractérise l'islam de ces pères qui ont gardé la mentalité du "bled" et qui sont d'une formation religieuse limitée. Or ce sont eux qui continuent de diriger les mosquées. Boubakeur, médecin de formation, germaniste et violoniste amateur, est une exception, ce qui fait qu'il semble incontournable.

Concrètement, quelles sont les avancées depuis 2003 ?

Les aumôneries, les carrés musulmans dans les cimetières, l'extension du hallal. En grande partie grâce à l'État. Les sujets où l'État n'a pu faire à la place des représentants du culte musulman, comme celui, fondamental, des imams, n'avancent pas. Pour suppléer cette carence, nous passons des accords avec le Maroc, l'Algérie et la Turquie à la fois pour importer et former des imams, qui ensuite reviendront en France. C'est mieux que rien, mais comment ces imams importés, qui parlent mal ou pas du tout le français et peuvent être porteurs d'un discours conservateur, pourront-ils avoir une parole religieuse en phase avec notre culture ?

Les musulmans se plaignent de ne pas avoir assez de mosquées …

Ils pourraient en avoir beaucoup plus. Dominique de Villepin a lancé en 2005 la Fondation pour les œuvres de l'islam de France et leur en a confié la gestion. Ils ne l'utilisent pas. Les mosquées qui ont été construites, plus de mille lieux de culte nouveaux en quinze ans, l'ont été grâce à l'argent des fidèles ou des dons extérieurs parfois même d'États étrangers.

Qui peut prendre la relève de ces dirigeants ?

Un jeune qui est profondément croyant a une image très négative de ceux qui dirigent la majorité des mosquées. Et quand il veut participer, on lui laisse rarement une place. C'est la même chose au niveau du CFCM, qui est animé par les mêmes représentants de l'islam maghrébin depuis des années, avec une moyenne d'âge élevée. Les jeunes en sont exclus, comme les femmes, d'ailleurs. Celles qui ont siégé au CFCM n'ont pas tenu le choc. Vous n'avez pas idée de l'ambiance islamo-machiste qui y règne.

Comment expliquez-vous qu 'aussi peu d'intellectuels musulmans s'investissent dans la vie religieuse ?

Les Français de culture musulmane ne sont pas tous croyants et, quand ils sont religieux, l'image de cette bureaucratie des mosquées est tellement négative que s'y intégrer leur apparaît comme une régression. Résultat, la production intellectuelle de cette communauté est très limitée. Ceux qui veulent se former ne disposent en dehors de l'Internet que de l'émission Islam sur France 2, qui est gérée par des représentants de la Grande Mosquée. Aujourd'hui, les rares intellectuels croyants qui s'expriment, tels Tareq Oubrou ou Tarik Ramadan, sont dans la mouvance de l'Union des organisations islamiques de France, proche des Frères musulmans. L'un et l'autre n'ont pas les mêmes positions, mais ils se placent dans le même espace de dialogue.

Pensez-vous comme Pierre Manent dans Situation de la France (Desclée de Brouwer) qu'il faille instituer un contrat social avec l'islam de France ?

Cela reviendrait à un partage de l'espace public entre les deux premières religions de France, le catholicisme et l'islam, aux dépens de la laïcité qui, pour Manent, n'est plus une identité suffisamment forte pour organiser un compromis avec l'islam. Mais cela implique un islam de France inspiré des Lumières et suffisamment organisé. Dans l'état actuel, ce serait pactiser avec l'islam le plus conservateur, qui est le terreau du djihadisme. L'urgence est plutôt à l'élaboration d'un discours de foi qui fasse barrage aux plus extrémistes, et à la création d'une organisation qui fédère et encadre discours et pratiques.

Que préconisez-vous alors ?

Il faut que les représentants des musulmans se remettent enfin en cause, et se battent pour former des imams adaptés aux besoins des musulmans français. Qu'ils acceptent de disqualifier publiquement ceux qui ne rempliraient pas ce cahier des charges. Qu'ils arrêtent de se défausser en disant que Daesh ou le djihadisme n'ont rien à voir avec l'islam. Comme si les Brigades rouges italiennes n'avaient rien eu à voir avec le mouvement communiste ! Le djihadisme est une maladie infantile de l'islam, et une telle attitude est un pur abandon des fils et filles qui sont en train de se perdre.


http://w.lpnt.fr/1982202t
 

fracasse

Vous êtes né un original Ne devenez pas une copie
Révélateur des guerres intestines et de la désorganisation au sommet
Pas étonnant entre autres que ça crée quelques "désaxés"
 
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