La Cour de cassation, dans son arrêt du 14 février 2011, a semblé consacrer cette règle en jugeant : «
que doit être cassé pour défaut de motivation, l'arrêt qui déclare ne pas pouvoir reconnaître la validité d'un mariage conclu au Maroc avant la dissolution du lien matrimonial entre l'époux et sa première épouse, en s'abstenant de préciser la nationalité de la seconde épouse, qui demande à bénéficier d'une pension d'épouse séparée » 9.
Certaines juridictions du fond résistent cependant à cette jurisprudence de la Cour de cassation. La Cour du travail de Bruxelles a notamment jugé qu'en matière de pension de survie, le principe d'égalité de traitement s'oppose à ce que deux épouses marocaines dont la situation et la légitimité à percevoir une pension de survie sont différentes, soient traitées de la même manière pour le partage de la pension de survie. «
Un partage égalitaire conduirait en effet à une application incohérente des modes de constitution des droits en matière de pension de survie et heurterait l'ordre public international belge » 10.
La Cour du travail de Bruxelles a fondé sa décision sur le fait que la proximité de la situation avec la Belgique ne peut s'apprécier uniquement en fonction du critère de la nationalité, l'analyse de l'intensité du rattachement de la situation avec la Belgique devant, en effet, également s'effectuer au regard de la durée de la résidence en Belgique et des intentions des parties et ce, afin d'éviter que sous l'analyse de la proximité se cache « une préférence nationale » 11. Cela serait d'autant plus vrai en matière de sécurité sociale où la nationalité joue un rôle secondaire par rapport à celui de la territorialité et notamment en ce qui concerne la pension de survie qui présuppose uniquement que le conjoint prédécédé ait exercé une activité professionnelle sur le territoire belge 12.
Par son arrêt du 8 janvier 2014, la Cour du travail de Bruxelles a donc pris position en faveur d'une mise en œuvre plus fréquente de l'exception d'ordre public, puisqu'une résidence de longue durée sur le territoire belge permettrait de conclure à un rattachement de la situation avec l'ordre juridique belge et, dès lors, permettrait au juge de refuser la reconnaissance d'un mariage polygame célébré à l'étranger.
Cet arrêt a toutefois fait l'objet d'un pourvoi en cassation. Il sera dès lors intéressant de voir si la Cour de cassation maintiendra sa jurisprudence du 18 mars 2013 ou si elle suivra le raisonnement défendu par la Cour du travail de Bruxelles.
___
1. Article 147 du Code civil et 391 du Code pénal.
2. Article 27 du Code de droit international privé.
3. J-L. Van Boxstael,
Code DIP. Premiers commentaires, De Boeck, Bruxellles, 2010, p. 78.
4. P. Wautelet, « Le Code de droit international privé »,
Chron. not. Liège, 24 mars 2005, vol. XLI, p. 103.
5. Cass., 18 mars 2013,
Rev. trim. dr. fam., 2013, p. 923.
6. Article 21 du Code de droit international public.
7. Cass., 3 décembre 2007, 3 décembre 2007,
J.T.T., 2008/3, p. 37.
8. C. trav. Mons, 25 juin 2009,
R.T.D.F., 2010, p. 52.
9. Cass., 14 février 2011,
R.T.D.F., 2011/3, p. 628.
10. C. trav. Bruxelles , 8 janvier 2014, R.T.D.F., 2014/2, p. 350.
11. « Mariage polygamique : les juges du fond se « rebellent », note sous C. trav. 8 janvier 2014,
R.D.T.F., 2014/2, p. 359.
12.
Ibidem.
https://www.actualitesdroitbelge.be...-un-mariage-polygame-celebre-a-l-etranger#toc
La polygamie est passible de 5 à 10 ans de prison en Belgique