Les catholiques reconnaissent que Jean n'est l'auteur exclusif de "son" évangile
Tous ces textes furent-ils rédigés à la même époque et par la même main ? On en doute beaucoup aujourd’hui. Tel que nous le possédons maintenant, l’évangile de Jean offre en effet nombre de difficultés. Il est impossible de concilier des textes tels que 13 36 et 16 5. La suite normale de 14 31 se lit en 18 1. La demande des frères de Jésus en 7 3-4 suppose que celui-ci n’a accompli encore aucun « signe » à Jérusalem (opposer surtout 2 23 mais aussi 5 1-9).
Des fragments tels que 3 31-36 et surtout 12 44-50 sont hors de contexte. Le fragment qui se lit en 7 19-24 devrait suivre immédiatement le récit de la guérison du paralytique un jour de sabbat (5 1-16). Tout le chapitre 21 se place curieusement après une conclusion de l’évangile (20 30-31) qui sera reprise en partie en 21 25. En outre, les doublets sont nombreux. Notons en particulier ceux des chapitres 7-8 : les textes de 7 33-36 et de 8 21-22 ne sont que deux développements parallèles d’un thème commun ; et il y a trop de tentatives de faire arrêter Jésus au cours d’une même fête (7 30, 32, 44 ; 8 20, 59).
Il est probable que ces anomalies proviennent de la façon dont l’évangile a été composé et édité : il serait en fait le résultat d’une lente élaboration, comportant des éléments d’époques différentes, des retouches, des additions, des rédactions diverses, d’un même enseignement, le tout ayant été définitivement publié, non par Jean lui-même, mais, après sa mort, par ses disciples (21 14) ; ainsi, dans la trame primitive de l’évangile, ceux-ci auraient inséré des fragments johanniques qu’ils ne voulaient pas laisser perdre et dont la place n’était pas rigoureusement déterminée. – Pour expliquer les anomalies de l’évangile sous sa forme actuelle, d’autres auteurs admettraient plutôt que l’évangéliste aurait utilisé une ou plusieurs sources. Quel que soit le mode d’approche du problème, les commentateurs s’efforcent de reconstituer un « écrit fondamental » réutilisé par l’évangéliste. Il est possible que cet « écrit fondamental » ait été connu aussi de Luc, ce qui expliquerait la parenté, notée depuis longtemps, entre traditions « johanniques » et « lucaniennes » (évangile et Actes), spécialement en ce qui concerne les récits de la Passion et de la résurrection.
Quel est l’auteur du quatrième évangile ? Ou plutôt, quels en sont les auteurs puisque cet évangile s’est probablement formé par étapes successives ? Il est difficile de répondre. Le nom de celui qui effectua l’ultime rédaction nous est inconnu. Il est toutefois possible de préciser sa personnalité : c’était un judéo-chrétien qui s’efforça de rejudaïser l’évangile au moyen de retouches d’amplitude mineure. Celles-ci concernent surtout l’eschatologie, comme l’a bien vu Bultmann.
La Bible de Jérusalem, les éditions du CERF, édition de poche, 1998, p.1783-1784
EXTRAIT.