Aujourd’hui, après des décennies où tu as durement travaillé, tu goûtes un peu à la retraite et tu refais l’histoire avec Maman. J’aime quand on se replonge dans ces aventures du passé où tu me prenais avec toi. De la mosquée au marché, du quartier à l’école sans oublier ces inoubliables voyages au bled. Je garde aussi de toi l'image du chef de famille qui faisait souvent le point sur nos résultats obtenus à l’école. Tu nous as toujours rappelé qu’il fallait être bon en classe et que c’était par la réussite scolaire et l’attachement à notre foi qu’on parviendra à s’élever. J’ai toujours voulu vous rendre fiers toi et Maman et si je continue à vouloir poursuivre mon cursus universitaire jusqu’au bout, c’est aussi pour vous combler et vous rendre heureux. En tout cas, je ne lâcherai rien et le simple souvenir de vous deux me donne chaque jour davantage de motivation pour aller plus loin.Aujourd’hui, tu t’interroges sur ta vie et ton parcours. Sache que tu peux être satisfait de ce que tu as entrepris. Plus largement, ce compliment est adressé à tous les autres anciens de ta génération qui sont pour nous des repères, des phares et des lumières. Mais aujourd’hui, la peur te gagne car tu as vu la France changer. Au pays que tu as connu dans les années 1960 et 1970 où les relations avec tes collègues de chantier étaient bonnes, amicales et solidaires s’est substitué un rapport méfiant avec un entourage qui voit la présence des personnes de confession musulmane comme suspecte. Tu as grandi en France avec l’image d’un Jean-Marie Le Pen qui fustigeait les immigrés et tu observes trente ans plus tard que sa fille est aux portes du pouvoir. Tu ne comprends pas pour la bonne et simple raison que tu es venu ici pour reconstruire un pays dévasté par la guerre. Aujourd’hui, ce même pays semble ne plus vouloir de tes enfants. Situation navrante et tragique.Ces lignes comme ce livre sont donc destinés à te rendre hommage. À toi, à Maman et aux autres qui ont comme vous vécu le drame du déracinement et sacrifié leurs vies pour offrir le bonheur à leurs enfants, je vous dis que nous sommes très nombreux dans ma génération à relever ce défi de poursuivre votre œuvre. Vous avez été forts, dignes, humbles et solidaires. Nous aussi, nous tâcherons d’être à la hauteur de cet héritage que vous nous avez légué. En priant Dieu qu’Il vous prête longue vie dans Son obéissance, nous vous saluons d’un salut qui, on l’espère, traversera les années pour qu'à notre tour, nous léguions vos enseignements à nos progénitures.Ton fils.