Ramadan : les bonnes résolutions

Très beau message de Nabil Ennasri:

Au lendemain de cette nuit bénie qui fut sans doute Leylat al Qadr, une pensée pour nos parents. J'ai écrit cette lettre à mon père avec laquelle j'ai conclu mon dernier livre. J'ai souhaité vous la partager en ce moment si particulier.
Cette nuit, j'ai prié pour lui et pour Maman. Ne les oublions pas. A ceux qui les ont encore auprès d'eux, ne négligez pas leur présence et partagez leur votre amour. A ceux qui ne les ont plus, que Dieu leur réserve la meilleure issue là où ils sont aujourd'hui.
Conclusion : Lettre à mon père
Ce livre t’est dédié. Même si tu ne peux lire ces quelques phrases, permets-moi de t’exprimer un sentiment profond que j’enfouis en moi depuis la tendre enfance dans laquelle tu as posé les jalons d’une éducation qui a fait de moi un homme. Je t’aime d’un amour profond et les mots ne sauraient contenir le respect que j’ai pour toi.
Comme beaucoup d’hommes de ta génération, tu es venu en France jeune. Armé de tes mains, tu es venu travailler dans les chantiers. Dans le froid, l’exil et la solitude, tu t’es battu et tu as fondé une famille. J’ai été le huitième de tes dix enfants. Avec Maman, vous avez mené un combat de tous les jours pour nous prodiguer la meilleure éducation. Une éducation qui puisse nous donner les moyens de vivre en harmonie dans un milieu qui n’était pas facile. Musulman de confession, marocain d’origine, ouvrier de classe et maniant mal le français, tu as longtemps vécu une condition compliquée, ballotté entre ce désir de rentrer définitivement chez toi et la réalité de voir tes enfants grandir dans un pays qui devenait le leur. Progressivement, le rêve du retour s’est évanoui et nous avons grandi.
 
Aujourd’hui, après des décennies où tu as durement travaillé, tu goûtes un peu à la retraite et tu refais l’histoire avec Maman. J’aime quand on se replonge dans ces aventures du passé où tu me prenais avec toi. De la mosquée au marché, du quartier à l’école sans oublier ces inoubliables voyages au bled. Je garde aussi de toi l'image du chef de famille qui faisait souvent le point sur nos résultats obtenus à l’école. Tu nous as toujours rappelé qu’il fallait être bon en classe et que c’était par la réussite scolaire et l’attachement à notre foi qu’on parviendra à s’élever. J’ai toujours voulu vous rendre fiers toi et Maman et si je continue à vouloir poursuivre mon cursus universitaire jusqu’au bout, c’est aussi pour vous combler et vous rendre heureux. En tout cas, je ne lâcherai rien et le simple souvenir de vous deux me donne chaque jour davantage de motivation pour aller plus loin.Aujourd’hui, tu t’interroges sur ta vie et ton parcours. Sache que tu peux être satisfait de ce que tu as entrepris. Plus largement, ce compliment est adressé à tous les autres anciens de ta génération qui sont pour nous des repères, des phares et des lumières. Mais aujourd’hui, la peur te gagne car tu as vu la France changer. Au pays que tu as connu dans les années 1960 et 1970 où les relations avec tes collègues de chantier étaient bonnes, amicales et solidaires s’est substitué un rapport méfiant avec un entourage qui voit la présence des personnes de confession musulmane comme suspecte. Tu as grandi en France avec l’image d’un Jean-Marie Le Pen qui fustigeait les immigrés et tu observes trente ans plus tard que sa fille est aux portes du pouvoir. Tu ne comprends pas pour la bonne et simple raison que tu es venu ici pour reconstruire un pays dévasté par la guerre. Aujourd’hui, ce même pays semble ne plus vouloir de tes enfants. Situation navrante et tragique.Ces lignes comme ce livre sont donc destinés à te rendre hommage. À toi, à Maman et aux autres qui ont comme vous vécu le drame du déracinement et sacrifié leurs vies pour offrir le bonheur à leurs enfants, je vous dis que nous sommes très nombreux dans ma génération à relever ce défi de poursuivre votre œuvre. Vous avez été forts, dignes, humbles et solidaires. Nous aussi, nous tâcherons d’être à la hauteur de cet héritage que vous nous avez légué. En priant Dieu qu’Il vous prête longue vie dans Son obéissance, nous vous saluons d’un salut qui, on l’espère, traversera les années pour qu'à notre tour, nous léguions vos enseignements à nos progénitures.Ton fils.
 
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Pièces jointes

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