Des polémiques sur le « burkini » aux sorties sur les seins de Marianne, l’instrumentalisation politique des corps des femmes fait rage. Mais comme le rappelle ici Joan Scott, historienne étasunienne spécialiste de l’Histoire de France, cette stratégie de détournement remonte à la Révolution française.
En défendant les arrêtés municipaux interdisant le « burkini », cette tenue de bain portée par certaines femmes voilées sur les plages françaises, le Premier Ministre, Manuel Valls, a choqué jusqu’à ses propres partisans. C’est que le « burkini », a-t-il expliqué, « est l’expression d’un projet politique, celui d’une contre-société basée notamment sur l’asservissement des femmes. » Au contraire, la France est le pays de l’égalité. Il n’a d’ailleurs pas hésité à déclarer que « Marianne a le sein nu parce qu’elle nourrit le peuple, elle n’est pas voilée parce qu’elle est libre. C’est ça, la République », s’attirant ainsi les foudres de plusieurs féministes et historiens. Ces derniers ont fustigé sa mauvaise interprétation de représentations artistiques tels que les seins nus apparaissant sur le tableau La liberté guidant le peuple de Delacroix (1830). Il s’agissait, bien entendu, d’un symbole qui n’appelait pas à une interprétation littérale.
Cela étant, on ne peut reprocher à Valls de trahir les représentations communes. Il ne fait que reprendre à son compte une préoccupation à la fois ancienne – depuis la Révolution de 1789 – et durable des responsables politiques au sujet des seins de femmes. Au cours de l’Histoire, les poitrines des françaises ont ainsi été constamment utilisées pour expliquer l’impossibilité de céder à leurs revendications d’égalité et pour disqualifier leur accès à une citoyenneté active. « Depuis quand est-il permis d’abjurer son sexe ? » lança le jacobin Pierre Gaspard Chaumette à un groupe de femmes qui osèrent s’inviter à une assemblée politique. « Est-ce aux hommes que la nature a confié les soins domestiques ? Nous a-t-elle donné des mamelles pour allaiter nos enfants ? »
Lors des fêtes révolutionnaires organisées pour remplacer les célébrations religieuses, des députés se succédaient pour boire le lait symbolique de la République aux seins d’une immense statue représentant une déesse. En 1849, par ailleurs, Pierre-Joseph Proudhon s’opposa à la candidature législative de la féministe Jeanne Deroin en expliquant qu’élire une femme législatrice serait aussi inapproprié que de faire d’un homme une nourrice. (Ce à quoi elle répondit : « montrez-moi l’organe requis pour devenir législateur et je reconnaîtrai ma défaite. »).
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En défendant les arrêtés municipaux interdisant le « burkini », cette tenue de bain portée par certaines femmes voilées sur les plages françaises, le Premier Ministre, Manuel Valls, a choqué jusqu’à ses propres partisans. C’est que le « burkini », a-t-il expliqué, « est l’expression d’un projet politique, celui d’une contre-société basée notamment sur l’asservissement des femmes. » Au contraire, la France est le pays de l’égalité. Il n’a d’ailleurs pas hésité à déclarer que « Marianne a le sein nu parce qu’elle nourrit le peuple, elle n’est pas voilée parce qu’elle est libre. C’est ça, la République », s’attirant ainsi les foudres de plusieurs féministes et historiens. Ces derniers ont fustigé sa mauvaise interprétation de représentations artistiques tels que les seins nus apparaissant sur le tableau La liberté guidant le peuple de Delacroix (1830). Il s’agissait, bien entendu, d’un symbole qui n’appelait pas à une interprétation littérale.
Cela étant, on ne peut reprocher à Valls de trahir les représentations communes. Il ne fait que reprendre à son compte une préoccupation à la fois ancienne – depuis la Révolution de 1789 – et durable des responsables politiques au sujet des seins de femmes. Au cours de l’Histoire, les poitrines des françaises ont ainsi été constamment utilisées pour expliquer l’impossibilité de céder à leurs revendications d’égalité et pour disqualifier leur accès à une citoyenneté active. « Depuis quand est-il permis d’abjurer son sexe ? » lança le jacobin Pierre Gaspard Chaumette à un groupe de femmes qui osèrent s’inviter à une assemblée politique. « Est-ce aux hommes que la nature a confié les soins domestiques ? Nous a-t-elle donné des mamelles pour allaiter nos enfants ? »
Lors des fêtes révolutionnaires organisées pour remplacer les célébrations religieuses, des députés se succédaient pour boire le lait symbolique de la République aux seins d’une immense statue représentant une déesse. En 1849, par ailleurs, Pierre-Joseph Proudhon s’opposa à la candidature législative de la féministe Jeanne Deroin en expliquant qu’élire une femme législatrice serait aussi inapproprié que de faire d’un homme une nourrice. (Ce à quoi elle répondit : « montrez-moi l’organe requis pour devenir législateur et je reconnaîtrai ma défaite. »).
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