Soins palliatifs et Islam

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
Contributeur
Les soins sont une nécessité voir une obligation pour tous les musulmans. Ainsi il est licite de mettre en route tous les moyens nécessaire pour soulager le patient de sa maladie et le médecin doit faire tout ce qu’il peut. Dans le cas ou le soin ne fait pas la preuve de son utilité alors il ne faut pas l’effectuer et nous éviterons ainsi ce qui est communément appelé « l’acharnement thérapeutique ».

L’entourage affectif du patient est très important et l’Islam recommande de toujours dire du bien et de positiver l’avenir lorsque l’on visite un malade.

Des versets du Coran ou des hadiths (paroles ou actes tirés de la vie du prophète) traitant de la maladie peuvent être lus ou récités. En effet, comme nous le verrons dans le chapitre lié à la conception de la maladie en Islam, les versets ou hadiths se rapportant à la maladie apportent du réconfort au patient en introduisant des notions de purification, de courage, de patience et de foi.

De même le travail avec la famille est très important et le rapprochement avec le malade doit être favorisé. Le travail de « deuil »est une notion importante à prendre en considération.

Nous vous rapportons ci-dessous l’intervention du Docteur AUBRY faite au cours du séminaire:

« Soins palliatifs et accompagnement du malade en fin de vie » par Dr R. Aubry, chef du service de soins palliatifs et d’accompagnement au CHU-R de Besançon.

Schématiquement les Soins Palliatifs (SP) se définissent comme l’accompagnement du malade en fin de vie. Cette discipline émerge depuis une quinzaine d’ années en France (avec un retard culturel par rapport au Canada et à la Grande-Bretagne) car elle est le fruit du progrès médical et de la culture médicale. Ce progrès est constaté en particulier en cancérologie car on maintient en vie de plus en plus longtemps des patients de plus en plus nombreux qui ont une maladie inguérissable .En effet cette survie est un progrès scientifique dans le sens de longévité mais cela au prix d’ une iatrogénie importante. Il faut considérer qu’ on produit aussi beaucoup de souffrance chez ces patients pour lesquels s’ impose alors une redéfinition du sens de leur vie.
Un exemple : les douleurs rebelles chez les patients souffrant d’ une néoplasie ORL irradiée. Les difficultés de contrôle et de gestion de ces douleurs nous amène à poser la question de l’ homme et de la vie. Nous devons y réfléchir quand nous concourrons au progrès scientifique car il est nécessaire mais pas suffisant d’ être médecin acteur de ce progrès ! De là découle une autre dimension des SP qui correspondent aussi à la prise en charge de la souffrance engendrée par la perception de » l’ aptitude à mourir » que l’ on nommera » la mortitude « .
Dans notre société, quel que soit notre degré de réflexion éthique, religieux, philosophique, nous vivons tous comme des immortels ; et notre comportement le prouve. Or s’ il y a une égalité universelle : c’ est celle-ci ! Nous allons tous mourir. La conscience de son aptitude à mourir vient souvent au décours d’ une maladie grave comme le cancer. d’ ailleurs derrière ce mot » cancer » se trouve la connotation de mort.
 

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
Contributeur
La prise en charge de la personne qui réalise sa » mortitude » correspond au cadre dans lequel se définissent les SP car le mot » cancer » correspond aussi à l’ émergence de la notion de soi mortel. Ce qui signifie que les SP ne sont pas une discipline stricto sensu médicale mais l’ accompagnement aussi psychologique des personnes en fin d e vie, avec une démarche transversale médico-psycho-sociale qui transcende un peu la pratique verticale du soin. Il s’ agit là de réfléchir à » qu’ est-ce qui peut donner du sens à la vie de quelqu’ un qui sait qu’ il va la perdre ? » Cela met bien en évidence que le problème n’ est pas uniquement médical !

En dehors de la définition que chacun veut bien se donner de cette notion, la fin de vie commence globalement quand on est atteint d’ une maladie potentiellement inguérissable. Et les SP concernent toute cette partie de la vie qui est la fin de vie mais encore de la vie ! Avec l’ expérience accumulée, on remarque que la fin de la vie, c’ est vraiment de la vie. En effet on commence à vivre quand on perçoit sa mortitude.
Pour certains d’ entre nous, c’ est seulement quand on a cette perception de notre « finitude » que l’ on commence à donner réellement à sa vie un sens, ou des valeurs d’ ordre éthique.

Toutes ces valeurs, telles la dignité, l’ humilité, la tolérance, sont très souvent retrouvés dans les relations que nous avons avec les personnes qui savent et perçoivent leur finitude, et qui ont en commun ce sentiment de l’ obligation de la solidarité entre hommes pour donner un sens à la vie. On retrouve la dimension médicale des SP, car comment donner un sens à sa vie quand la douleur est destructrice et qu’ elle envahit complètement le champ de la conscience ? La douleur cancéreuse chronique est un réel parasite, elle empêche l’ accession à la conscience aiguë de sa place sur terre. Chez un patient en stade terminal, tout symptôme qui lui est désagréable doit être contrôlé ! Mais le SP ne se limite pas seulement à cela.

Ainsi nous abordons la problématique de la souffrance qui est du domaine de l’ existentiel et du spirituel.

La souffrance est un sentiment de solitude extrême ; et ce sentiment peut être aidé par quelque chose qui est de l’ ordre de la solidarité, de la compassion, de la compréhension, de l’ écoute, du respect. Voilà l’ attitude qu’ un homme ( qui en plus est médecin ) doit avoir autour de cette problématique de la souffrance. Il faut écouter et entendre, partager mais non prendre car c’ est un risque pour le soignant (garder la juste distance par rapport à la souffrance des autres pouvoir la voir et les aider).
 

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
Contributeur
Le SP ne se limite pas au patient mais il s’ étend à tout l’ environnement de ce dernier : la famille, les proches.

Et donc l’ objectif des SP (qui est un enjeu) est de transcender la souffrance de celui qui reste pour donner plus de sens encore à sa propre vie. La mort des uns doit pouvoir aider les autres. En effet les SP ne s’ arrêtent pas à la personne malade mais s’ inquiètent des effets que produisent la maladie, la souffrance, la perception de la proximité de la mort sur l’ environnement du patient. Les proches peuvent être la famille, mais également les soignants.

Un soignant qui perd un patient peut être embarqué dans une spirale de la souffrance s’ il n’ y prête pas attention. Cette souffrance, générée par sa profession, est vécue comme un échec et est une souffrance d’ homme pour qui la perte de quelqu’ un de proximité ne peut pas ne pas entraîner une souffrance. Dans l’ élargissement de la notion de soin où il s’ agit d’ aider ceux qui souffrent, ne nous oublions pas nous autres soignants (soigner, c’ est aussi se soigner).

Même si on vit dans une société où il faut rire et ne jamais pleurer, quand on dit nos émotions, on sait qu’ on peut être atteint par la souffrance générée par la perte des patients. Ces souffrances s’ accumulant, si nous ne parlons pas nous mêmes de nos pratiques émotionnelles, nous risquons de devenir indifférents ; ce qui est très grave dans le cadre de notre profession de santé ! d’ ailleurs, il se peut que l’ on constate autour de nous un certain degré d’ indifférence dans le domaine médical : Il faut alors faire l’ effort de comprendre cela car un médecin ne juge pas, il soigne. Cette froideur de la part du personnel médical (que l’ on peut percevoir lors d’ une observation instantanée de la pratique médicale), correspond à un mécanisme de défense contre la souffrance de la part de ce personnel. Dans les C.H on peut observer des tensions, presque de l’ irrespect dans la pratique\’85 Etonnant chez des personnes qui ont choisi des professions de la solidarité !

Mais il faut comprendre ces faits comme autant d’ expressions de la souffrance de ces personnes soignantes : cela évitera les conflits. En effet ces tensions, conflits, ces luttes de pouvoir prennent racines dans l’ absence de perception de soi souffrant (comme soignant souffrant).

Donc en SP nous soignons les malades, les familles de malades et les soignants de malades.

Il faut reconnaître que transcender la souffrance, pour mieux aider les autres, est un principe pour lequel nous ne sommes pas forcément préparés(en particulier lors de notre formation professionnelle). En général, nous n’ avons pas l’ habitude, dans nos pratiques, de nous rencontrer, d’ analyser nos émotions. Or la réunion est un formidable apprentissage (essai de faire valider auprès du ministère de la santé, comme formation continue ce type de réunion) ; avec des échanges à propos de situations qui ont entraînés un vécu émotionnel très difficile pour certains d’ entre nous. Si cette émotion peut être dite, elle est moins une souffrance.
 

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
Contributeur
Par exemple : Les soignants vont passer en tête des statistiques concernant les arrêts de travail pour maladie (avant c’ était les enseignants !). La première cause d \rquote arrêt de travail est le » mal de dos » . l’ institution propose pour ces malades, en terme de formation continue, des exercices sur la manutention, mais on ne veut pas imaginer que la profession de soignant est génératrice de souffrance non dite et cela amène à la somatisation en mal de dos qu’ il faudrait soigner par des groupes de paroles ; il faudrait s’ arrêter, s’ écouter, travailler ensemble, comprendre. Car le soignant est malade quand il est en situation de deuil répété. Encore du temps qu’ on prend pour ne rien faire ! Mais cela permet en réalité de gagner du temps et de l’ argent ! Le SP commence lorsqu’ on arrive à une croisée des chemins entre traitement curatif et palliatif, quand il y a une souffrance. Ce travail est débuté en duo avec les confrères cancérologues, neurologues (SEP, SLA,\’85.) dans le cadre de consultations multidisciplinaires. Les soignants que sommes ont pour mission d’ être des soignants spécialistes du soin et non spécialistes d’ organe ! Nous soignons un malade qui présente une souffrance (douleur avec répercussions d’ ordre psychologique et spirituel) générée par le cancer (donc tout soignant soigne un malade et non une tumeur ! ).

Lorsque nous prenons en charge quelqu’ un en SP, nous prenons l’ engagement de ne jamais l’ abandonner. Il faut en effet distinguer les termes inguérissabilité et incurabilité ; on ne peut pas guérir ces malades, mais il y a toujours à les aider, les soigner, les accompagner. Le soin final étant la présence ; nous les suivons jusqu’à la fin de leur vie.

Nous traitons tous les symptômes qui viennent parasiter le travail intrapsychique qui doit se faire et qui tend vers l’ acceptation de la fin de la vie. Car ce n’ est pas facile de mourir ! Il est rare que la mort s’ accepte facilement !

Contrairement aux idées reçues et aux images montrées par les médias, Les SP ne représentent pas la » belle mort » ni la » mort facile « ! Il est toujours difficile de mourir ! L’individu qui meurt n’ est pas forcément le même que celui qui était bien vivant, ignorant sa mort.

L’ individu qui va mourir se pose des questions qui il n’ avait jamais imaginé devoir se poser antérieurement. Cet individu a un droit essentiel, et cela transcende toutes les différences raciales, religieuses ou autres : il a le droit de changer d’ avis » dans sa vie « , il a le droit de changer de vie. Et cela est observé : certaines personnes surprennent leurs familles parce-qu’ elles n’ ont plus les mêmes pressions, ni les mêmes centres d’ intérêt, ni les mêmes doutes… Elles ne sont plus les mêmes !

Cette perception de la » mortitude » a des effets sur l’ entourage du malade dont font partie les accompagnants qu’ il faut aider aussi ! C’ est là que nous introduisons la notion de » travail de deuil » , c’ est à dire arriver à transcender une perte, l’ intégrer pour qu’ elle soit sienne, l’ accepter comme une normale de la vie, comme finalement donnant beaucoup plus de sens a la vie.

Cela prend du temps, le résultat n’ est pas garanti et chacun fait ce qu’ il peut. Donc nous devons aider les proches à se situer dans ce travail, à faire cette démarche transcendante qui les amène à être encore plus riche après la perte d’ un être cher, après la souffrance. Il faut prendre le temps.

 
Haut