Salaam
Cette question de la riba divise la communauté depuis de longues années et oppose, en filigrane, ceux qui acceptent une contextualisation des concepts présentés dans le Coran de ceux qui ne veulent pas en entendre parler.
D'abord, définissons le cadre du problème dont on traite:
- cette interdiction de riba existait aussi dans le judaisme et le christianisme, mais aucun des deux n'estime que cela s'applique au prêt à intérêt. C'est une particularité des ulemas islamiques.
- les verset du Coran ou il est question de l'interdiction du Riba, si on les relit attentivement, concernent des cas ou l'intérêt atteignait un degré énorme qui était manifestement de nature à léser l'emprunteur et à l'appauvrir au profit du prêteur, qui profitait donc abusivement de la situation. Le non-paiement pouvait même entrainer l'esclavage du débiteur. C'est dans ce contexte précis que l'interdiction du riba s'est manifestée.
- l'interdiction du Riba dans le Coran concernait un prêt entre deux personnes, non un prêt entre une banque et un emprunteur. Le concept de banque était inexistant à l'époque de la Révélation.
- le taux d'interêt bancaire n'est pas un taux usuraire contrairement au riba. Ses limites sont fixées à l'avance par l'état et adaptées par les institutions de crédit en prenant en compte une série de facteurs tels que taux d'inflation, degré de risque,... . Il n'y a pas non plus de volonté de nuire à l'emprunteur. Bien sûr j'entends déjà d'ici ceux qui lieront la crise financière actuelle au taux à intérêt en disant "Vous voyez, hein, tout arrive à cause des intérêts !". Dire cela serait mal connaître les origines de la crise, laquelle n'est pas liée au taux d'intérêt des crédits mais bien au système trop libéral qui a accordé des prêts au mépris de la solvabilité réelle de certains emprunteurs, par gout du lucre. La dérive est donc liée au comportement du système, le mal n'est pas lié à ses éléments constitutifs comme le crédit en tant que tel.
- aujourd'hui, les banques islamiques maquillent souvent et hypocritement le taux d'intérêt en le nommant autrement (frais de dossier, devis exhorbitants....) alors qu'il s'agit en finale exactement de la même chose. Celui qui emprunte rembourse davantage que le montant emprunté. Ils n'appellent juste pas cela du terme d'intérêts.
Comme on le voit, considérer d'une part la situation initiale que les versets du Coran s'emploient à corriger, et d'autre part la finalité qu'ils cherchent à atteindre, peut amener à redéfinir le cadre normatif de ceux-ci, et partant, à leur donner une autre interprêtation que celle qui se limite à dire "l'interêt sous toutes ses formes est interdit". C'est ce que plusieurs ulémas ont fait lorsqu'ils ont compris le système des intérêts bancaires et en quoi il se différencie de la riba réprouvée. L'état marocain l'a fait aussi en tolérant le prêt à intérêt. Il n'est pas devenu moins musulman pour autant...
De nos jours, il est évident que l'argent n'a pas la même valeur réelle aujourd'hui que dans X années, aucune économie ne peut vivre selon se système d'absence d'intérêt ou de loyer de l'argent.Les conditions du commerce ont changé depuis l'époque du Prophète. L'ignorer revient à faire de l'obscurantisme. Louer un appartement pour ceux qui ne veulent emprunter, par exemple, consiste à s'appauvrir à terme, le remboursement d'un emprunt pour sa propriété étant une acquisition de richesse à travers la propriété du bien qui nous revient.
Ceux qui s'y opposent plaident pour l'intemporalité des commandements coraniques et la même applicabilité de leur contenu. A ceux-ci, il convient peut-être de répondre ce qui précède, à savoir la redéfinition de l'usure telle que définie dans le Coran, et sa dissociation d'avec ce que pratiquent les banques. L'ignorance entre les deux est souvent volontaire ou non, beaucoup ne prenant pas la peine de s'interroger sur l'origine des versets, se limitant à en appliquer le contenu selon ce que l'erudition classique de l'Islam leur enseigne.
Le lien ci-dessous donne davantage d'explications sur ce point de vue de la riba
http://oumma.com/La-charia-le-riba-et-la-banque
"Le prédicateur sest référé à une décision du Conseil Européen de la Fatwa, qui autorise les minorités islamiques vivant en Europe, sans accès à des banques opérant selon les règles de la charia, à prendre de tels prêts, en se basant sur la règle : « La nécessité abolit les interdits » (addarouratou toubihou al mahdhourat). Daprès lui, cette règle sapplique parfaitement au cas marocain." => du site que tu cites
avec ça je suis 100% d'accord.
"Abd al Munim Al Nimr, ancien ministre des Habous dEgypte, fournit une bonne illustration de ces propos : « Linterdiction du riba se justifie par le tort porté au débiteur. Mais, puisquil ny a aucun tort porté aux personnes qui procèdent à des dépôts dans une banque, linterdiction du riba ne sapplique pas aux dépôts en banque. » Des raisonnements similaires sappliquent aux divers autres aspects des opérations bancaires." => même source
effectivement, celui qui dépose son argent à la banque n'est pas lésé. et ce n'est pas lui qui exige un intérêt sur ce qu'emprunte les gens, d'autant qu'il n'y a pas chez nous d'alternative pour le moment. si on avait le choix, ce serait mieux de ne pas soutenir ce genre de pratiques, néanmoins.
sinon ils discutent à faire la distinction entre intérêt et usure... pourquoi pas, je pense qu'il y a des degrés pour chaque péché. c'est clair qu'un taux modéré est moins grave qu'un taux usurier.
pour la fin du texte, ces personnes ont probablement manqué de créativité et n'ont pas réussi à faire autrement que ce qui existe déjà. ou ce sont les clients qui ne sont pas capables de faire la part des choses, je ne sais pas. ça ne veut pas dire pour autant que ce ne serait pas possible. question de bonne volonté et de foi sincère...