Un soldat israélien : « Nous traitons les Palestiniens comme des animaux »
samedi 14 mars 2009 - 06h:48
Mundo Obrero
Dans la société israélienne, les premières voix contre la guerre commencent à sélever. Dimanche, une marche à Tel Aviv pour demander la fin des bombardements à Gaza et au Liban. Aujourdhui, une nouvelle qui toucha lopinion publique : le sergent Itzik Shabbat annonça quil refusait de participer à loffensive contre Gaza. « Je le fais pour mopposer à cette folie et pour mettre fin à lillusion que nous sommes tous en faveur de cette guerre inutile basée sur des mensonges », affirma ce jeune réserviste de 28 ans qui vit à Sderot, ville proche de Gaza dans laquelle les missiles Qassam du Hamas tombent régulièrement.
Lheure du retour à Gaza approche [janvier 2009]. Je termine les dernières interviews à Jérusalem. Dans un café de Jaffa Road, je me trouve avec Yehuda Shaul, fondateur de lONG Breaking the Silence ( rompre le silence).
« Tout est pure folie : loccupation, la forme inhumaine avec laquelle nous traitons les Palestiniens », me dit-il. En Israël, tu entres dans larmée à 18 ans parce que tu veux combattre lennemi de ton pays, parce que tu veux laisser une trace dans lhistoire, et tu fais ce quon te dit de faire, sans penser. Et tout est fait pour que tu ne penses pas. Des missions à accomplir, des ordres à suivre ».
« Et tu ne vois pas les Palestiniens comme des être humains, tu les vois comme des animaux. Tu entres dans leur maison, la nuit, tu les réveilles, les femmes dun côté, les hommes de lautre, et tu casses tout. Cest le genre de choses que tu ne ferais pas ici, en Israël, mais tu le fais chez eux. Et, pour ce faire, tu refuses la réalité. Cest la seule manière. Tu crées entre toi et la réalité un mur de silence ».
« Voici un autre exemple : si, la nuit, tu trouves un paquet suspect qui pourrait être une bombe, tu appelles le premier Mohamed que tu trouves dans la rue et tu lui demandes de louvrir. Tu pourrais appeler un expert qui le désactiverait, il mettrait dix minutes à venir, mais cest beaucoup mieux quun Palestinien risque sa vie, puisque pour toi ça revient au même, tu ne le vois pas comme un être humain. Moi, je faisais ça avec mes soldats à Hebron ».
« De même à Naplouse, quand je voulais entrer dans une maison, si je pensais quil pouvait y avoir une bombe piégée, je prenais le Mohamed que javais sous la main et je lobligeais à ouvrir la porte. Ça fait partie de la routine de larmée : utiliser les Palestiniens tels des boucliers humains. »
« Pareil lorsque tu es à un check-point, tu les obliges à attendre beaucoup plus que le temps nécessaire, parfois pendant des heures, et tu choisis un Palestinien au hasard à qui tu donnes des coups, tous les quinze ou vingt qui passent, de sorte que les autres aient peur et restent tranquilles. Cest seulement ainsi que toi, avec quatre soldats, tu peux les dominer eux qui sont des milliers. »
« Et quand tu entres à Gaza avec ton char de combat et que tu vois une voiture neuve, même si tu as assez de place sur la route, tu passes dessus. De même, tu tires sur les réservoirs deau. Pour leur faire peur, pour quils te respectent, parce que cest ça la logique quon enseigne aux soldats israéliens ».
« De plus, tu es jeune et tu commences à profiter de ce pouvoir, que les gens fassent tout ce que tu leur dit de faire. Cest comme un jeu vidéo. Tu es à un check-point au milieu de la route, tu as vingt voitures qui attendent, et par un simple mouvement du doigt ils font ce que tu veux toi. Tu joues avec eux. Tu les fais avancer, reculer. Tu les rends fous. Tu as 18 ans et tu te sens puissant ».
« Trois mois avant dabandonner larmée, je dirigeais une unité à Hébron, javais fait une bonne carrière, de sorte que javais du temps libre. Un matin, je me suis regardé dans le miroir et jai compris que tout ceci était une erreur et jai su que je ne pourrais pas continuer à vivre si je ne faisais pas quelque chose. Cest pourquoi, à peine sorti, avec les soldats de mon unité, nous avons monté une exposition avec nos photos, elle sappelait Amener Hébron à Tel Aviv ».
« Elle est tombée comme une bombe dans la société. Des parlementaires et des journalistes y sont venus. Donc, nous avons créé Breaking the Silence, où nous offrons de lespace pour que les soldats racontent les abus quils commettent systématiquement. Plus de 350 lont fait. A présent, nous avons des expositions et des vidéos en Europe, en Israël ».
« Certaines personnes disent que ce sont des cas isolés. Les mères disent : mon fils, qui fait son armée actuellement, est bon, il ne fait pas ce genre de choses, ce sont uniquement les soldats bédouins ou éthiopiens qui font ça. Mais ce nest pas si sûr. On fait tous ce genre de choses, parce que cest la logique de loccupation israélienne : terroriser les Palestiniens ».
« Les Check-points ne servent pas à empêcher les Palestiniens dentrer en Israël, cest pour que la réalité nentre pas en Israël. Parce que cest une société de soldats, nous passons tous par larmée pendant trois années quand nous sommes jeunes et ensuite un mois par an. Et nous le faisons tous. Cest pourquoi il existe le mur de silence, de négation, parce que nous sommes tous responsables et nous ne voulons pas ladmettre ».
« Eux sont les victimes, nous sommes les bourreaux. Mais en tant que bourreaux, nous payons également un prix. Ceci est une société qui ne sencourage pas à regarder ni la vérité en face, ni ses propres actes. Cest une société, par conséquent, moralement malade ».
samedi 14 mars 2009 - 06h:48
Mundo Obrero
Dans la société israélienne, les premières voix contre la guerre commencent à sélever. Dimanche, une marche à Tel Aviv pour demander la fin des bombardements à Gaza et au Liban. Aujourdhui, une nouvelle qui toucha lopinion publique : le sergent Itzik Shabbat annonça quil refusait de participer à loffensive contre Gaza. « Je le fais pour mopposer à cette folie et pour mettre fin à lillusion que nous sommes tous en faveur de cette guerre inutile basée sur des mensonges », affirma ce jeune réserviste de 28 ans qui vit à Sderot, ville proche de Gaza dans laquelle les missiles Qassam du Hamas tombent régulièrement.
Lheure du retour à Gaza approche [janvier 2009]. Je termine les dernières interviews à Jérusalem. Dans un café de Jaffa Road, je me trouve avec Yehuda Shaul, fondateur de lONG Breaking the Silence ( rompre le silence).
« Tout est pure folie : loccupation, la forme inhumaine avec laquelle nous traitons les Palestiniens », me dit-il. En Israël, tu entres dans larmée à 18 ans parce que tu veux combattre lennemi de ton pays, parce que tu veux laisser une trace dans lhistoire, et tu fais ce quon te dit de faire, sans penser. Et tout est fait pour que tu ne penses pas. Des missions à accomplir, des ordres à suivre ».
« Et tu ne vois pas les Palestiniens comme des être humains, tu les vois comme des animaux. Tu entres dans leur maison, la nuit, tu les réveilles, les femmes dun côté, les hommes de lautre, et tu casses tout. Cest le genre de choses que tu ne ferais pas ici, en Israël, mais tu le fais chez eux. Et, pour ce faire, tu refuses la réalité. Cest la seule manière. Tu crées entre toi et la réalité un mur de silence ».
« Voici un autre exemple : si, la nuit, tu trouves un paquet suspect qui pourrait être une bombe, tu appelles le premier Mohamed que tu trouves dans la rue et tu lui demandes de louvrir. Tu pourrais appeler un expert qui le désactiverait, il mettrait dix minutes à venir, mais cest beaucoup mieux quun Palestinien risque sa vie, puisque pour toi ça revient au même, tu ne le vois pas comme un être humain. Moi, je faisais ça avec mes soldats à Hebron ».
« De même à Naplouse, quand je voulais entrer dans une maison, si je pensais quil pouvait y avoir une bombe piégée, je prenais le Mohamed que javais sous la main et je lobligeais à ouvrir la porte. Ça fait partie de la routine de larmée : utiliser les Palestiniens tels des boucliers humains. »
« Pareil lorsque tu es à un check-point, tu les obliges à attendre beaucoup plus que le temps nécessaire, parfois pendant des heures, et tu choisis un Palestinien au hasard à qui tu donnes des coups, tous les quinze ou vingt qui passent, de sorte que les autres aient peur et restent tranquilles. Cest seulement ainsi que toi, avec quatre soldats, tu peux les dominer eux qui sont des milliers. »
« Et quand tu entres à Gaza avec ton char de combat et que tu vois une voiture neuve, même si tu as assez de place sur la route, tu passes dessus. De même, tu tires sur les réservoirs deau. Pour leur faire peur, pour quils te respectent, parce que cest ça la logique quon enseigne aux soldats israéliens ».
« De plus, tu es jeune et tu commences à profiter de ce pouvoir, que les gens fassent tout ce que tu leur dit de faire. Cest comme un jeu vidéo. Tu es à un check-point au milieu de la route, tu as vingt voitures qui attendent, et par un simple mouvement du doigt ils font ce que tu veux toi. Tu joues avec eux. Tu les fais avancer, reculer. Tu les rends fous. Tu as 18 ans et tu te sens puissant ».
« Trois mois avant dabandonner larmée, je dirigeais une unité à Hébron, javais fait une bonne carrière, de sorte que javais du temps libre. Un matin, je me suis regardé dans le miroir et jai compris que tout ceci était une erreur et jai su que je ne pourrais pas continuer à vivre si je ne faisais pas quelque chose. Cest pourquoi, à peine sorti, avec les soldats de mon unité, nous avons monté une exposition avec nos photos, elle sappelait Amener Hébron à Tel Aviv ».
« Elle est tombée comme une bombe dans la société. Des parlementaires et des journalistes y sont venus. Donc, nous avons créé Breaking the Silence, où nous offrons de lespace pour que les soldats racontent les abus quils commettent systématiquement. Plus de 350 lont fait. A présent, nous avons des expositions et des vidéos en Europe, en Israël ».
« Certaines personnes disent que ce sont des cas isolés. Les mères disent : mon fils, qui fait son armée actuellement, est bon, il ne fait pas ce genre de choses, ce sont uniquement les soldats bédouins ou éthiopiens qui font ça. Mais ce nest pas si sûr. On fait tous ce genre de choses, parce que cest la logique de loccupation israélienne : terroriser les Palestiniens ».
« Les Check-points ne servent pas à empêcher les Palestiniens dentrer en Israël, cest pour que la réalité nentre pas en Israël. Parce que cest une société de soldats, nous passons tous par larmée pendant trois années quand nous sommes jeunes et ensuite un mois par an. Et nous le faisons tous. Cest pourquoi il existe le mur de silence, de négation, parce que nous sommes tous responsables et nous ne voulons pas ladmettre ».
« Eux sont les victimes, nous sommes les bourreaux. Mais en tant que bourreaux, nous payons également un prix. Ceci est une société qui ne sencourage pas à regarder ni la vérité en face, ni ses propres actes. Cest une société, par conséquent, moralement malade ».