Etats-Unis : comment Trump décapite l’Agence de protection de l’environnement
24 juillet 2025
Fondée en 1970 par Nixon, l’EPA, modèle pour de nombreuses institutions dans le monde, est démantelée par la Maison Blanche. Un torpillage qui se manifeste par une saignée de plus de 1 150 chercheurs, symptomatique de la croisade antiscience du milliardaire.
C’est l’histoire d’un fleuve américain et d’un poison invisible. Depuis des décennies, le fleuve Cape Fear, en Caroline du Nord, est le théâtre discret mais implacable d’un scandale environnemental : sur ses rives, de nombreuses industries rejettent des substances poly et perfluoroalkylées, tristement célèbres sous le nom de
«polluants éternels» ou Pfas. Au sud de Fayetteville, l’usine du géant chimique Chemours – né en 2015 d’une scission de DuPont – en fabrique même directement sur place. En aval, le fleuve serpente sur près de 200 kilomètres avant de se jeter dans l’océan Atlantique, alimentant sur son chemin des centaines de milliers de riverains en eau potable.
En 2012, deux chimistes de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), Mark Strynar et Andrew Lindstrom, spécialisés dans l’étude de ces composés tenaces,
entreprennent de prélever des échantillons dans le Cape Fear. Ils sont les premiers à y détecter des traces de GenX, un Pfas introduit par DuPont en 2009 pour remplacer le Pfoa – cet ingrédient du Téflon,
classé cancérogène et interdit dans l’Union européenne depuis 2020. L’alerte publique éclate en 2017, rapidement suivie de recherches établissant un lien entre le GenX et
une mortalité accrue chez les rats nouveau-nés. S’enclenche une réaction en chaîne : mobilisation citoyenne et politique, mesures imposées à Chemours et modernisation de plusieurs usines locales de traitement des eaux.
Sans l’EPA et sa branche scientifique, le Bureau de recherche et de développement (ORD), à laquelle appartient le laboratoire employant les deux chimistes, rien de tout cela n’aurait été possible. Pourtant, le 18 juillet, l’administration Trump a confirmé la suppression pure et simple du bras scientifique de l’agence, dernière victime de
la croisade obscurantiste qui ronge les Etats-Unis. «
L’ORD est le cœur et le cerveau de l’EPA, résume Justin Chen, président de la section environnementale du grand syndicat de fonctionnaires fédéraux AFGE.
Tout le travail de l’EPA repose sur la recherche scientifique. Sans l’ORD, l’agence deviendra aveugle et sera condamnée à s’appuyer à l’avenir sur des informations et des données obsolètes», explique-t-il à
Libération.