Bonjour
Tiré de l'ouvrage de William James, Le pragmatisme
"""
Appliquons cette conception au « salut » du monde. L'affirmer possible, qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que certaines des conditions de la « libération » du monde existent bien d'une manière positive. Plus sont nombreuses ces conditions existantes, et moins nombreuses aussi les conditions leur faisant obstacle, mieux se trouve fondée, d'autre part, l'idée de sa possibilité : plus devient probable le fait de cette libération.
On sait maintenant quelle signification il faut attacher à l'idée du possible.
Eh bien ! on méconnaîtrait le sens même de la vie, si l'on prétendait que notre pensée doit se montrer indifférente, doit rester neutre, dans les problèmes tels que celui du « salut » de l'univers. Se croire et se proclamer neutre, c'est proclamer que l'on n'est qu'un sot, et que l'on n'a qu'un faux semblant de pensée. Tous, nous voulons réduire à son minimum l'insécurité de l'univers : nous nous sentons, [257] et ne pouvons point ne pas nous sentir malheureux, à l'idée qu'il est livré à toutes sortes d'ennemis, ouvert à toutes sortes de mauvais vents qui sont meurtriers pour la vie !
Il n'y en a pas moins certains hommes qui, eux, souffrent de croire impossible le « saint » du monde : ce sont les pessimistes.
L'optimisme le croit, au contraire, infailliblement assurer.
À mi-chemin entre ces deux doctrines, se tient ce qu'on peut appeler le méliorisme, bien qu'il ait jusqu'ici passé pour être moins une doctrine qu'une attitude prise à l'égard des choses de la vie. Dans la philosophie européenne, c'est toujours l'optimisme qui a prévalu. Le pessimisme ne s'y est introduit que récemment, grâce à Schopenhauer, et n'y compte encore qu'un petit nombre de partisans. Le méliorisme, lui, ne considère le « salut » de l'univers ni comme assuré immanquablement, ni comme impossible : il y voit une chose possible qui devient probable de plus en plus, à mesure que se multiplient les conditions remplies pour sa réalisation.
C'est évidemment pour le méliorisme que doit pencher le pragmatisme. Il ne saurait demeurer aveugle à ce fait que certaines voies de salut se trouvent réellement ouvertes dès à présent. Il ne saurait ne pas admettre que, si les autres conditions venaient à se produire, il s'accomplirait, il deviendrait une réalité. Naturellement, je m'en tiens ici à des indications très sommaires. Chacun de vous est libre d'interpréter à sa guise le mot « salut », et d'en faire un phénomène aussi diffus, aussi émietté, ou au contraire aussi culminant et aussi intégral qu'il vous plaira.
[258]
(à suivre)
Tiré de l'ouvrage de William James, Le pragmatisme
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Appliquons cette conception au « salut » du monde. L'affirmer possible, qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que certaines des conditions de la « libération » du monde existent bien d'une manière positive. Plus sont nombreuses ces conditions existantes, et moins nombreuses aussi les conditions leur faisant obstacle, mieux se trouve fondée, d'autre part, l'idée de sa possibilité : plus devient probable le fait de cette libération.
On sait maintenant quelle signification il faut attacher à l'idée du possible.
Eh bien ! on méconnaîtrait le sens même de la vie, si l'on prétendait que notre pensée doit se montrer indifférente, doit rester neutre, dans les problèmes tels que celui du « salut » de l'univers. Se croire et se proclamer neutre, c'est proclamer que l'on n'est qu'un sot, et que l'on n'a qu'un faux semblant de pensée. Tous, nous voulons réduire à son minimum l'insécurité de l'univers : nous nous sentons, [257] et ne pouvons point ne pas nous sentir malheureux, à l'idée qu'il est livré à toutes sortes d'ennemis, ouvert à toutes sortes de mauvais vents qui sont meurtriers pour la vie !
Il n'y en a pas moins certains hommes qui, eux, souffrent de croire impossible le « saint » du monde : ce sont les pessimistes.
L'optimisme le croit, au contraire, infailliblement assurer.
À mi-chemin entre ces deux doctrines, se tient ce qu'on peut appeler le méliorisme, bien qu'il ait jusqu'ici passé pour être moins une doctrine qu'une attitude prise à l'égard des choses de la vie. Dans la philosophie européenne, c'est toujours l'optimisme qui a prévalu. Le pessimisme ne s'y est introduit que récemment, grâce à Schopenhauer, et n'y compte encore qu'un petit nombre de partisans. Le méliorisme, lui, ne considère le « salut » de l'univers ni comme assuré immanquablement, ni comme impossible : il y voit une chose possible qui devient probable de plus en plus, à mesure que se multiplient les conditions remplies pour sa réalisation.
C'est évidemment pour le méliorisme que doit pencher le pragmatisme. Il ne saurait demeurer aveugle à ce fait que certaines voies de salut se trouvent réellement ouvertes dès à présent. Il ne saurait ne pas admettre que, si les autres conditions venaient à se produire, il s'accomplirait, il deviendrait une réalité. Naturellement, je m'en tiens ici à des indications très sommaires. Chacun de vous est libre d'interpréter à sa guise le mot « salut », et d'en faire un phénomène aussi diffus, aussi émietté, ou au contraire aussi culminant et aussi intégral qu'il vous plaira.
[258]
(à suivre)