Tunisie : Sidi Bouzid, cent jours après

petitbijou

Casablanca d'antan
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Fiers du nouveau statut de leur ville, les Bouzidiens savourent leur victoire sur la dictature. Mais ils ne relâchent pas leur vigilance et attendent avec impatience les premières mesures destinées à relancer le développement local.

Chef-lieu du gouvernorat du même nom, dans le centre du pays, la ville de Sidi Bouzid, 40 000 âmes, jouit désormais du statut de lieu de naissance de la révolution tunisienne. Ses habitants, descendants des Hilaliens, majoritairement issus de la tribu des Hammama, n’en sont pas peu fiers. Amoureux du verbe et de la métaphore, le grand poète tunisien Sghaïer Ouled Ahmed, un enfant de la ville, décrit à sa façon le sentiment qui habite les gens de Sidi Bouzid : « Quelques jours après la chute de Ben Ali, j’ai eu à me rendre au Liban pour un colloque littéraire. Quand l’avion s’est posé sur le tarmac de l’aéroport de Beyrouth, je me suis senti pour la première fois de ma vie supérieur à Hassan Nasrallah [chef du Hezbollah libanais, NDLR], seul leader arabe ayant défait l’armée israélienne. Lui continue de résister, moi j’ai vaincu. » Hasard de la géographie, pour rallier Sidi Bouzid depuis Tunis et Kairouan, la dernière ville que l’on traverse se nomme justement Nasrallah.

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Tunisie : Où sont passés les héros ?

Quatre mois jours pour jour après la chute de Zine el-Abidine Ben Ali et l’union sacrée qui a permis de le chasser, la révolution tunisienne donne la détestable impression de s’enliser dans les sables mouvants de l’après-révolution. Comme l’Égypte, d’ailleurs, deuxième domino à être tombé, en attendant les régimes libyen, syrien ou yéménite...

En Tunisie, devenue le royaume de la rumeur et de la théorie permanente du complot, on ne sait plus à quel saint se vouer. La méfiance est généralisée, le rejet de l’autre et de ses opinions est érigé en mode de pensée, les scènes de violence – physique comme verbale – se multiplient. Les ministres des gouvernements provisoires successifs – je ne sais même plus combien sont passés sous les fourches caudines de la vindicte populaire – ne sont jamais assez bons : anciens, nouveaux, jeunes issus du secteur privé revenus au pays pour donneruncoupdemain, politiques ou technocrates sont constamment sur la sellette. La chasse aux sorcières est devenue un sport national. Seuls les extrêmes, la gauche surtout, ont le droit de s’exprimer sans encourir les foudres d’une population avide d’en découdre avec tout ce qui incarne à ses yeux, souvent à tort, l’ancien régime.

Ainsi siffle-t-on l'hymne national, qui n’a pourtant rien à voir avec Ben Ali. La police ? RCD. L’ordre? RCD. L’argent ? RCD. Le travail ? RCD… Les mémoires, elles, se font sélectives : tout le monde a oublié que rares sont ceux qui n’ont pas eu à composer avec le régime, l’État, les entreprises, le parti et ses satellites. Personne ne veut croire qu’on ait pu être ambassadeur, universitaire, dirigeant ou salarié d’une entreprise publique sans forcément être un voyou ou un voleur. Dans ce véritable pandémonium, où l’on se pique de vénérer Bourguiba et de honnir Ben Ali, impossible de suggérer que le premier n’a pas toujours été un ange et que le second n’était pas qu’un démon.

Last but not least, les partispolitiques,dont tout le monde veut être, se livrent à une véritable foire d’empoigne, plus soucieux d’exister ou de prendre le pouvoir que de réfléchir à l’avenir du pays et à ses besoins. Les ego de la soixantaine de chefs de parti ne désenflent même pas sous le poids des tomates reçues lors de certains meetings...

Qu’elle semble loin l’heure de gloire internationale de la Tunisie, quand le monde entier chantait les louanges de ce peuple fier et uni qui avait acquis sa liberté à force de courage et d’abnégation. Sans doute tout cela est-il normal, inhérent à ce saut dans l’inconnu qu’ont effectué les Tunisiens à partir de ce fameux 14 janvier.Mais au-delà de leur propre destin, ils ont une lourde responsabilité : en ouvrant la voie à leurs frères du monde arabe, voire d’Afrique, ils ont acquis le statut de héros et de modèles. Comment pourraient-ils les décevoir ?

Jeune Afrique
 
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