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Des "partenariats" aux bénéfices immédiats
En 2016, changement de stratégie. Pour conquérir les marchés, le PDG de Medtronic, Omar Ishrak, propose désormais des "solutions de santé intégrées" aux établissements de santé.
Pour proposer ces prestations, Medtronic se dote d’une structure, le département "Integrated Health Solutions", qui a signé à ce jour 80 "partenariats" à travers le monde, dont une petite dizaine en France.
Le CHU de Rouen inaugure ainsi en 2017 une nouvelle salle de rythmologie de pointe, dédiée au traitement des troubles du rythme cardiaque.
Elle permet de reconstituer une image en 3D de la cavité cardiaque pour comprendre l’origine de l’arythmie. Medtronic la finance à hauteur de 800 000 euros sur cinq ans.
En échange, le CHU paye à l’industriel un pourcentage sur chaque acte effectué. Le partenariat prévoit aussi l’augmentation de l’activité de l’hôpital. Cela passe par l’optimisation des lits.
Selon nos informations, le contrat va jusqu’à envisager un objectif de nuitées économisées sur cinq ans.
Selon nos sources, 900 nuitées, soit l’équivalent de 200 000 euros pour l’hôpital. Une stratégie marketing est aussi prévue sur les réseaux sociaux afin d’améliorer "l’attractivité" du CHU.
Pour l’hôpital, le bénéfice est d’abord économique. Il réaliserait 700 000 à 800 000 euros d’économies d’achat, ce qui lui vaut de recevoir le
"Trophée de l’achat hospitalier" pour "ce partenariat innovant", un événement organisé par le Réseau des acheteurs hospitaliers (Resah) à Montrouge.
"Cette salle va faciliter l’accès aux soins pour tous", affirme le professeur Frédéric Anselm, cardiologue responsable de l’unité de cardiologie du CHU.
"Ce partenariat public-privé était inimaginable il y a quelques années. L’hôpital public ne pourra se pérenniser qu'en en mettant d'autres en place avec le privé", s’enthousiasme le professeur Alain Cribier, ancien chef du service cardiologie du CHU.
Des équipements d'un niveau que les CHU ne pourraient pas payer
Plus au sud, à Toulouse, la Clinique Pasteur, un des leaders du privé en Europe,
a récemment équipé huit nouvelles salles d’opération en cardiologie en appareils d’imagerie de pointe. L’une de ces huit salles, la salle 8, est en partie financée par Medtronic à hauteur de 750 000 euros, à raison de 250 000 euros sur trois ans.
Au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine), l’hôpital Marie-Lannelongue, un des leaders du traitement des maladies cardiovasculaires, s’est lui aussi tourné vers Medtronic pour financer une salle hybride.
Elle permet de réaliser à la fois des opérations chirurgicales classiques et des interventions plus complexes sans avoir à opérer le patient à cœur ouvert.
Le principe est le même qu‘au CHU de Rouen : Medtronic finance la salle à hauteur de deux millions d’euros, et l’hôpital lui reverse un pourcentage sur chaque acte.
Selon la direction de l'établissement, cette nouvelle salle a permis de réduire la durée d’attente des patients, et
"de développer l’activité du Tavi [Transcatheter Aortic Valve Implantation, une valve aortique percutanée posée sans opération à cœur ouvert, dont les implants valent très cher], majeure pour l’hôpital".
Ces partenariats comprennent des offres qui vont des remises de prix sur des dispositifs médicaux à la fourniture de salles d’opération financées par l’industriel.
Parmi les dispositifs médicaux vendus par Medtronic aux hôpitaux, une valve cardiaque, la Corevalve (ou Tavi) qui peut être implantée sans opérer le patient à cœur ouvert. La valve de Medtronic coûte 16 000 euros, celle de son concurrent Edwards 14 580 euros. Selon
Le Monde, il s’agit pour l’Assurance maladie des implants les plus onéreux, avec 186 millions d’euros remboursés en 2017 pour à peine 11 000 interventions.
Selon plusieurs chirurgiens que nous avons interrogés, le bilan pour les établissements est très positif.
"Medtronic met à disposition dans des délais rapides des équipements exclusifs et de haut niveau, difficiles à financer pour un CHU, et dont les patients sont les premiers bénéficiaires", explique le chef de service cardiologie d’un CHU.
Autre avantage : ce type de contrat permet à l’hôpital d’augmenter son chiffre d’affaires.
"C’est important car avec la tarification à l’activité, c’est la prime à celui qui fait le plus d’actes", poursuit ce médecin.
Dans le cas du CHU de Rouen, le contrat prévoit qu’il devienne un centre de formation de référence sur l’utilisation d’un nouveau gilet de cardiologie très innovant.
"Ça a une valeur pour l’hôpital, pas seulement une valeur marchande, mais aussi une valeur en notoriété", insiste l’ancienne salariée de Medtronic.
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