Un vieil homme alerte et candide réalise son rêve : partir en voyage au Maroc. La caméra de son petit-fils accompagne ses découvertes et ses confidences. Un très beau film, drôle et grave à la fois.
Aimé, 91 ans, part au Maroc avec son petit-fils Georgi. Violoniste professionnel, marié à Alice, il a rêvé toute sa vie de faire un grand voyage. Mais Alice n'est pas une aventurière : elle aime surtout s'asseoir dans un fauteuil confortable et écouter de la musique classique. Finalement, après une vie passée à ne pas oser, Aimé saute le pas. Avec une joie d'enfant, il savoure chaque minute, chaque péripétie de son voyage, du péage sur l'autoroute aux tables marocaines ("C'est drôle comme ici je mange avec appétit"), de la cabine du bateau aux promenades dans le désert ("Si je croyais au paradis, j'aimerais que ça soit une palmeraie"). Par petites touches, il se confie. Il aurait voulu être soliste mais n'a jamais eu le courage de sortir du rang. Il se serait bien vu gardien de phare, mais "il faut être célibataire pour faire ça". En contrepoint du périple d'Aimé, quelques séquences montrent Alice parlant, avec espièglerie et nostalgie, de sa vie, de son mariage, de la vieillesse ("Je suis comme une feuille morte sur un arbre et je ne tombe pas")...
Trop-plein d'émotions
C'est incroyable comment Georgi Lazarevski a su filmer son grand-père de façon à ce que l'on sente les émotions qui traversent le vieil homme, de ses cheveux blancs flottant au vent jusqu'à ses grandes mains tranquilles. On a vraiment l'impression de saisir exactement les états intérieurs de ce nonagénaire au sourire d'enfant, droit comme un i, fringant comme le jeune marié qu'il fut et que l'on voit sur des photos d'un autre temps. La familiarité du trio formé par Aimé, Georgi et la caméra doit beaucoup au fait que le réalisateur filmait son grand-père depuis plusieurs années déjà. La spontanéité avec laquelle Aimé se confie s'explique aussi par un autre élément : comme il est sourd, son petit-fils a écrit des mots (partir, Maroc, rêve, oser, amour...) sur une feuille et Aimé y réagit au fil du voyage, selon son envie. Le réalisateur prend aussi des photos de son grand-père, qu'il intercale avec les plans filmés. "Ah ben quand je serai mort tu auras mon portrait, hein ?", lui lance Aimé, malicieux. Son voyage est à la fois le bilan songeur et parfois amer d'une vie, et la découverte émerveillée de l'ailleurs et d'un autre lui-même. À un moment, Aimé confie qu'il aurait voulu laisser une trace, quelque chose d'important avant de s'en aller. Avec ce film, c'est chose faite car sa candeur, son sourire, sa silhouette élégante nous accompagnent désormais.
samedi, 11 avril 2009 à 18:05
Rediffusions :
19.04.2009 à 05:00
Voyage en sol majeur
(France, 2005, 54mn)
ARTE F
Réalisateur: Georgi Lazarevski
Aimé, 91 ans, part au Maroc avec son petit-fils Georgi. Violoniste professionnel, marié à Alice, il a rêvé toute sa vie de faire un grand voyage. Mais Alice n'est pas une aventurière : elle aime surtout s'asseoir dans un fauteuil confortable et écouter de la musique classique. Finalement, après une vie passée à ne pas oser, Aimé saute le pas. Avec une joie d'enfant, il savoure chaque minute, chaque péripétie de son voyage, du péage sur l'autoroute aux tables marocaines ("C'est drôle comme ici je mange avec appétit"), de la cabine du bateau aux promenades dans le désert ("Si je croyais au paradis, j'aimerais que ça soit une palmeraie"). Par petites touches, il se confie. Il aurait voulu être soliste mais n'a jamais eu le courage de sortir du rang. Il se serait bien vu gardien de phare, mais "il faut être célibataire pour faire ça". En contrepoint du périple d'Aimé, quelques séquences montrent Alice parlant, avec espièglerie et nostalgie, de sa vie, de son mariage, de la vieillesse ("Je suis comme une feuille morte sur un arbre et je ne tombe pas")...
Trop-plein d'émotions
C'est incroyable comment Georgi Lazarevski a su filmer son grand-père de façon à ce que l'on sente les émotions qui traversent le vieil homme, de ses cheveux blancs flottant au vent jusqu'à ses grandes mains tranquilles. On a vraiment l'impression de saisir exactement les états intérieurs de ce nonagénaire au sourire d'enfant, droit comme un i, fringant comme le jeune marié qu'il fut et que l'on voit sur des photos d'un autre temps. La familiarité du trio formé par Aimé, Georgi et la caméra doit beaucoup au fait que le réalisateur filmait son grand-père depuis plusieurs années déjà. La spontanéité avec laquelle Aimé se confie s'explique aussi par un autre élément : comme il est sourd, son petit-fils a écrit des mots (partir, Maroc, rêve, oser, amour...) sur une feuille et Aimé y réagit au fil du voyage, selon son envie. Le réalisateur prend aussi des photos de son grand-père, qu'il intercale avec les plans filmés. "Ah ben quand je serai mort tu auras mon portrait, hein ?", lui lance Aimé, malicieux. Son voyage est à la fois le bilan songeur et parfois amer d'une vie, et la découverte émerveillée de l'ailleurs et d'un autre lui-même. À un moment, Aimé confie qu'il aurait voulu laisser une trace, quelque chose d'important avant de s'en aller. Avec ce film, c'est chose faite car sa candeur, son sourire, sa silhouette élégante nous accompagnent désormais.
samedi, 11 avril 2009 à 18:05
Rediffusions :
19.04.2009 à 05:00
Voyage en sol majeur
(France, 2005, 54mn)
ARTE F
Réalisateur: Georgi Lazarevski