Tu peux nous en dire plus ?
Car souvent, on entend dire que c'est à cause des élèves, parce qu'on place les nouveaux profs inexpérimenté dans les écoles les plus difficiles, etc...
Y a deux grands points qui sont souvent abordés quand tu parles avec ceux qui ont quittés l'enseignement.
D'abord, l'immense partie du boulot administratif qui prend de plus en plus le pas sur le pédagogique. Une école devient de plus en plus une administration en terme de procédures à remplir par les profs. Tout doit être notifi, répertorié, quantifié, qualifié, etc...
Ne serait-ce que la création de cours. Tu suis un programme avec des compétences, normal, c'est ton boulot. On te dit libre de tes choix pédagogiques (et dans une certaine mesure, c'est vrai). Par contre, on va te demander de justifier chaque petit détail de ton cours, chaque décision prise, chaque matériel utilisé, etc... Et ce, pour chaque leçon.
Tiens, un autre exemple : tu veux organiser une sortie scolaire avec tes élèves. Certaines écoles te demandent :
- D'aller voir chacun des profs qui ont cours ce jour-là avec les élèves (ou ces jours-là) et de leur demander de signifier leur accord pour la sortie via un document daté et signé
- Avoir une majorité des 2/3 (de mémoire) des élèves qui participeront. Ce qui est impossible quand tu as des classes réduites dasn des options peu prisées (electromécanique par exemple, souvent 5-6 élèves dans l'option). Suffit qu'il y en ai un de malade et un autre qui travaille, tout tombe à l'eau
- Aller voir la direction pour suivre le parcours administratif du combattant (assurance, responsabilité, etc...)
- D'organiser la sortie avec un des profs qui a cours avec cette classe ET qui perd le moins d'heures ce jour-là si t'as besoin d'un accompagnateur. Même si tu détestes le gars en question et que tu t'entends super bien avec celui qui perdrait une heure de plus à venir avec toi.
- Récolter l'argent du transport/logement/entrée des musées/... auprès de chacun et le garder toi-même. Bien sur, avancer l'argent de ceux qui auront "oublié". Sans pouvoir être remboursé.
- Organiser le tout de A à Z (transport, réservation, etc...) sans personnel administratif pour t'aider dans ces démarches. Au risque de devoir tout reprendre à zéro parce que quand tu soumets le projet à la direction, y a un truc mal précisé ou qui est un peu borderline selon le kilo et demi de texte de loi entourant l'école.
- Etc...
L'autre grande découragement des nouveaux profs, c'est l'absence d'encadrement. Sous forme de tutorat, ou autre, comme tu le soulignes, lancé dans la cage aux fauves sans aide. Ou par la suite aussi. Si t'as un problème dans ta classe, la majorité des écoles te laisse te démerder tout seul, y compris ceux qui devraient t'aider à résoudre le problème. Et tu peux oublier la hiérarchie, dans la plupart des cas, ce sont des administrateurs qui en ont eu marre d'être prof. Ils se contenteront souvent de te dire "vous avez peut-être un problème d'autorité", sans fournir de pistes pour changer cela ou t'ignoreront tout simplement.
Et pis t'as le statut de CDD tant que tu n'es pas nommé en belgique. Ce qui peut prendre 10 ans pour certains, bien plus pour d'autres. Tu reçois la notification de fin de contrat chaque année, en juin, et tu passes les deux mois suivant à te reposer (un peu quand même) et à rebosser des cours que tu n'es même pas sur de redonner un jour puisque tu peux ne pas être repris l'année suivante. Et devoir tout recommencer ailleurs. En reprenant ton ancienneté à zéro (sauf l'ancienneté pécuniaire) et devoir repasser des années en espérant être, peut-être, nommé.
J'ai connu des profs partis à la retraite sans jamais avoir été nommé pour un seul de leur cours sur toute leur carrière. Une vie entière à passer en CDD et à t'investir, bénévolement, pour un établissement. Le tout avec toujours ce doute de ne pas être repris, de l'apprendre le 30 aout et de devoir te battre pour trouver ailleurs.
Les élèves difficiles, c'est une réalité. Mais quand le corps pédagogique et administratif fait vraiment corps, ça passe. Vraiment. Que ça s'améliore ou pas en classe, tu te sens entouré, fortifié par les conseils et le soutien des autres. Mais ça, dans une école, c'est très rare. Certaines en sont encore à désigner des tables par matières ou niveau de diplômes ou niveau d'élève dans la salle des profs. Et gare au prof de math qui déciderait de faire copain-copain avec un prof de français et aller à sa table, ça ferait jaser dans les couloirs.