Il y a peut-être un élément de propagande dans les départements d'économique des universités (on y enseigne encore les idées périmées des néo-classiques) mais personne ne va te punir si tu lis et écris des textes qui critiquent cette orthodoxie ou si tu crées une association pour propager des idées non conformistes. Au contraire, dans certains pays musulmans comme l'Algérie, on n'a pas le droit de critiquer la religion régnante.
J'ai beaucoup étudié la théologie à l'université, et je n'ai jamais eu l'impression qu'on cherchait à violer ma liberté en m'imposant une vision du monde. Par contre on exigeait de moi que je pense rationnellement et méthodiquement et j'étais noté là-dessus. Il n'a jamais été question de menaces du genre: «si tu n'es pas comme nous, tu vas en enfer».
Ce qui me préoccupe davantage, c'est que l'avalanche de publications grand public (les éditeurs obéissent à une logique mercantile qui exige qu'on publie ce que les gens veulent entendre) fait que des informations importantes sont comme diluées dans une mer d'insignifiance. Le citoyen a de la chance s'il tombe sur les bons livres. Le néophyte ne sait pas, a priori, quel livre mérite d'être lu et quels livres le mettront sur des fausses pistes. Étudier à l'université permet justement de comprendre quels auteurs en valent la peine.
En ce qui concerne la mesure du bonheur, je suis d'accord que l'on n'est pas si heureux que ça en Occident. À cet égard l'idéologie du Progrès n'a pas tenu ses promesses et ne les tiendra sans doute pas dans l'avenir. Une partie du problème, c'est l'anomie. N'ayant plus à lutter constamment pour sa survie, l'Occidental doit affronter le problème du sens de sa vie. Et comme il n'existe plus de consensus religieux (comme au Moyen Âge) ni d'idéologies politiques englobantes (comme au 20ème siècle), il n'y a une sorte de crise de sens et de scepticisme nihiliste qui menacent l'individu. Si certains occidentaux sont attirés par l'islam, c'est non pas en raison de la rationalité de cette religion (le christianisme et l'athéisme le surpassent), mais parce que de l'extérieur ils voient une communauté de croyants fraternellement unis et solidaires et donc un réseau d'entraide et de soutien. Certaines Occidentales acceptent ainsi fièrement de porter le voile comme marque d'appartenance à leur «nouvelle famille». Se sentir intégrées à un groupe devient pour elles une plus grande priorité que d'affirmer leur liberté.