5. Protestants évangéliques et catholiques intégristes:
Après les protestants réformés, émancipés à la Révolution, devenus des fers de lance dans les combats européens pour la liberté, la démocratie et la laïcité, les catholiques ont donc retrouvé le meilleur de leur histoire, renoué avec les accents de leur fondateur, pris leur parti de la laïcisation du monde, redoublé d’efforts envers les populations les plus pauvres, les exclus, les migrants, tous les défavorisés. Mais comment ne pas voir aussi que ces progrès sont aujourd’hui menacés par des comportements qui défient l’esprit des Evangiles et les déclarations des chefs d’Eglise, et par une certaine fascination pour la violence.
Aux Etats-Unis, en Afrique, en Asie, en Amérique latine où ils ont le vent en poupe, des courants protestants évangéliques refusent par exemple de faire le travail d’interprétation du texte biblique et continuent de s’en prévaloir pour imposer leurs vues morales conservatrices. Jusqu’à contester, comme le font les «créationnistes», la théorie de l’évolution des espèces selon Darwin. Fondé sur une lecture littérale et intégrale de la Bible, sur un prosélytisme actif, sur des promesses de «guérison», de «conversion», de «prospérité», ce protestantisme évangélique ne cesse de progresser.
Il dispose de puissants circuits de financement, exploite cyniquement la crédulité des populations les plus pauvres, mène une lutte radicale contre la «permissivité» morale, contre l’homosexualité, l’homoparentalité, l’avortement, la recherche sur les embryons. Il rejette toutes les valeurs séculières et la morale laïque, conteste un modèle de société occidental à prétention universelle.
On retrouve de la violence dans des groupes protestants ou catholiques anti-avortement, dits «pro-vie». Des militants n’hésitent pas à s’enchaîner dans des cliniques pratiquant l’IVG aux Etats-Unis où, jusqu’en 2009, des médecins ont été tués. On brûle aussi des préservatifs en Afrique. A Paris, des intégristes ont incendié un cinéma qui diffusait un film de Scorsese sur La dernière tentation du Christ. C’était en 1988, mais depuis des manifestations bruyantes se sont multipliées contre des pièces de théâtre ou des œuvres artistiques accusés de porter atteinte à la foi des croyants. Elle viennent le plus souvent de ces courants catholiques d’extrême-droite qui hier avaient rompu avec la «Rome moderniste» du dernier concile, soutenu des régimes autoritaires, justifié la torture en Algérie. Leurs héritiers en France aujourd’hui se retrouvent dans un mouvement comme Civitas qui s’est fait connaître, en 2013, lors des mobilisations mssives contre le «mariage pour tous».
Ces mouvements radicaux du protestantisme et du catholicisme sont bien entendu hostiles au dialogue avec les juifs et les musulmans. Ils participent de la méfiance face à l'expansion de l’islam, rejettent les règles de la société laïque, se répandent en dénonciations du blasphème et de la «christianophobie». Ils rêvent d’une restauration d’un ordre ancien où l’Eglise régentait les moeurs, d’une «nouvelle chrétienté» conçue comme une «citadelle», une contre-société libérale et permissive et mènent des entreprises de «reconquête» de pouvoir et d’influence, dans le monde politique, dans les écoles, les universités, les corps d’Etat ou les affaires. Sans la surestimer, une certaine «intransigeance» chrétienne renaît donc, qui n’est pas exempte de violence au moins verbale, et qui s’éloigne à nouveau inexorablement du message central de Jésus-Christ: «Heureux les doux et les hommes de paix».
Henri Tincq