Le filet social mis en place par le pouvoir algérien a contenu la contestation qui n'a débouché sur aucun mouvement d'ampleur, même si, chaque jour, des émeutes sont signalées dans le pays. Mais il a un coût : 8,2 milliards de dinars de dépense publique inscrits dans la loi de finances complémentaire 2011, avec pour conséquence le creusement du déficit budgétaire, évalué à 33,9 % du produit intérieur brut (PIB). Les importations de produits alimentaires ont atteint un niveau record. Et l'inflation galope. Le coût du logement, hors programme social, s'est envolé, même pour les plus modestes. Selon le quotidien El Watan, le prix d'une "baraque" à Kerrouche, l'un des plus grands bidonvilles du pays à 40 kilomètres d'Alger, a doublé en quatre ans, passant de 150 000 à 300 000 dinars.
Entre août et septembre, les prix des fruits et légumes ont flambé. Classique après la période de ramadan, l'augmentation de certains produits alimentaires a atteint, cette année, une "ampleur inégalée", selon Amir, un marchand de primeurs installé dans la Basse Casbah d'Alger. "Je ne sais pas ce qui se passe, mais avant, il y avait une différence entre les produits locaux et importés, maintenant c'est pareil", ajoute-t-il en désignant sur son étal des poires locales à côté d'autres venues d'Argentine. Un peu plus loin, sur le marché du quartier de la place aux Martyrs, Leïla Habba, une mère de famille, scrute les étiquettes, un sac à la main. "Ça fait une différence tout de même, soupire-t-elle. En ce moment, je n'achète plus ni haricots ni salade."
L'absence d'une opposition forte dans des pays où ont eu lieu des soulèvements, comme la Tunisie ou l'Egypte, a convaincu les autorités algériennes qu'elles n'étaient pas, elles non plus, à l'abri, mais qu'elles pouvaient utiliser la rente des hydrocarbures comme un rempart. La chute, en Libye, du régime du colonel Kadhafi, et ses implications régionales, est venue renforcer le sentiment de l'urgence. "Au sommet de l'Etat, c'est la panique générale, il donne, et l'Algérien ne veut plus, analyse Nourredine Hakiki. Il n'y a pas d'autre solution pour s'en sortir et échapper aux mouvements de violence que de mettre en place un processus démocratique, avec des élus choisis par les citoyens et capables de leur tenir un discours de vérité, mais la génération qui a accaparé le pouvoir depuis l'indépendance ne veut pas le comprendre."
Isabelle Mandraud
Le Monde